Grand Paris : moins d’une ville sur deux s’engage contre les véhicules polluants

A six semaines de l’entrée en vigueur de la zone à faible émission (ZFE) dans le périmètre de l’A86, seuls 34 maires sur 78 assurent qu’ils signeront l’arrêté l’appliquant sur leur territoire. Le président de la métropole se donne deux ans pour convaincre les récalcitrants.

  La métropole du Grand Paris doit mettre en place l’interdiction de circulation aux véhicules les plus polluants, sur le modèle de Paris à partir du 1er juillet 2019.
La métropole du Grand Paris doit mettre en place l’interdiction de circulation aux véhicules les plus polluants, sur le modèle de Paris à partir du 1er juillet 2019. LP/Olivier Boitet

    Ils s'y engagent : 34 maires de la métropole du Grand Paris, situées dans le périmètre de l'A86, contactés par nos soins, affirment à ce jour qu'ils prendront bien l'arrêté pour donner le feu vert à la mise en place la ZFE interdisant les véhicules les plus polluants sur leur territoire (*).

    Trente-quatre sur 78 au total (Paris mis à part), à mettre en vis-à-vis des 25 contre (dont deux hors métropole) et 19 qui hésitent encore… Un verre à moitié vide ou à moitié plein selon le point de vue adopté.

    /
    / LP/Olivier Boitet

    «Il faut arrêter avec l'écologie punitive»

    Les sceptiques et les critiques, qui reprochent tour à tour à la métropole et à l'Etat de faire de « l'anti-bagnole » sans s'attaquer aux vrais problèmes tels que la pauvreté, le logement ou l'amélioration des transports en commun en Ile-de-France, jugeront ce premier bilan négatif.

    Pour ces derniers, à moins de deux mois de l'entrée en vigueur de la ZFE métropolitaine, dès le 1er juillet 2019, le faible taux d'adhésion serait révélateur d'une décision prise dans la précipitation, sans tenir compte du contexte social. « On nous dit qu'on va accompagner les personnes les plus en difficulté. Mais qui ? Avec quel budget ? », réagit Eric Berdoati, maire LR de Saint-Cloud (92), « Aujourd'hui si j'ai bien compris, il y aurait de quoi aider 1 200 conducteurs sur toute la métropole. Qu'est ce qu'on va faire ? Verser l'aide aux 1 200 premiers à se présenter ? Il faut arrêter avec l'écologie punitive. N'oublions pas que la manifestation des Gilets jaunes du 17 novembre était liée à la taxe sur les carburants ».

    Idem pour Stéphanie Daumin, maire PC de Chevilly-Larue qui précise : « Je suis favorable à la ZFE, mais contre les conditions de sa mise en oeuvre. Je ne signerai l'arrêté que lorqu'on aura une idée plus précise de qui est concerné car les chiffres dont nous disposons ne sont pas crédibles ».

    Dix-neuf maires hésitent encore

    Les optimistes et les défenseurs de la ZFE affirment, eux, en revanche, à l'image de Patrick Ollier, le président LR de la métropole, que les 34 avis positifs représentent déjà une victoire. Un résultat d'autant plus encourageant qu'une bonne part des élus, soit 19 communes au total, hésiterait encore. Ils réclament, eux aussi des mesures d'accompagnement. Comme le maire PC de Montreuil (93), qui, avant de se prononcer, demande, dans un courrier envoyé à la MGP « des clarifications sur le nombre exact de véhicules concernés », des aides « au bon niveau financier », mais aussi « le renforcement de certaines lignes de bus ». Pas si éloigné en fait des conditions de plusieurs élus qui, à l'image d'Emmanuel Aeschlimann, le maire LR d'Asnières (92), s'engagent d'ores et déjà à voter l'application de la ZFE, mais « sous réserve d'aides suffisantes de la région et de l'Etat ».

