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Quel bilan carbone pour la blessure de Neymar?

La réflexion écologique est quasi inexistante dans le football, où tout est fait pour que joueurs et supporters prennent l’avion le plus souvent possible

Neymar à l’aéroport de Rio de Janeiro en mai 2018. — © EPA/Toni Albir/Keystone
Neymar à l’aéroport de Rio de Janeiro en mai 2018. — © EPA/Toni Albir/Keystone

Economie, politique, société, culture, sport, sciences: les enjeux écologiques traversent toutes les strates de notre société. Comment passer de l’analyse à l’action? Quelle est la part de décisions individuelles et celles qui relèvent de choix politiques? Pourquoi la complexité du défi ne doit pas nous décourager?

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Qu’il est loin le temps où une souscription publique permettait à l’équipe de Suisse de football d’acheter des billets de train pour disputer la finale du tournoi olympique des Jeux de 1924 à Paris contre l’Uruguay. Aujourd’hui, les grandes équipes ne se déplacent plus qu’en avion. Souvent, ce sont des drames qui nous le rappellent: le Torino en 1949 à Superga, Manchester United à Munich en 1958, Chapecoense à Medellin en 2016.

Prendre l’avion est pour le footballeur moderne aussi banal que de s’entraîner. La facilité d’utilisation, la multiplication des matchs et les moyens financiers pratiquement illimités des clubs génèrent un important trafic aérien, et des joueurs phobiques, comme pouvait l’être Dennis Bergkamp, paraissent de plus en plus inadaptés. A force, plus personne ne se pose la question du coût écologique et les abus sont parfois délirants. En novembre 2015, l’équipe d’Arsenal, sise dans le nord de Londres, prit ainsi l’avion à Luton pour atterrir… quatorze minutes plus tard à Norwich.

Un vol transatlantique pour encourager les copains

Ces derniers mois, la star brésilienne du PSG Neymar multiplia les allers-retours entre Paris, Rio et Barcelone pour soigner sa cheville, avec parfois des vols transatlantiques pour simplement faire constater une blessure ou pour faire acte de présence un soir de match important.

Lors de l’Euro 2016 en France, chaque équipe joua dans trois stades différents, et était basée dans une quatrième ville, souvent éloignée

Les morts accidentelles récentes du président de Leicester (hélicoptère) et de l’attaquant de Nantes Emiliano Sala (avion de tourisme à hélices), soulignent combien les joueurs de football sont de gros clients de vols privés, pour rentrer plus rapidement après un match (avion affrété par le club pour rapatrier les joueurs en sélection), pour leurs loisirs ou quelques jours de vacances à Hongkong ou Miami. Lors de la Coupe du monde 2006 en Allemagne, Sepp Blatter se mit en tête de voir tous les matchs (il y en avait souvent deux ou trois par jour dans des villes différentes), performance qu’il réalisa en abusant de son avion privé sobrement baptisé FIFA One.

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34 000 km en un été pour City

Aux Jeux de Rio en 2016, son successeur Gianni Infantino voyagea dans un avion de ligne (le même que Le Temps). Mais le football n’est pas devenu raisonnable. Les clubs européens ont développé depuis quelques années des tournées d’été en Amérique du Nord, dans le Sud-Est asiatique ou en Australie qui rapportent gros mais consomment énormément (34 000 km en juillet 2015 pour Manchester City).

C’est encore pire durant la Coupe du monde où les équipes sont suivies par des myriades de supporters. En 1982, en Espagne, le bon sens prévalait encore. Ainsi, les équipes du groupe 1 jouaient à La Corogne et Vigo, villes distantes de 160 km, le groupe 2 à Gijon et Oviedo (35 km), le groupe 3 à Elche et Alicante (26 km). Désormais, il faut que tout ce petit monde se déplace un maximum, voyage, consomme, dépense. Lors de l’Euro 2016 en France, chaque équipe joua dans trois stades différents, et était basée dans une quatrième ville, souvent éloignée. La Suisse joua à Lens, à Lille et à Paris mais revint chaque fois à Montpellier. L’Angleterre joua successivement à Marseille, à Lens et à Saint-Etienne, l’Italie à Lyon, à Toulouse et à Lille.

Le pont aérien du Mondial

En Russie, l’an dernier, malgré les distances gigantesques de ce pays-continent, aucun effort ne fut fait pour limiter les transhumances, bien au contraire. En 2022 au Qatar, pays grand comme la Suisse romande, les déplacements de supporters ne seront pas un gros problème. Mais avec des stades climatisés pour lutter contre la chaleur étouffante, pas sûr que cette Coupe du monde là sera plus écologique que les précédentes.