Sélénium, vitamines, iode, fer, oméga 3 et autres acides aminés colonisent les rayons des parapharmacies et de nos placards depuis l’avènement de la micronutrition ou nutrithérapie. Cette nouvelle science revisite à sa manière le célèbre précepte d’Hippocrate : "Que l’alimentation soit ta première médecine". 

Depuis des décennies, les gens mangent principalement des aliments industriels, dépourvus en nutriments. Les sols cultivés selon l’agriculture intensive produisent des végétaux tous aussi dénutris que pollués. "La micronutrition naît de ce double appauvrissement", explique la naturopathe experte en la matière Nicole Tripier. Son but : identifier les carences nutritionnelles qui entravent le bon fonctionnement du corps en vue de rééquilibrer l’organisme par le contenu de l’assiette et les compléments alimentaires. 

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Efficace sur les troubles légers et les pathologies lourdes

Née dans les années 90 et bâtie au fil des études scientifiques, cette spécialité à visée thérapeutique reste sujette aux priori. "Les gens l’associent au fait de manger peu", sourit la micronutritionniste Valérie Espinasse. "En réalité, cela signifie manger en quantité suffisante, des aliments qualifiés pour avoir les apports micronutritionnels optimaux", rectifie-t-elle. L’ordonnance répond à des déficits en nutriments qui finissent par s’exprimer en symptômes. "J’accompagne aussi bien des patientes sous traitement anti cancéreux que des femmes ménopausées ou sujettes aux allergies digestives, au psoriasis et autres migraines."

Claude Lagarde, biologiste, conférencier et fondateur du laboratoire de nutrithérapie Nutergia, se passionne pour depuis trente ans pour cette discipline qu’il juge puissante quand elle est bien prescrite. "De nombreuses personnes souffrant de pathologies chroniques ou à répétition (infections O.R.L., gastroentérites…) finissent par consulter en micronutrition ; une fois les erreurs d’hygiène alimentaire corrigées, le corps nettoyé et bien nourri, le terrain métabolique change, l’immunité se renforce et les gens guérissent", s’enthousiasme le docteur en pharmacie.

Un bilan essentiel

Première étape : identifier les carences. Certains spécialistes demandent un bilan sanguin en début de suivi. "Comme il n’est pas remboursé, on ne peut pas se permettre d’évaluer les niveaux de tous les nutriments", précise Valérie Espinasse. Les symptômes décrits lors de l’entretien oral préliminaire aident aussi à trouver les déficits. Pour affiner, des questionnaires complets passent au crible les habitudes et inconforts de la patiente. Ils permettent un dépistage personnalisé des carences ou d’une hypoactivité métabolique en micronutriments. Une fois le diagnostic posé, le praticien procède à une rectification alimentaire qui comblera les manques. "En fonction des symptômes et des bilans, on supplémentera aussi en acides gras, antioxydants, vitamines, oligoéléments et en recourant à la phytothérapie", complète Valérie Espinasse.

Tous les compléments alimentaires ne se valent pas

Pour Claude Lagarde, la consommation de ces compléments a été multipliée de manière exponentielle en trente ans mais les familles de nutriments proposés restent sensiblement les mêmes. Par contre, les laboratoires ont fait d’énormes progrès en terme de formulation. "Le magnésium, selon la forme dans laquelle il est présenté, peut être acidifiant et même faire perdre beaucoup de précieux minéraux au corps. Cela n’arrive pas quand il est associé à du citrate ou du bicarbonate", illustre le spécialiste, qui appelle aussi à se méfier des modes.

"On vante le dernier principe actif trouvé au fin fond de la Sibérie ou de l’Amazonie mais en réalité, les molécules dont notre organisme a besoin existent depuis toujours dans la nature et notre alimentation (celle issue des potagers et des élevages sains)", recadre le biologiste. Tout l’art est de combiner et d’associer les molécules, en gardant toujours en ligne de mire la qualité du principe actif. "Une huile de bourrache mal extraite est bien moins bénéfique. La qualité ne se lit pas toujours sur l’étiquette, mais elle fait certainement grimper les prix", prévient-il. 

Quand les compléments ne suffisent pas…

"Tout ce qui passe par notre bouche ne se retrouvera pas forcément dans nos tissus", alerte Claude Lagarde. Les compléments alimentaires ont l’avantage de passer facilement l’étape de la digestion de l’estomac, mais leur assimilation par l’organisme via l’intestin n’est pas toujours au rendez-vous. Serge Rafal, médecin et auteur de Je prends soin de mon côlon (éditions Leduc.s) suit de près la "révolution microbiote" entamée en 2010. "Beaucoup de substances chimiques introduites dans notre alimentation (comme les perturbateurs endocriniens) lors des dernières décennies ont déréglé notre flore intestinale, ce qui impacte notre santé et notre espérance de vie", analyse ce spécialiste des médecines douces.