    Pantin, le 18 avril. Panneau d’information sur la future ZFE zone à faibles émissions. LP/Hélène Haus
    Pantin, le 18 avril. Panneau d’information sur la future ZFE zone à faibles émissions. LP/Hélène Haus LP/Olivier Boitet

    Les élections municipales en ligne de mire

    Inutile de se leurrer toutefois, la plupart ont aussi en ligne de mire les élections municipales de 2020. Une proportion non négligeable de leur électorat, notamment dans les villes les moins aisées où se trouvent la majorité des propriétaires de vieux diesel, verrait d'un mauvais oeil une mesure qui lui coûterait cher. Tandis, qu'une autre partie de ces électeurs ne comprendrait pas que l'on ne se mobilise pas pour faire baisser la pollution de l'air et sauvegarder la santé des plus fragiles, notamment les enfants. Mieux vaudrait donc temporiser pour ne fâcher personne…

    Et ça tombe bien, puisque Patrick Ollier, qui dit se refuser à pratiquer une écologie de la contrainte, s'est donné deux ans pour faire pencher les indécis du « bon côté ». Deux ans pour sensibiliser les habitants et les aider à changer de véhicule, période durant laquelle aucune contravention ne sera délivrée. Les PV n'arriveront qu'en 2021, année de l'extension de l'interdiction aux véhicules Crit'air 4 (**), en même temps que la capitale. Après les élections municipales donc.

    * A partir du 1er juillet 2019, les véhicules Crit'Air 5, c'est à dire tous les véhicules diesel immatriculés avant le 31 décembre 2000, auxquels s'ajoutent les véhicules essence et diesel d'avant 1996, seront interdits de circuler au sein de la ZFE.

    ** A partir du 1er juillet 2021, les véhicules Crit'Air 4, c'est à dire les véhicules diesels immatriculés entre 2001 et le 31 décembre 2005 s'ajouteront à la liste des véhicules interdits au seins de la ZFE.

    PARIS A MONTRÉ L'EXEMPLE

    Paris, vendredi 8 mars 2019, périphérique porte Maillot. LP/Olivier Arandel
    Paris, vendredi 8 mars 2019, périphérique porte Maillot. LP/Olivier Arandel LP/Olivier Boitet

    Les vignettes Crit'air ont depuis longtemps fait leur apparition sur les pare-brise des automobilistes parisiens. La mairie de Paris a instauré le système dès le mois de janvier 2017 mais en ne le rendant obligatoire que 6 mois plus tard, au 1er juillet 2017. En juillet prochain, ce sont les véhicules étiquetés 4 qui seront bannis des rues parisiennes.

    C'est donc avec satisfaction que l'Hôtel de ville voit se profiler l'interdiction des véhicules polluants sur le territoire métropolitain. « Nous avons toujours défendu l'idée d'une zone à faibles émissions à une plus grande échelle », rappelle l'élue Célia Blauel, adjointe à la maire de Paris chargée de l'environnement. L'organisme régional de contrôle de la qualité de l'air, Airparif, plaide d'ailleurs dans le même sens.

    Depuis l'an dernier, le risque est plus grand de se faire sanctionner pour ne pas avoir de vignettes. Les agents de surveillance de Paris verbalisent beaucoup plus que ne le faisait la police nationale, avec 51 PV en moyenne par jour. Le PV pour les voitures ou les véhicules utilitaires légers est de 68 € et de 135 € pour les poids lourds et autocars.

    Et ce n'est pas fini. « Dans le cadre de la loi mobilité, nous militons avec la Métropole pour que les contrôles des vignettes soient renforcés par le biais de la vidéoverbalisation », annonce Célia Blauel.

    LE CALENDRIER DE LA ZFE DU GRAND PARIS

    Mai 2019 : poursuite de la consultation du grand public dans les 78 villes de la métropole concernées par la ZFE.

    Juin 2019 : synthèse des avis et signature par les maires des arrêtés. Ces derniers pourront en fait signer jusqu'en 2021.

    1er juillet 2019 : entrée en vigueur de la zone à faibles émissions dans la métropole. Les véhicules Critair'5, c'est à dire tous les véhicules diesel immatriculés avant le 31 décembre 2000, et les véhicules essence d'avant 1996 interdits de circuler dans le périmètre de l'A86. Sans mesures cohercitives (sauf à Paris).

    1er juillet 2021 : extension de l'interdiction de circuler, à Paris et dans le périmètre de l'A86, aux véhicules Crit'Air 4, c'est à dire tous les véhicules diesel immatriculés entre le 1er janvier 2001 et le 31 décembre 2005 inclus. Cette fois-ci, contraventions prévues dans le périmètre de l'A86.

    2030 : objectif 100 % de véhicules propres au sein de la ZFE.

    .