Rien qu’à Paris, on recense de 15 000 à 20 000 trottinettes électriques en libre-service que se partagent une dizaine d'opérateurs. Nouveau moyen de déplacement à la mode, elles sont vantées pour leur aspect écologique. Mais si elles n’émettent effectivement aucun polluant en roulant, leur bilan carbone est loin d’être neutre. Ces nouveaux engins posent aussi des questions en termes de précarisation du travail, de sécurité et d’envahissement de l’espace urbain.
1) Leur bilan carbone n’est pas nul
Si les trottinettes électriques n'émettent effectivement aucun gaz polluant en roulant, leur fabrication, elle, génère forcément des gaz à effet de serre. Le gros point noir se situe au niveau de la batterie qui nécessite des matières premières extraites dans des conditions souvent néfastes pour la planète.
Il faut ajouter à cela la pollution engendrée par les véhicules - souvent des camions roulant au diesel - qui collectent les trottinettes ainsi que l’énergie utilisée pour les recharger. A priori, le mix électrique français majoritairement nucléaire ne devrait pas trop gonfler le bilan carbone, mais une polémique sur Twitter a récemment montré que certaines trottinettes étaient rechargées à l'aide de générateurs à essence.
Recharger les #trottinettes avec un générateur, c'est devenu régulier.
Êtes-vous certain de vouloir continuer avec cette mobilité passive absolument pas durable @Anne_Hidalgo ? @C_Najdovski pic.twitter.com/hv24GeHLTR
— La Grenade (@Lagrenade75) 26 avril 2019
Autre aspect négatif, leur durée de vie limitée. Selon une étude américaine menée dans le Kentucky, celle-ci serait de 28 jours en moyenne. En cause, des trottinettes peu résistantes et victimes de nombreuses incivilités. La startup américaine Lime, présente en France depuis juin 2018, s'est engagée à ce que le bilan carbone de sa flotte devienne 100 % neutre en rachetant des crédits d’énergie renouvelable.
2) Elles améliorent le report modal et l’intermodalité
Selon un sondage Odoxa pour Lime publié début avril, 59 % des clients de la startup indiquent avoir remplacé, au moins partiellement, leur utilisation de véhicules motorisés individuels. Ils sont 47 % à moins utiliser leur scooter ou moto et 12 % à l'avoir totalement remplacé. Un tiers des clients déclarent que la trottinette leur permet de faire des parcours qu'ils faisaient en voiture auparavant. Ils sont même 10 % à affirmer ne plus utiliser leur voiture. Par ailleurs, 23 % disent systématiquement utiliser la trottinette en complément d’un autre mode de transport et 62 % le font de temps en temps. Cela permet de réduire les embouteillages et la congestion dans les transports en commun.
3) Elles sont dangereuses mais leur usage commence à être encadré
Les accidents en trottinettes ont bondi de 23 % en 2017, faisant cinq morts et 284 blessés. Un bilan qui devrait encore s’alourdir avec l’explosion de leur utilisation. Cela a poussé le gouvernement à légiférer. À partir de la rentrée prochaine, la circulation en trottinette électrique sera interdite sur les trottoirs au profit des pistes cyclables. Et comme à vélo, les usagers ne pourront pas avoir d’écouteurs et devront porter un casque s’ils sont âgés de 8 à 12 ans. En complément, de nombreuses applications organisent des campagnes de responsabilisation des conducteurs, recommandent l'utilisation du casque et vont même jusqu’à en offrir à leurs clients.
4) Elles envahissent l’espace public
Outre leur dangerosité, les trottinettes électriques sont fustigées parce qu’elles envahissent nos trottoirs. Ce lundi 13 mai, la Mairie de Paris reçoit les opérateurs de trottinettes pour leur faire signer une charte de bonne conduite. Les signataires (la ville et les opérateurs) devront s'engager à "mettre leurs trottinettes dans des emplacements dûment spécifiés et répertoriés, qui ne gênent en aucun cas la circulation des piétons", au risque de les retrouver à la fourrière. Une centaine d’enlèvements de trottinettes mal garées ont déjà eu lieu dans la capitale. Par ailleurs, la Ville va mettre en place une redevance de 50 à 60 euros par trottinette pour l’occupation de l’espace public. Celle-ci doit servir à financer des zones de stationnement dédiées. 2 500 devraient voir le jour d'ici la fin de l'année.
Dites @wearedott un sagouin de vos services fait n’importe quoi en déposant de façon anarchique ses trottinettes. et pourquoi pas au milieu de la rue ? Avec de tels comportements, nous ne pourrons que finir par demander l’interdiction. C’est inacceptable ! pic.twitter.com/SAkm9AVec0
— Emmanuel GREGOIRE (@egregoire) 9 mai 2019
5) Elles participent à l’ubérisation du travail
La multiplication des flottes de trottinettes électriques a créé un nouveau métier, celui de "juicer" ou chargeur de trottinettes. Le principe est simple : plus ils rechargent de trottinettes, plus ils gagnent d’argent. Il faut donc être rapides et parfois un peu aventurier pour en récupérer le plus possible avant les autres, dans des endroits parfois insolites, puis les ramener chez soi avant de les redéployer au petit matin. Une trottinette rechargée peut rapporter entre cinq et dix euros. Mais à cela il faut retirer les frais d’électricité et les charges car ces "juicers" sont le plus souvent des auto-entrepreneurs qui trouvent là un moyen d’arrondir leurs fins de mois. À quel prix...
Concepcion Alvarez, @conce1