Essonne : Samir, jeune homosexuel frappé, harcelé et insulté par sa famille

Depuis son enfance, Samir est insulté et frappé par sa famille. Ce jeune habitant de Palaiseau accepte de se livrer à l’occasion de la journée internationale contre l’homophobie ce vendredi 17 mai.

 Palaiseau, lundi 13 mai. Comme souvent, la porte d’entrée de Samir a été taguée et sa serrure enduite de colle forte en ce premier jour de ramadan. Cet homosexuel subit le harcèlement de sa famille depuis l’enfance.
Palaiseau, lundi 13 mai. Comme souvent, la porte d’entrée de Samir a été taguée et sa serrure enduite de colle forte en ce premier jour de ramadan. Cet homosexuel subit le harcèlement de sa famille depuis l’enfance. LP/F.L.

    Il parle de double peine. « Être Maghrébin et grandir dans une cité, c'est compliqué pour un homosexuel », souffle Samir, la trentaine, installé dans son appartement de Palaiseau. Il s'est éloigné de sa famille qui l'a humilié depuis son plus jeune âge. Mais son appartement porte les stigmates du harcèlement dont il est toujours victime de leur part, eux qui « ne supportent pas qu'il y ait un pédé dans la famille », comme lui martèlent ses proches. Sa porte d'entrée a été taguée lundi d'un « FDP Salope ». Et sa serrure enduite de colle forte. « Je ne compte plus les fois où j'ai dû me racheter une serrure », soupire cet employé de banque qui a déposé une vingtaine de plaintes en un an et demi.

    « Les procédures sont toujours en cours, indique une source judiciaire. Le problème, sans un flagrant délit dans ce type de faits, il est compliqué de faire aboutir l'enquête. » Une autre source proche du dossier ne minimise pas le harcèlement, provenant d'une famille « défavorablement connue des services de police ».

    Des humiliations dès l'enfance

    « À force, je stresse, je n'en dors plus, j'ai peur tout le temps, je m'enferme à clé dans ma chambre, je garde une bombe lacrymogène sur moi, je deviens parano », reprend Samir.

    La serrure est régulièrement enduite de colle/LP/F.L.
    La serrure est régulièrement enduite de colle/LP/F.L. LP/F.L.

    Depuis qu'il est au CP, cet enfant originaire de l'Essonne subit les insultes et les humiliations de la part de ses parents et ses frères. « Ils me frappaient en hurlant : dis-nous que tu es pédé, confie Samir. À chaque coup, ils me disaient on va t'endurcir, tu vas devenir viril, un bonhomme. » À l'extérieur, dans la cité en revanche, il n'est pas embêté car sa famille est « connue ».

    « Mais je sais que certains allaient prévenir ma famille en leur disant attention il va finir homo », reprend celui qui fait figure d'ovni parce qu'il aime la poésie et étudier, ce qui le rend efféminé aux yeux des autres. « À l'adolescence c'était horrible, je pensais chaque jour à me suicider, » souffle-t-il.

    « Je leur ai dit que j'étais gay, ça les a rendus fous »

    Quand les coups ne pleuvent pas, les membres de sa famille le méprisent. « Ils ne me disaient même pas bonjour, m'insultaient, je sais que si on n'était pas en France, ils auraient voulu me tuer, glisse avec effroi Samir. Dans notre milieu on préfère avoir un enfant qui vend de la drogue plutôt qu'il soit homosexuel. »

    A 25 ans, il quitte le domicile familial, arrête les études, et prend son envol. « J'ai trouvé un travail, un appartement et j'ai pu commencer à vivre », lâche Samir. C'est là qu'il comprend aussi qu'il préfère les hommes. Il finit même par l'assumer et se l'annoncer à sa famille lors d'une discussion.

    Sa porte est aussi taguée d’insultes homophobes/LP/F.L.
    Sa porte est aussi taguée d’insultes homophobes/LP/F.L. LP/F.L.

    « Je leur ai dit que j'étais gay, ça les a rendus fous », se remémore-t-il. Depuis, sa famille a totalement coupé les ponts.

    Ils ne se manifestent désormais que pour le harceler, saccager son appartement, lui enduire la porte de colle forte. Sa voisine confirme avoir reconnu certains membres de la fratrie de Samir. « Pourquoi tu le défends, c'est un gros pédé, une salope », aurait crié l'un d'eux lorsque celle-ci aurait essayé de les calmer. Malgré les plaintes, aucune condamnation n'a encore été prononcée.

    STOP HOMOPHOBIE A REÇU 1277 SOLLICITATIONS POUR AGRESSION

    En 2018, l'association Stop homophobie a reçu 13 000 sollicitations. Dont 1 277 pour agression, et 55 % d'entre elles étaient localisées en Ile-de-France. Mais le cas de Samir constitue « un enjeu majeur » selon Terrence Katchadourian, fondateur et secrétaire général de cette association créée en 2008. « Il y avait une urgence immédiate, affirme-t-il. Tous les soirs il était en danger et c'était un échec pour nous de voir qu'aucune de ses démarches n'avançait. »

    Stop homophobie a donc mandaté deux avocats pénalistes pour reprendre son dossier et relancer les procédures et les plaintes en cours. « Certains membres de sa famille sont dangereux, il risque la mort », insiste Terrence Katchadourian. Durant quelque temps, un membre de l'association a hébergé Samir.

    « Mais ce n'est pas notre vocation, on a donc demandé pourquoi son dossier de demande de logement bloquait en mairie de Paris. Après un contact avec Ian Brossat (NDLR : adjoint à la mairie de Paris chargé du logement), on espère pouvoir le reloger bientôt dans un endroit que ses frères ne connaîtront pas », lâche le fondateur de Stop homophobie, qui souligne que les homosexuels ne sont pas en sécurité dans les centres d'accueils habituels.