"Si la muqueuse intestinale est enflammée, irritée, sujette à des maladies, il y a une malabsorption de certains nutriments, en fonction de leur taille par exemple. La digestion reste l’un des domaines les moins connus de la physiologie", abonde Claude Lagarde. Pour en finir avec le déficit d’assimilation, plus ou moins grave selon les cas, Il faut d‘abord rééquilibrer la flore intestinale.

Nous restons encore prudents avec les prescriptions de probiotiques car leur utilisation est récente; en micronutrition, tous les produits ne sont pas bons pour tout le monde, mais ils constituent la révolution en cours

"Les probiotiques peuvent aider mais il faut aussi parfois traiter les cas d’inflammation, de dysbioses (déséquilibre de la flore), de candidoses, d’hélicobacter et autres pathologies qui se diagnostiquent à l’aide de bilans et de tests d’intolérance alimentaire", pointe Valérie Espinasse. "Nous restons encore prudents avec les prescriptions de probiotiques car leur utilisation est récente; en micronutrition, tous les produits ne sont pas bons pour tout le monde, mais ils constituent la révolution en cours. On attend la seconde génération de probiotiques, plus personnalisés, probablement dans l’année qui vient", tempère Serge Rafal.

La membrane cellulaire, l’autre acteur clé de l’assimilation

Une fois passée la muqueuse intestinale, les nutriments sont redistribués via des capillaires aux différents tissus de l’organisme. Ces derniers puisent les nutriments à travers leurs cellules qui les utilisent grâce à des réactions enzymatiques. Sélectives, les membranes cellulaires dosent les flux de nutriments nécessaires. Les récepteurs qu’elles contiennent stockent toutes les informations liées aux besoins des tissus et de la cellule.

Pour Claude Lagarde, la restructuration cellulaire est un enjeu majeur de la nutrithérapie : afin d’aider la cellule à mieux fonctionner, il faut détoxiquer l’organisme (à commencer par le foie) mais aussi les cellules même. L’affaire d’une cure de détox bien menée sur un mois ou deux, selon la personne. "Encore faut-il savoir exactement ce qu’il faut nettoyer ! Les analyses sanguines ne sont pas suffisantes pour capter les petits désordres biologiques de l’organisme", souligne Claude Lagarde. Créé récemment par Nutergia, le test ioMET® dresse le profil bionutritionnel de la personne et donne des informations sur son terrain.

"Cette notion essentielle commence enfin à être prise en compte", se réjouit le biologiste. Détoxiner, désacidifier, désoxyder… le questionnaire permet ainsi d’orienter la détox. Une fois le corps nettoyé, place à la restructuration cellulaire proprement dite, via une complémentation alimentaire réparatrice. Acteur clé de cette étape qui dure en général deux mois : les oméga 3, protecteur indispensable des membranes cellulaires. A trouver en gélules, dans certaines huiles ou dans un poisson gras cuit doucement (ces acides gras sont très fragiles).

Gare à l’auto complémentation

Avant de se complémenter, il est essentiel de consulter un professionnel en nutrithérapie pour mettre à jour les carences. "Tout le monde n’a pas la même sensibilité de réaction par rapport aux aliments et à la vie. Deux personnes peuvent manger la même chose sans développer les mêmes carences. Certaines ont une capacité génétique accrue à amortir les manques et le stress", explique Nicole Tripier. Bon à savoir : le surdosage en nutriments crée de l’oxydation. Donc le vieillissement.

Nous ne sommes donc pas condamnées à prendre des gélules toute notre vie. Sauf à faire des cures ponctuelles, quand on en ressent le besoin.

"Préférez les cures d’un seul produit dont vous avez vraiment besoin, arrêtez une semaine et commencez une cure d’un autre nutriment", conseille l’experte, qui rappelle la base : boire beaucoup d’eau entre les repas et soigner son assiette. « Plus l’alimentation est variée, moins vous avez de chance d’être carencée » confirme Serge Rafal. Publiée dans le Journal International de la Médecine, une étude montre que l’augmentation de 0,1 point de diversité alimentaire correspond à un gain de 4 années d’espérance de vie en bonne santé.

Autre facteur décisif : la charge glycémique des repas. "Le but de la micronutrition est de vous permettre en quelques mois de navigue seul, en toute conscience de ce que vous mangez et de ce que vous ressentez", avance Nicole Tripier, qui estime une intervention classique entre 5 et 7 séances.

Nous ne sommes donc pas condamnées à prendre des gélules toute notre vie. Sauf à faire des cures ponctuelles, quand on en ressent le besoin.