Glyphosate : le sénateur Pierre Médevielle accuse La Dépêche de "malhonnêteté", mais l'entretien a été enregistré

  • Le glyphosate au coeur d'une nouvelle polémique. / Archives
    Le glyphosate au coeur d'une nouvelle polémique. / Archives Photo DDM archives
Publié le , mis à jour
Lionel Laparade

l'essentiel Dans un entretien à La Dépêche du Midi, le sénateur Pierre Médevielle a dévoilé en avant-première les résultats d'une mission parlementaire et affirmé ce dimanche que "le glyphosate n'est pas cancérogène". Cédric Villani, premier vice-président de l'Office parlementaire qui a conduit la mission d'enquête, s'est désolidarisé de ses propos. Devant la polémique qu'il a suscitée, le sénateur de Haute-Garonne a dit "s'être fait piéger" et a accusé La Dépêche de "malhonnêteté". Or l'intégralité de l'entretien téléphonique a été enregistrée...

S’il ne s’agissait pas d’une substance sur laquelle pèsent de sérieux soupçons de cancérogénicité, s’il n’y allait pas de la crédibilité et de la réputation de quatorze sénateurs et autant de députés de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), et si, enfin, de graves accusations de « malhonnêteté » n’avaient pas été portées contre La Dépêche du Midi, on pourrait conclure que, Pierre Médevielle, le sénateur UDI de Haute-Garonne, est un mauvais joueur.

Mais convenons que lorsque c’est du glyphosate qu’il s’agit, il serait indécent de parler d’un jeu. Indécent pour les menaces que l’herbicide fait peser sur l’environnement, indécent pour les agriculteurs réputés malades du glyphosate, dont la cancérogénicité supposée a conduit, en vertu du principe de précaution, à programmer son interdiction en France sous cinq ans. 

Les opposants au glyphosate s’étrangleront probablement en lisant « cancérogénicité supposée » à propos de ce produit controversé, mais c’est justement parce que les preuves scientifiques manquent, et parfois se contredisent, que quatre parlementaires de l’OPECST ont travaillé quinze mois durant sur les conditions de mise sur le marché des substances dangereuses. 

Il s’agissait, à partir de l’exemple du glyphosate justement, de comprendre comment travaillent les agences chargées d’évaluer la dangerosité des produits chimiques à risque, de passer en revue leurs protocoles d’investigations, et de suggérer, par une harmonisation des pratiques en France et en Europe par exemple, des pistes d’amélioration de nature à restaurer la confiance entre ces instituts scientifiques et l’opinion. L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques devait présenter les résultats de sa mission ce jeudi, mais vendredi dernier,  La Dépêche du Midi  a contacté Pierre Médevielle, sénateur UDI de Haute-Garonne et co-rapporteur de la commission parlementaire.

L’entretien a été intégralement enregistré

Pendant plus d’un quart d’heure, l’élu du Comminges a volontiers répondu à toutes nos questions sur les raisons qui ont conduit au déclenchement de cette mission d’enquête, sur la méthode de travail employée par les quatre parlementaires, sur les enjeux sociétaux et scientifiques du mandat qui leur a été confié, et des recommandations qu’ils s’apprêtaient à faire, quelques jours plus tard devant la presse.

Il a surtout, et spontanément, relevé lui-même « qu’aucune preuve scientifique ne démontre formellement aujourd’hui la cancérogénicité du glyphosate. A la question : le glyphosate est-il cancérogène : la réponse est non ! », a-t-il affirmé à La Dépêche du Midi qui a publié son interview dans l’édition de ce dimanche 12 mai. C’est encore lui, qui, de sa propre initiative, a affirmé que « le glyphosate est moins cancérogène que la charcuterie ou la viande rouge qui, pourtant, ne sont pas interdites ». 

Ce lundi, après deux jours de vive polémique, et après que ses collègues de l’OPECST, dont le premier vice-président de l’office, Cédric Villani, se sont désolidarisés de ses déclarations, Pierre Médevielle a mis en cause le travail de La Dépêche du Midi. A plusieurs de nos confrères, ainsi qu’à l’état-major de l’OPECST, le sénateur a dénoncé les pratiques du journaliste qui l’a interrogé, « entre le piège et la malhonnêteté », a ainsi accusé l’élu du Comminges. 

Or, considérant la complexité du sujet sur lequel il était sollicité, l’intégralité de l’entretien téléphonique a été enregistrée. On y entend Pierre Médevielle contester la cancérogénicité du glyphosate, parler « d’hystérie collective » à propos de la molécule, et enfin donner son accord pour que le contenu de cet entretien soit utilisé avant la conférence de presse prévue ce jeudi. 

Comme Cédric Villani ci-dessous, on aurait pu considérer que par méconnaissance des médias ou que par enthousiasme, Pierre Médevielle a été maladroit. Mais sa ligne de défense pose de plus graves questions sur lesquelles il appartient désormais à la présidence de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques de s’interroger. Dans l’interview qu’il nous a accordée et que nous publions ci-dessous, Cédric Villani évoque les éventuelles sanctions que pourrait prendre le président de l’OPECST, Gérard Longuet. Nous tenons l’enregistrement des propos de Pierre Médevielle à sa disposition. 

