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Acte XXVI : deux gilets jaunes en fauteuils roulants aspergés de gaz lacrymogène à Lille

Samedi, deux gilets jaunes en fauteuils roulants ont été aspergés de gaz lacrymogène par la police à Lille. Ils expliquent à «CheckNews» qu'ils demandaient à la police de relâcher un manifestant qui poussait l'un d'entre eux.
par Jacques Pezet
publié le 15 mai 2019 à 6h27

Question posée le 14/05/2019

Bonjour,

Vous nous avez demandé des éléments de contexte sur cette vidéo qui a beaucoup circulé, où un policier utilise sa bombe lacrymogène contre deux personnes en fauteuil roulant.

Une scène filmée par au moins cinq caméras

«CheckNews» a pu accéder à de nombreuses vidéos diffusées, souvent en direct sur Facebook, qui montrent cette même scène où l'on voit un policier utiliser une bombe lacrymogène en spray à bout portant sur deux hommes en fauteuil roulant. Les faits ont eu lieu à Lille, ce samedi, à 16h06, à l'angle du boulevard Montebello et de la rue d'Esquermes.

L'extrait publié sur Twitter est issu d'un direct filmé par le compte Lelly Gijabet. A partir de la sixième minute, on peut voir très distinctement une charge de policiers extraire un homme en gilet jaune, puis le plaquer à terre. De nombreux manifestants protestent en criant : «Il n'a rien fait.» C'est alors que les deux hommes en fauteuil roulant se rapprochent des forces de l'ordre. Un agent repousse d'abord avec son pied celui poussé par un gilet jaune coiffé d'un chapeau multicolore, puis un autre policier saisit sa bombe lacrymogène et l'enclenche en aspergeant les deux handicapés. Un deuxième coup de pied est donné sur le second homme en fauteuil roulant. Les deux handicapés sont écartés par des manifestants. Lelly Gijabet continue de filmer : on peut entendre l'homme plaqué au sol répondre à un policier: «J'ai rien lancé, je le jure, j'ai rien lancé.» Il est ensuite relevé et extrait de la manifestation.

La même scène a été filmée sous un autre angle par deux vidéastes du média Revol. À partir de 1 heure 55 minutes et 30 secondes pour le live Facebook et de 8 minutes sur le reportage monté sur YouTube. On y voit l'arrestation du gilet jaune avec un tee-shirt Superman et un bonnet gris à pompon, puis on entend distinctement un policier l'accuser d'avoir jeté des projectiles sur les forces de l'ordre. L'interpellé assure que non.

#Lille #Acte26 En direct de la manifestation des Gilets jaunes à Lille.

Posted by Revol on Saturday, May 11, 2019

«CheckNews» a pu trouver un direct filmé par un des deux hommes en fauteuil roulant. Il s'agit de Doms, le deuxième homme à être aspergé de spray lacrymogène dans la vidéo de Lelly Gijabet. Dans sa vidéo à la première personne, on peut voir à partir de 36 minutes et 23 secondes plusieurs manifestants repousser les grenades de lacrymogène. Lorsque les policiers interpellent l'homme qui sera ensuite plaqué au sol, un manifestant le défend en hurlant : «Il n'a rien fait, il poussait un handicapé !» Le live s'interrompt au moment où les deux hommes en fauteuils roulants sont gazés à bout portant et reprend après le gazage.

Posted by Doms Mills on Saturday, May 11, 2019

Les deux hommes en fauteuil témoignent auprès de «CheckNews»

Contacté par «CheckNews», Doms raconte : «On était dans le cortège et soudain les policiers ont commencé à gazer dans tous les coins pour séparer le mouvement en deux parties. On s'est retrouvé immobiles au milieu des lacrymos, qui tombaient autour de nous. Je m'en suis pris dans le fauteuil.» Il explique que l'homme interpellé poussait à ce moment-là Christophe, l'autre handicapé. «Il y avait deux personnes qui le poussaient ce jour-là, tour à tour, le type avec le chapeau et celui qui s'est fait arrêter.»

On peut effectivement voir sur une dernière vidéo, que Christophe est poussé par l'homme au pompon juste avant la charge. Lorsque ce dernier est plaqué au sol, Doms et Christophe se sont rapprochés des policiers : «On leur a dit "il n'a rien fait, il a juste repoussé le palet." Mais ils ne voulaient pas nous écouter. Christophe s'est pris un premier coup de pied. On n'était pas menaçant. Après on a entendu : "il faut les gazer", ils ont sorti la gazeuse qu'on s'est prise dans le visage. Et alors la personne qui me dirigeait m'a reculé.»

Cette version nous a également été confirmée par Christophe, qui se fait asperger de bombe lacrymogène en premier. Il explique : «On était en plein milieu d'un carrefour. J'étais avec une personne qui s'est fait interpeller. D'un seul coup il y a eu une charge des gens de la BAC, qui sont venus le prendre. Ce jour-là, c'était surtout celui avec le chapeau, mon chauffeur, mais lui aussi, il me poussait. Sur la vidéo, on peut voir qu'il se tient à mon fauteuil quand ils l'arrêtent. Je suis allé voir l'agent de police et je lui ai dit : "Chef, il me poussait." Le policier s'est énervé, il a donné un coup de pied dans mon fauteuil, puis il a dit à son collègue : "Gaze-le." Si mon ami avec le chapeau n'avait pas été là, le fauteuil aurait pu se retourner.»

Les deux hommes en fauteuils roulants sont des gilets jaunes de la première heure. Ils participent aux manifestations dans le Nord mais aussi à Paris depuis le 17 novembre. Christophe assure n'avoir «jamais eu de soucis» jusqu'à samedi dernier. Ils ont décidé de porter plainte et indiquaient à CheckNews qu'ils rassemblaient les vidéos mises en ligne pour leur dossier.

Les deux hommes assurent que l'homme interpellé a été placé en garde à vue, dont il est sorti dimanche. Contacté par CheckNews le tribunal de grande instance de Lille indique que «confirme qu'un individu a été interpellé et poursuivi pour violences sur dépositaire de l'autorité publique et et pour le délit de visage dissimulé afin de ne pas être identifié lors de manifestation sur la voie publique faisant craindre des atteintes à l'ordre public. A l'issue de sa garde à vue, il a été présenté au magistrat du parquet de permanence qui lui a notifié une convocation devant le tribunal correctionnel le 16 août 2019. Dans l'attente il a été placé sous contrôle judiciaire par le juge des libertés et de la détention comportant une interdiction de paraître à Lille»

Cordialement

Article mis à jour le 15 mai: confirmation du contrôle judiciaire et de l'interdiction de paraître du parquet de Lille.

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