Enfants handicapés à l'école : le député Aurélien Pradié dénonce "le grand bluff"
Le député LR Aurélien Pradié vient d'achever un tour de France, à la rencontre des familles d'élèves handicapés, laissés à la porte de l'école. Il dénonce une réalité douloureuse pour les familles.
Aurélien Pradié, député Les Républicains du Lot, vient d'achever "son tour de France du handicap". Après avoir vu sa proposition de loi "pour l'inclusion des élèves en situation de handicap" rejetée en octobre dernier, il a sillonné le pays à la rencontre d'élèves, d'enseignants, de parents et d'accompagnants. Le député s'est rendu dans une vingtaine de départements pour "aller voir la réalité". Il s'insurge contre la non-scolarisation de centaine d'enfants et dénonce "un grand bluff" du gouvernement sur le tout inclusif.
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Pourquoi avoir fait un "tour de France du handicap"?
Ma proposition de loi pour l'inclusion des élèves en situation de handicap a été balayée en octobre par le gouvernement, qui a expliqué que nous ne connaissions pas les réalités. J'ai trouvé ça insupportable, alors j'ai décidé d'aller voir cette réalité. Je me suis rendu dans une vingtaine de départements, dans les écoles et les établissements spécialisés, dans les cantines ou les garderies. J'ai rencontré près de 2 000 personnes, enseignants, familles, accompagnants, et j'ai noirci 22 carnets de témoignages. C'était douloureux de découvrir le parcours du combattant que vivent ces familles.
Qu'avez-vous appris?
Le discours du gouvernement sur le "tout inclusif" est un grand bluff. Ma sévérité est à la mesure de la déception des familles face à l'écart entre les déclarations et les actes. Que le sujet soit difficile et qu'il demande du temps, je le comprends, mais on n'a pas le droit d'être aussi cynique et de faire de la com avec le handicap. Ce que j'ai vu, c'est un manque de moyens criant. On crée 50 Ulis [unités localisées pour l'inclusion scolaire] par an quand il en faudrait 250. Dans chaque département, des centaines d'enfants ne sont pas accompagnés comme ils le devraient.
"On accepte pour les enfants handicapés ce qu'on ne tolérerait pas pour les autres
"
L'Éducation nationale refuse de fournir des chiffres sur le sujet parce qu'elle n'en est pas fière. Quelque 40.000 autistes seraient aujourd'hui sans solution : soit à la maison, soit scolarisés seulement quelques heures par semaine. Il y a des zones d'ombre, une grande hypocrisie. En Corrèze, j'ai rencontré la famille du petit Ethan, qui est considéré comme "scolarisé" pour seulement trente minutes par semaine. Chaque mardi, ses parents l'amènent à l'école. Il dit bonjour à ses copains et il repart. Des enfants scolarisés entre deux et quatre heures, j'en ai vu partout. Dans le Beaujolais, 231 n'ont pas les solutions pourtant préconisées par la maison départementale des personnes handicapées [MDPH] et 27 sont sans aucune solution. Il y a aussi ceux qui sont privés de classe pendant deux mois parce que leur auxiliaire de vie scolaire [AVS] est en arrêt maladie. On accepte pour eux ce qu'on ne tolérerait pas pour les autres. Sait-on par ailleurs qu'à peine 10% des enfants en situation de handicap mangent à la cantine, parce que rien n'est prévu pour ça? Ce n'est pas acceptable.
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Des mesures pour "l'école inclusive" sont prévues dans le projet de loi Blanquer qui arrive au Sénat. N'est-ce pas un progrès?
La seule évolution réelle est d'avoir transformé des CDD d'un an pour les accompagnants en CDD de trois ans. C'est se moquer du monde! On ne peut pas prétendre en faire un métier avec une telle précarité. La maman d'Enzo, 6 ans, m'a raconté que son fils avait changé huit fois d'AVS l'an dernier. Les démissions sont fréquentes parce que le métier n'est pas valorisé et extrêmement précaire. Toutes les AVS que j'ai rencontrées m'ont expliqué qu'elles n'avaient reçu aucune formation avant de prendre leur poste.
"Il y a 20 ans, le handicap était un sujet de niche ; aujourd'hui, il est stratégique
"
Pourquoi dénoncez-vous une dérive dans la définition du handicap?
On colle une étiquette de handicap sur tous les gamins. Avant, un élève dyslexique était scolarisé dans une classe normale et accompagné par l'enseignant. Aujourd'hui, parce que notre système éducatif est à bout de souffle, on demande à ses parents de monter un dossier auprès de la MDPH et on lui attribue une AVS. En Haute-Savoie, un écolier était dans ce cas parce qu'il était "turbulent". Parfois, le fait de mal parler notre langue lorsqu'on vient de l'étranger est considéré comme un handicap! Tout ça provoque un engorgement du système. Il y a vingt ans, le handicap était un sujet de niche. Aujourd'hui, il est stratégique car nous supportons de moins en moins la différence. Face à ça, on ne peut pas juste faire du bricolage. À la rentrée, je porterai une nouvelle initiative parlementaire, budgétée cette fois, et encore plus charpentée que la première.
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