Cédric Villani. / Archives
Cédric Villani. / Archives

Cédric Villani: "Pierre Médevielle a exprimé des convictions personnelles"

Le sénateur UDI de Haute-Garonne, Pierre Médevielle, a révélé, dimanche, en avant-première à La Dépêche du Midi, les conclusions d’un travail parlementaire selon lequel la cancérogénicité du glyphosate n’est pas démontrée par la science. Or ce lundi, vous vous désolidarisez de votre collègue…

Pierre Médevielle est vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Je suis moi-même premier vice-président de l’OPECST auquel une mission a été confiée pour comprendre le fonctionnement des agences chargées d’évaluer la dangerosité des substances mises sur le marché pour la santé et l’environnement. Le sénateur a travaillé avec trois autres parlementaires, et il était convenu que tous respectent l’embargo sur ce rapport jusqu’à sa présentation à la presse, ce jeudi. Non seulement il a manqué à sa parole de ce point de vue, mais il a de surcroît exprimé des opinions personnelles qui vont bien au-delà de ce que dit le rapport et qui, en tout cas, n’engagent que lui.

Vous faites référence à ses affirmations selon lesquelles la cancérogénicité du glyphosate n’est pas démontrée…

Notamment, oui. La mission confiée à nos collègues sénateurs et députés scientifiques de l’OPECST n’était pas de livrer des conclusions sur la toxicité de l’herbicide, mais de comprendre le fonctionnement des agences chargées d’évaluer la dangerosité des substances mises sur le marché, à partir de l’exemple du glyphosate dont on a bien vu les différences d’appréciation d’une agence à l’autre. Dans ce cas, comme dans tous les travaux qui lui ont été confiés depuis sa création en 1983, l’OPECST n’avait pas vocation à formuler de vérité scientifique sur l’herbicide.

Or c’est bien l’exercice auquel s’est livré Pierre Médevielle qui, lorsqu’il a été interrogé par La Dépêche du Midi, s’exprimait sous sa casquette de vice-président et co-rapporteur de l’Office parlementaire. Faut-il conclure que votre collègue sénateur, ou pire, l’OPECST lui-même, sont sous l’influence de Bayer / Monsanto ?

Je ne vois, à ce stade, aucune raison de douter de l’intégrité de Pierre Médevieille qui, comme ses collègues tout au long des quinze mois de leur mission, a réalisé un excellent travail. Je veux croire qu’il s’agit d’une maladresse : au cours de son entretien, il s’est probablement laissé aller à exprimer des convictions personnelles.

Des convictions dont son électorat rural pourrait se souvenir au prochain renouvellement de la chambre…

Ce n’est pas à moi d’en juger. Et si des sanctions doivent être prises, ce sera au président de l’OPECST, Gérard Longuet, de se prononcer.

Soulever la question des différences d’appréciation de la nocivité de l’herbicide d’une agence à l’autre, n’est-ce pas, d’une certaine, rouvrir le débat sur la sortie du glyphosate ?

Absolument pas, et je veux être tout à fait clair sur ce point. Le débat a été tranché par le gouvernement. La feuille de mission confiée à l’OPECST était claire : comprendre le fonctionnement des agences, les difficultés qu’elles peuvent rencontrer dans leurs travaux d’évaluation de la dangerosité des substances mises sur le marché et dessiner des pistes pour renforcer la confiance dans l’expertise scientifique qu’elles produisent.

On ne peut pas dire que les déclarations controversées du sénateur Médevieille y contribuent…

Ce n’est pas pour rien que je m’emploie à désamorcer ce que je veux considérer comme un malentendu.

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Les commentaires (76)
mohen31 Il y a 4 années Le 14/05/2019 à 22:59

il n'yb a jamais de fumée sans feu

carqueyrolles Il y a 4 années Le 14/05/2019 à 20:37

"au Soudan ou au Yémen , ils n'ont pas de pesticides , pas d'herbicides , et pourtant , les gens y meurent jeunes"

A Verdun ou sur la Somme aussi ! "Comparaison n'est pas raison", les guerres modernes longtemps une cause de mortalité ! Il suffit de regarder une Pyramide des ages ...

Si ce n'était les guerres ou les métiers à risques (mineurs par exp) on vivait vieux et en bonne santé dans la France rurale d'avant la généralisation des pesticides (1970 environ).

Techniquement le glyphosate, une erreur de recherche sur les activateurs de croissance, perd son efficacité au fil du temps par phénomène de résistance en particulier sur les dicots qui posent problème notamment en grandes cultures. Au fil du temps, il faut augmenter les doses et ajouter des mouillants "maison", genre décapants moteur ou de jantes ....

Au début des années 1980, il était préconisé et avait l'AMM pour détruire les herbes envahissantes dans les pièces et cours d'eau ...

75000Paris Il y a 4 années Le 14/05/2019 à 17:13

tous des pourris dans ses gens depuis des annees nous mangeons de la merde et du poison