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Syrie

Torture en Syrie: 54 000 photos qui montrent l'horreur

Depuis janvier 2014, plusieurs organisations travaillent collectivement sur un terrible stock de clichés qui donnent des informations sur le recours à la torture par le régime de Bachar el-Assad. C’est le mystérieux « César », un Syrien travaillant au cœur de l’appareil sécuritaire, qui a collecté et transmis ces photographies à des groupes de l’opposition. Désormais, des juristes et des médecins-légistes analysent ces images dans l’espoir qu’elles constituent un jour des preuves devant un tribunal habilité à juger les coupables de torture pour « crime contre l’humanité ».

Devant un hôpital à Alep, en Syrie, le 9 mars 2014.
Devant un hôpital à Alep, en Syrie, le 9 mars 2014. REUTERS/Hosam Katan
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Des corps squelettiques de prisonniers que l’on a fait mourir de faim, des cadavres aux yeux ou aux organes génitaux arrachés, des corps portant des marques de torture à l'électricité ou brûlés par des substances indéterminées mais visiblement très corrosives... les photos sont insoutenables. Plusieurs organisations (Amnesty International, l’Association syrienne pour les disparus et les prisonniers d’opinion, le Réseau des Femmes syriennes) ont pourtant décidé de les diffuser en précisant avoir délibérément écarté des photos encore plus insupportables. Ces 54 000 photos correspondent à environ 11 000 victimes selon les experts qui les ont analysées. Précision glaçante : ce sont les services de sécurité syriens eux-mêmes qui ont documenté l’usage de la torture.

Qui est « César » ?

C’est un membre de ces services qui a patiemment collecté ces témoignages de l’horreur. L’homme a fui la Syrie à l’été 2013 mais pendant deux ans il a poursuivi sa terrible tâche, en restant en contact avec l’opposition. « "César" nous a contacté dès les premiers mois de la révolution, raconte Hassan Shalabi, opposant au sein du Mouvement National Syrien, il voulait faire défection mais nous avons décidé avec lui qu’il devait continuer son travail de l’intérieur ». De passage à Paris ces derniers jours, Hassan Chalabi raconte qu’une chaîne de communication a donc été établie afin de maintenir le lien avec « César », sans utiliser le téléphone ou internet, trop dangereux. « A l’été 2013, "César" a eu le sentiment qu’il était soupçonné, poursuit Hassan Shalabi, nous avons donc organisé sa fuite, ainsi que celle de sa famille ». L’homme a fait défection en emportant son énorme stock de photographies.

Juristes et légistes

On ignore toujours l’identité de « César » ainsi que l’endroit ou il vit désormais. « Je l’ai rencontré quelque part au Moyen-Orient », raconte David Crane, juriste américain de renom et ancien procureur en chef du Tribunal Spécial pour la Sierra-Leone. « Je lui ai d’abord demandé son identité… et il nous a montré ses papiers militaires » raconte David Crane qui juge le récit de « César » « extrêmement fiable ». Le juriste américain ne travaille pas seul sur l’énorme masse de documents photographiques, il est accompagné d’experts, en médecine légale notamment. « D’après eux il est impossible que cela soit un faux » assure David Crane, actif au sein du Syria Accountability Project de son université de Syracuse, dans l’état de New York.

Quelles poursuites ?

« Ces photos peuvent constituer une preuve devant un tribunal. On peut prouver que des crimes contre l'humanité ont été commis sur ces détenus. Si un jour des responsables politiques et des diplomates veulent engager des poursuites nous sommes prêts », assure David Crane au micro de RFI. L’homme sait de quoi il parle puisqu’il a siégé dans un tribunal international ayant envoyé un ex-chef d’état derrière les barreaux. Charles Taylor, ancien président du Liberia a en effet été condamné en 2012 à 50 ans de prison pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre durant la guerre civile en Sierra-Leone (1991-2002). Une victoire pour la justice internationale qui pourrait s’appliquer un jour à la Syrie ? David Crane détaille les scénarios qu’il estime envisageables : « 1° un tribunal syrien 2° un tribunal syrien internationalisé 3° un tribunal régional 4° la Cour Pénale Internationale ». La dernière option est aujourd’hui gelée car la Syrie n’a pas signé le Traité de Rome et on voit mal comment le Conseil de Sécurité – divisé sur la question syrienne – pourrait saisir la CPI (→Lire l'article d'Human Rights Watch).

La justice internationale passera-t-elle un jour en Syrie ? « S’il y a une volonté politique » conclut David Crane. En attendant, la torture est pratiquée au quotidien par le régime (→ voir l'article d'Amnesty International) et par certains groupes armés d'opposition tels que l’Etat Islamique en Irak et au Levant.

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