Nucléaire : nouvelles sanctions américaines contre l'Iran qui renie des engagements

La décision a été notifiée officiellement en début de matinée, à Téhéran, aux ambassadeurs des pays encore parties à cet accord (photo d'archives).
La décision a été notifiée officiellement en début de matinée, à Téhéran, aux ambassadeurs des pays encore parties à cet accord (photo d'archives). © AFP
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avec AFP , modifié à
En début de matinée, l'Iran a annoncé qu'il cessera d'appliquer deux de "ses engagements" pris dans le cadre de l'accord sur le nucléaire, avant que Donald Trump ne décidé de durcir encore les sanctions économiques contre Téhéran.

L'Iran a annoncé mercredi qu'il s'affranchissait de deux engagements pris dans le cadre de l'accord international sur son programme nucléaire de 2015, en réponse à la décision américaine de dénoncer unilatéralement ce pacte, il y a un an jour pour jour. Téhéran a également lancé un ultimatum aux Européens, leur donnant deux mois pour trouver une solution permettant de sortir réellement les secteurs pétrolier et bancaire iraniens de leur isolement provoqué par les sanctions économiques américaines, faute de quoi la République islamique renoncera à d'autres engagements.

Téhéran ne limitera plus ses réserves d'eau lourde et d'uranium enrichi

L'Iran cesse désormais de limiter ses réserves d'eau lourde et d'uranium enrichi, a annoncé Téhéran, revenant sur des restrictions consenties par l'accord conclu à Vienne en juillet 2015 et limitant drastiquement son programme nucléaire. Le président Hassan Rohani a comparé ces mesures à une "opération chirurgicale [...] destinée à sauver [l'accord], pas à le détruire", et affirmé que son pays agissait conformément à l'accord de Vienne qui permet aux parties de suspendre partiellement ou intégralement certains de leurs engagements en cas de manquement imputé à une autre partie.

Ces annonces interviennent dans un climat de tensions exacerbées entre l'Iran et les États-Unis, qui ont annoncé mardi l'envoi de bombardiers B-52 dans le Golfe, pour contrer de présumées "attaques imminentes" de l'Iran contre les forces américaines.

Trump annonce de nouvelles sanctions 

Les États-Unis ne seront "jamais otages du chantage nucléaire du régime iranien", a réagi l'émissaire américain pour l'Iran Brian Hook, quand le ministre des Affaires étrangères américain, Mike Pompeo, a évoqué une annonce "intentionnellement ambiguë".

Quelques heures plus tard, Donald Trump a décidé d'imposer de nouvelles sanctions contre "les secteurs iraniens du fer, de l'acier, de l'aluminium et du cuivre" pour renforcer la pression sur le régime de Téhéran, et a menacé de prendre de nouvelles mesures si l'Iran ne "change pas radicalement d'attitude". Selon lui, les nouvelles mesures punitives ciblent les "principales sources de revenus d'exportation du régime après le pétrole", qui était lui déjà dans le viseur du Trésor américain. Soit 10% de ses exportations, a-t-il précisé. "Autoriser l'acier et d'autres métaux iraniens dans vos ports ne sera plus toléré", a-t-il ajouté à l'intention des autres pays.

Réactions contrastées pour les signataires de l'accord

La décision iranienne a été diversement reçue par les cinq autres pays encore parties à ce pacte (Allemagne, Chine, France, Grande-Bretagne et Russie). Londres l'a jugée "inopportune", Berlin a appelé Téhéran à respecter et mettre en oeuvre l'accord "dans sa totalité", et Paris n'a pas exclu que l'Union européenne (UE) prenne de nouvelles sanctions contre l'Iran après cette annonce. "Il importe d'éviter toute action qui empêcherait la mise en oeuvre de leurs obligations par les parties aujourd'hui engagées dans l'accord ou qui alimenterait une escalade", a déclaré un porte-parole adjoint du ministère français des Affaires étrangères, exprimant sa "préoccupation".

Plaidant pour le maintien de l'accord, Pékin a d'ailleurs appelé "toutes les parties en présence à faire preuve de retenue, à renforcer le dialogue et à éviter une escalade des tensions".

Qualifiant l'accord de Vienne de "construction [...] équilibrée" ayant été "très fragilisée" par le retrait des États-Unis, le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, a insisté sur l'importance "de convaincre tous les participants de la nécessité de remplir leurs obligations". "Nous allons nous efforcer de convaincre avant tout nos partenaires européens qu'ils doivent remplir leurs promesses", a-t-il ajouté lors d'une conférence de presse commune, à Moscou, avec son homologue iranien, Mohammad Javad Zarif. Celui-ci a accusé les Européens de n'avoir "rempli aucune de leurs obligations" après le retrait américain.

Les Européens, qui répètent leur attachement à l'accord, se sont montrés jusque-là incapables de permettre à l'Iran de bénéficier des avantages économiques qui lui ont été promis. Le mécanisme de troc qu'ils ont lancé en janvier pour permettre à l'Iran de continuer à commercer avec l'Europe dans certains domaines en contournant les sanctions américaines n'a permis encore aucune transaction.

De nouvelles mesures dans "60 jours" ?

Pris à la gorge économiquement, Téhéran donne "60 jours" à ses partenaires pour "rendre opérationnels leurs engagements en particulier dans les secteurs pétrolier et bancaire" sous peine de ne plus respecter d'autres clauses de l'accord. L'ultimatum survient après que les États-Unis, qui ont promis une campagne de "pression maximale" contre Téhéran, ont annulé début mai les dérogations qu'ils accordaient à huit pays pour leur permettre d'acheter du pétrole iranien sans contrevenir aux sanctions américaines, extraterritoriales.

Sans réponse satisfaisante sous 60 jours, "nous cesserons d'observer" les restrictions consenties "sur le degré d'enrichissement de l'uranium et l'Iran reprendra son projet de construction d'un réacteur à eau lourde à Arak (centre) mis en sommeil conformément à l'accord de Vienne, a précisé Hassan Rohani. Selon Téhéran, les mesures annoncées sont réversibles "à tout moment". Mais si au bout de 120 jours, "nous ne sommes pas parvenus à un résultat, une autre mesure sera prise", a ajouté Hassan Rohani, sans plus de détails.