Tribunes

Non, les sportives ne sont pas là pour donner des gages de féminité !

Cecile Chartrain
14.05.2019

Tribune. Les Sportives, au pluriel. Elles sont nombreuses, elles sont de plus en plus visibles. Ce magazine leur est consacré. Et pourtant, les femmes qui font du sport se voient aujourd’hui encore limitées dans l’expression de leur diversité. Quand ils consentent à mettre en avant des sportives, les instances dirigeantes du sport, les sponsors, les médias ne nous donnent à voir qu’un seul type de sportive : une femme convenable, qui rentre dans le moule, qui correspond à l’idée dominante de ce que doit être une femme. Celles qui ne se conforment pas à l’apparence musculaire, pileuse, capillaire, vestimentaire attendue sont immanquablement rappelées à l’ordre, punies, évincées. Celles qui, au-delà de leur corps, n’ont pas un comportement socialement adapté, c’est-à-dire rassurant pour l’ordre patriarcal – et hétérosexuel – subissent le même sort.Elles auront beau se distinguer en termes de performance, on les rendra tout de même  invisibles. Du moins, on essaiera.

Différents exemples récents illustrent bien ce constat. Le Tribunal Arbitral du Sport s’est par exemple rangé à l’avis de l’Association Internationale des Fédérations d’Athlétisme (IAAF) qui exige que la championne sud-africaine Caster Semenya ne fasse artificiellement baisser son taux naturel de testostérone pour pouvoir concourir dans les courses féminines de son choix. Son tort : être jugée hormonalement incorrecte. Quant à la jeune boxeuse iranienne Sadaf Khadem, c’est sa tenue –  elle combat en short et en débardeur et sans voile –  qui est considérée comme inadéquateet lui vaut d’être la cible d’attaques dans son pays. La France n’est hélas pas en reste lorsqu’il s’agit d’enfermer les sportives dans le carcan d’une féminité acceptable. Ici, ce n’est pas l’absence mais le port du voile qui est invoqué par certaines autorités, dont la Fédération Française de Football, pour interdire à des femmes de participer à des compétitions.  

Attardons-nous un peu sur le football, justement. En moins de dix ans, le nombre des licenciées au sein de la FFF a quadruplé pour approcher les 200 000. Une réussite à mettre au crédit de la FFF… mais à quel prix ? Fallait-il vraiment en passer par une « politique de féminisation du football » qui conforte les stéréotypes de genre à travers des opérations comme « Le football des Princesses » pour attirer les petites filles vers le rectangle vert ? Comment expliquer qu’en pleine organisation de la Coupe du Monde « féminine » de football en France, la FFF ait choisi de distinguer les maillots des Bleues de ceux de leurs homologues masculins en les affublant d’un flocage rose-doré ? Et que l’essentiel des espaces de communication dévolus aux joueuses de l’équipe de France serve à répéter ad nauseamqu’elles restent des « vraies femmes » malgré tout ?

Si nous avons créé Les Dégommeusesen 2012, c’est précisément en réaction à ce sexisme ambiant. Nous sommes une équipe de foot majoritairement composée de femmes lesbiennes et de personnes transgenres visibles et fières. Nous sommes aussi une association féministe. Nous militons pour que les règlements sportifs servent l’émancipation des femmes et non leur exclusion. Aujourd’hui, nous faisons le vœu que la Coupe du Monde 2019 permette de valoriser différents types de sportives et différents modèles de féminité. Et nous continuerons à nous battre, demain et après-demain, pour que les petites filles puissent toutes rêver de carrières sportives sans avoir à se renier ni à se sentir à l’étroitdans des costumes de princesses.  

Cecile Chartrain
14.05.2019

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