La route du futur est peut-être suédoise… et électrique

D’ici 2030, en Suède, plus aucun moteur de voiture ne tournera grâce aux énergies fossiles. Pour atteindre cet objectif, le pays mise sur l’électrification de ses routes. Une portion de route électrique sur laquelle les véhicules se rechargent tout en roulant doit notamment être testée en 2020, dans la petite ville de Lund.

La route du futur est peut-être suédoise… et électrique

« Au moins 25% du budget européen doit être consacré à la lutte contre le changement climatique ». Selon la BBC, 8 pays défendent cette idée. La Suède en fait partie, mais n’a pas attendu l’Europe pour mettre en place une politique particulièrement volontariste en matière climatique. En 2045 – le Parlement suédois l’a voté en janvier 2018 – le pays sera complètement neutre en carbone. Et en 2030, il n’utilisera plus d’énergies fossiles pour les transports. Et pour propulser les véhicules électriques, le gouvernement a prévu la construction de 2000 kilomètres de routes électriques – et surtout, multiplie les projets de routes électriques, et leurs tests pour trouver la bonne formule.

L’industriel suédois Scania, soutenu par le gouvernement et les autorités locales, avait ainsi ouvert dès 2016 une route électrique sur laquelle des camions à propulsion électrique roulaient comme des trains, reliés à des câbles. En avril 2018 était inaugurée l’« Eroad-Arlanda  », une portion de route de 2 km qui intégrait dans l’asphalte un rail électrifié. Comme pour les tramways, les véhicules se rechargeaient via des patins mobiles entrant en contact avec le rail. Le bémol de ces dispositifs, ce sont les besoins en infrastructures dédiées – et donc en travaux d’aménagement coûteux. Il faudrait adapter routes et véhicules, ce qui nécessiterait que tous les véhicules électriques soient rechargeables uniquement par ce biais-là. Un même standard de recharge pour tous les véhicules : l’hypothèse est illusoire dans un marché du transport électrique hyper concurrentiel.

(Scania)

La prochaine expérimentation de route électrique lancée en Suède est à cet égard moins gourmande. Le projet est mené par l’entreprise Elonroad, soutenue par l’Université de Lund, la municipalité et le gouvernement suédois. La route en question, testée d’abord sur une distance d’un kilomètre dans le centre de la ville de Lund, est pensée pour accueillir et, surtout, pour recharger les véhicules électriques alors même qu’ils sont en train de rouler.

Trois kilomètres pour le prix d’un

Le projet Elonroad – le fondateur de l’entreprise, Dan Zethraeus nie toute référence à Elon Musk – prendra la forme d’une route équipée d’un rail fin, posé à même l’asphalte. Pas besoin de grands travaux donc. Pour se recharger, les véhicules seront dotés d’une espèce de patin logé sous le châssis, qui se déploie quand est détecté le rail. Pas besoin non plus de placer le rail sur toutes les routes. « Si une voiture roule un kilomètre sur notre route, elle pourra rouler deux kilomètres de plus à partir de l’énergie générée, ce qui fait un total de trois kilomètres de conduite pour le prix d’un seul », explique à Fast Company le fondateur de l’entreprise. À Lund, où la route va être installée en 2020 sur un kilomètre et testée en circulation avec des bus électriques, il suffirait d’électrifier la rue principale pour que tous les bus fonctionnent (la rue étant le carrefour par lequel passent toutes les lignes de bus de la ville).

Elonroad se présente aussi comme une réponse à la crainte principale des automobilistes concernant les véhicules électriques : la peur de se retrouver à court d’énergie. « Il y a huit ans, j’ai voulu acheter une voiture électrique, et j’ai pensé que l’autonomie (de batterie, ndlr) était beaucoup trop maigre », raconte à Fast Company Dan Zethraeus. Et si, aujourd’hui, certains véhicules électriques peuvent circuler jusqu’à 200 km par charge, la crainte subsiste. Le constructeur automobile Tesla a ainsi annoncé en avril dernier, à l’occasion de son grand raout annuel (le Tesla Autonomy Day) le développement d’une batterie plus robuste et plus fiable à l’horizon 2020.

Plus petit, plus éco(lo)

La route conçue par Elonroad serait enfin une réponse aux problèmes environnementaux générés par la voiture électrique et son développement. Car comme le pointait en avril dernier un rapport de l’ONG Earthworks et de l’University of Technology de Sydney, le développement des véhicules électriques risque fort d’entraîner un « boom minier ». Pour satisfaire la demande en batteries, il faudrait trouver toujours plus de métaux et de terres rares. Or, si les voitures, camions et bus électriques se rechargaient tout en roulant, on pourrait les équiper de batteries de plus petite taille, donc moins gourmandes en ressources naturelles.

Les chercheurs de l’université de Lund qui travaillent sur le projet Elonroad estiment qu’avec un tel système, on pourrait réduire de 80% la taille des batteries, soit une dépense moindre en ressources minières, en lithium, cobalt et nickel, matériaux auxquels carburent aujourd’hui les batteries électriques, dont l’extraction a un certain coût environnemental et humain. Du reste, le développement de batteries de plus petite taille aurait aussi un impact sur le prix des véhicules électriques, qui deviendraient alors plus abordables.

Autre conséquence positive pointée par Dan Zethraeus : le besoin moindre en bornes de recharge, qui mobilisent un espace non négligeable. En Chine et en Inde, « ils n’ont pas la place suffisante pour avoir des voitures qui stationnent juste pour être rechargées ». Pour les semi-remorques, un tel système serait aussi bienvenu car le temps de recharge est plus long pour ce type de véhicules. Alors où est le loup du projet Elonroad ? Pour faire fonctionner ces rails, même peu nombreux, il faudrait les connecter à des lignes électriques. Un investissement que pourrait couvrir le gouvernement suédois, qui a alloué à la lutte contre le climat un budget conséquent, et aussi grâce à une taxe carbone certes élevée (la plus élevée au monde), mais soutenue par 45% des Suédois.

 

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Illustration à la Une : Un bus circule et se recharge sur une route électrique. Illustration pour Elonroad.

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