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Le sport contre l'homophobie en une du magazine L'Équipe

Confronté aux agressions et aux insultes homophobes, le monde du sport peine à briser le tabou. Mais des acteurs se mobilisent pour que la cause avance. Ce samedi, le magazine L'Equipe propose un numéro spécial autour de la question de l'homophobie dans le sport.

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Il est très attendu, il le sait, mais il ne vient pas. Il hésite, on le comprend. La peur de livrer son intimité en pâture, de s'attirer la haine des imbéciles, d'être réduit à ça. Mais le sport a le pouvoir d'ériger des icônes qui ouvrent des portes et ferment des bouches. Et l'exemple doit venir d'en haut. Aucun footballeur encore en activité dans un Championnat majeur n'ose évoquer son homosexualité. Alors il faut faire sans.

Pour bâtir ce numéro, nécessaire en cette saison tristement marquée par l'agression d'un pionnier de la cause (Gareth Thomas), par des flots de paroles abjectes notamment proférées par un rugbyman australien illuminé et un ex-capitaine des Bleus devenu guignol numérique, par des insultes trop souvent banalisées, on en a trouvé d'autres, des modèles. Des personnages courageux et passionnants, Don Quichotte jamais usés ou héros qui ne veulent pas l'être, dont les mots et les actes nous ont aidés à comprendre un sujet qui n'autorise ni les clichés ni les simplifications.

Parmi eux, il y a Cédric Le Gallo, réalisateur du film les Crevettes pailletées. Son baiser s'affiche sur cette une dont nous sommes fiers. Il nous permet d'essayer de dire, à la faveur d'une belle photo, que ce geste d'amour ne devrait pas choquer et que l'homophobie est une infraction pénale dans la rue comme sur les terrains de sport.

Dans ce Mag, il y a aussi Dave Raval, président des 800 « Gay Gooners » d'Arsenal, dont le témoignage prouve qu'au-delà des indispensables sanctions, ce n'est pas en stigmatisant le monde des supporters mais en l'associant au combat qu'il faut lutter contre l'homophobie des tribunes.

«Perso, les gays, j'aime pas ça»

Il y a Yoann Lemaire, dont le documentaire, bientôt diffusé sur France 2, ausculte le tabou. On y voit une troupe de théâtre, venue sensibiliser les gamins du centre de formation de Toulouse, entendre des « perso, les gays, j'aime pas ça » avant d'effacer un peu de l'ignorance, à force de pédagogie et en détaillant les solitudes extrêmes qui poussent parfois les jeunes homos au suicide. Il y a le volleyeur brésilien Michael dos Santos, exilé d'un pays où 420 meurtres homophobes ont été commis en 2018. Dans 72 nations du monde, étreindre la personne que l'on aime est un crime et, dans huit d'entre elles, c'est passible de la peine de mort.

Et puis il y a Laurence Manfredi, dont la remarquable interview avec notre reporter Jean-Christophe Collin, vous le verrez, élève la réflexion à des hauteurs insoupçonnées. « Par le sport, des gens se révèlent, y compris en ce qui concerne leur orientation sexuelle », dit-elle. Parce que la question avance malgré tout, ce Mag est également plein d'espoir, d'histoires de tolérance et d'entraide, de vestiaires qui aident à se sentir soi et d'aventures sportives qui font grandir. De voix à écouter et de voies à suivre.

Imanol Corcostegui, rédacteur en chef adjoint du magazine L'Equipe

Le Mag raconte le destin tragique de Justin Fashanu, premier footballeur pro à avoir fait son coming out (DR)
Le Mag raconte le destin tragique de Justin Fashanu, premier footballeur pro à avoir fait son coming out (DR)

Le sommaire du numéro :

Justin Fashanu, l'icône et les démons. Le premier footballeur professionnel à avoir fait son coming out s'est suicidé à Londres il y a vingt et un ans. Son destin tourmenté en fait aujourd'hui une figure symbolique de la lutte contre l'homophobie dans le foot britannique. Mais son histoire n'est pas seulement celle d'une victime.

Une année de haine. Insultes virales ou dans les stades, agressions, moqueries... L'homophobie a marqué, mois après mois, l'actualité sportive cette saison.

Tribunes d'expression. La question des chants homophobes dans les stades est devenue un sujet de débat en France. Nous avons demandé leur avis à des supporters LGBT.

Laurence Manfredi : «Aurais-je battu le record de France si je n'avais pas été homo?» Figure de l'athlétisme français au début des années 2000, la lanceuse de poids raconte comment son homosexualité l'a aidée à se construire en tant que sportive de haut niveau.

«Je m'attendais à pire, ça n'a posé aucun problème.» Parler de son homosexualité ou pas ? Jouer dans un club conventionnel ou dans un club gay ? Des sportifs amateurs racontent leur parcours.

Ils vont vous décortiquer. Alors que sort mercredi « Les Crevettes Pailletées », un film qui narre les tribulations d'une équipe de water-polo gay, nous avons suivi les vrais protagonistes de l'histoire, le week-end dernier à Amsterdam, lors d'un tournoi LGBT. Une ode au sport, à la bienveillance et au vernis à ongles.

Au Brésil, le ciel s'assombrit. Être sportif et homosexuel devient encore plus difficile à vivre au Brésil depuis l'arrivée au pouvoir du président controversé Jair Bolsonaro, à l'homophobie assumée.

Yoann Lemaire : «J'en veux aux joueurs qui se cachent». Viré de son club amateur après avoir révélé son homosexualité, Yoann Lemaire a réalisé un documentaire qui montre combien la question demeure compliquée dans la France du foot.

publié le 2 mai 2019 à 16h59 mis à jour le 3 mai 2019 à 15h43