Les enfants seraient les plus efficaces pour changer l’opinion de leurs parents sur le climat

Notamment grâce à leurs relations de confiance et parce que leur vision des choses serait apolitique, selon les travaux de chercheurs américains.
Les enfants seraient les plus efficaces pour changer l'opinion de leurs parents sur le climat

Les parents seraient plus susceptibles d’entendre les alertes sur le climat lorsqu’elles viennent de leurs enfants plutôt qu’au cours d’une discussion entre adultes. Des chercheurs américains suggèrent que la relation de confiance et la vision apolitique des plus jeunes sont des éléments clés pour convaincre, et encouragent au développement de l’apprentissage intergénérationnel.

Voilà une étude qui devrait gonfler à bloc la motivation des jeunes mobilisés pour le climat, qui multiplient les marches et grèves scolaires dans des milliers de villes dans le monde au nom de l’inaction de leurs ainés face au danger climatique. Les travaux de chercheurs de l’université d’État du Caroline du Nord, aux États-Unis, publiés le 6 mai dans la revue Nature Climate Change, suggèrent en effet que les enfants ont une réelle influence sur le niveau de préoccupation de leurs parents sur les questions climatiques.

Les chercheurs se sont concentrés sur les capacités d’influence des enfants âgés de 10 à 14 ans. Un groupe d’écoliers de cette classe d’âge a vu son programme scolaire aménagé, avec 4 cours et un projet de terrain liés au climat. En observant 238 familles, dont 92 familles témoins, les scientifiques ont noté qu’au bout de deux ans, les préoccupations climatiques des parents avaient davantage progressé chez ceux dont les enfants avaient suivi le programme en question.

Moins politisés, plus écoutés

La conscience des parents sur les enjeux climatiques étaient évaluée sur une échelle allant de –8 (les moins concernés) à +8 (les plus concernés). Les hommes et les parents aux idées conservatrices, catégories les moins concernées a priori par ces questions d’après des études précédentes, ont été ceux dont le niveau de préoccupation a le plus progressé, passant d’une moyenne de –2 à +2, précise un article de Scientific American. Autre fait notable, les filles auraient une plus grande influence sur leurs parents que les garçons, sans que les chercheurs ne décèlent la raison de cette observation, même s’ils émettent l’hypothèse de meilleures capacités de communication des filles dans ce groupe d’âge, ou d’une plus grande préoccupation initiale pour ces questions.

Mais l’hypothèse centrale des auteurs de l’étude concerne surtout deux atouts de persuasion qui seraient particulièrement efficaces chez les enfants. Le premier : leur absence de biais politique. « L’action collective nécessaire pour atténuer les effets du changement climatique et s’y adapter est extrêmement difficile à mettre en place, principalement en raison de préjugés socio-idéologiques qui perpétuent la polarisation sur la question du changement climatique  », soulignent les scientifiques. Le point de vue des enfants, plus neutre et moins susceptible d’être influencé par le contexte politique que celui des adultes, serait donc plus largement audible par leurs parents.

Manifestants lors de la « marche du siècle » pour le climat oganisée le 16 mars 2019. (© Romane Mugnier pour Usbek & Rica)
Manifestants lors de la « marche du siècle » pour le climat oganisée le 16 mars 2019. (© Romane Mugnier pour Usbek & Rica)

C’est la raison pour laquelle, au cours du programme scolaire mis en place pour l’étude, les écoliers étaient invités à interpeller leurs parents de façon uniquement indirecte sur le changement climatique. Via des questions locales plutôt que globales, et « idéologiquement neutres  », telles que : « Comment avez-vous vu le climat changer ?  » ou « avez-vous vu une montée du niveau de la mer ?  ». Les parents ont également été invités à venir visiter les projets de terrain menés par leurs enfants.

Deuxième atout des enfants : le haut niveau de confiance qui les lie à leurs parents. Une confiance qui peut faire défaut lors d’échanges, même très factuels, entre adultes, notamment à cause de ces « barrières socio-idéologiques  » dont parlent les auteurs.

Développer l’apprentissage intergénérationnel

Reste ensuite à savoir si cette double capacité d’influence joue aussi sur les comportements, au-delà des prises de conscience. L’étude n’a pas étudié l’évolution éventuelle des comportements mais des éléments vont déjà dans ce sens, souligne Scientific American, citant une étude de 2016 qui montre que la mise en place de programmes éducatifs sur la consommation d’énergie tendent à réduire la consommation effective dans les familles.

« Nos résultats suggèrent que l’apprentissage intergénérationnel peut surmonter les barrières pour développer les préoccupations climatiques  », concluent les chercheurs. Développer un tel modèle « d’apprentissage intergénérationnel  » aurait donc la double vertu de sensibiliser à la fois les enfants et leurs parents. Car malgré l’urgence absolue d’agir pour éviter de très lourdes catastrophes climatiques dans les décennies à venir, les jeunes sont loin d’être tous dans la rue pour le climat. En France, 36 % des 18–24 ans seraient climatosceptiques, selon un sondage publié en mars, soit plus que pour l’ensemble de la population.

 

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Image à la une : grève scolaire pour la climat à Camberra en 2018 (Olia Balabina / CC BY 2.0)

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