La France doit s’adapter d’urgence aux dérèglements climatiques, déclare le Sénat

La délégation de la prospective du Sénat formule 18 propositions pour adapter la France face à l’urgence climatique.

La France doit s'adapter d'urgence aux dérèglements climatiques, déclare le Sénat

Cent cinquante pages, 36 experts interrogés, et un titre ayant le mérite d’être clair, Adapter la France à l’horizon 2050 : urgence déclarée !. Un rapport d’information sur l’adaptation du pays aux dérèglements climatiques vient d’être rendu public ce jeudi 16 mai par la délégation sénatoriale à la prospective - composée de 36 membres chargés de réfléchir aux transformations de la société et de l’économie en vue d’informer le Sénat. Leur point de départ est le suivant : une partie des conséquences du réchauffement climatique sont et seront inévitables, il est donc grand temps de se préparer. 

« Il faudra faire face à une aggravation significative des divers impacts du réchauffement déjà observables »

«  Le proche avenir climatique du pays, d’ici à 2050, est pour l’essentiel déjà écrit, affirme le rapport. Qu’on réduise fortement les émissions globales de gaz à effet de serre ou que celles-ci se poursuivent au rythme actuel, il faudra faire face à une aggravation significative des divers impacts du réchauffement déjà observables ».

À plus long terme, pour la seconde partie du siècle, deux scénarios sont possibles, un premier « optimiste, mais de moins en moins probable », dans lequel la communauté internationale se « mobiliserait enfin pour une réduction forte et rapide des émissions », permettrait de maintenir la France « dans une situation climatique maîtrisée ». Et si rien ne change, « la France serait conduite dans une situation alarmante vers 2080 ».

Les manifestations du réchauffement climatique déjà visibles / Résumé du rapport de la délégation sénatoriale à la prospective, 16 mai 2019. 

Des impacts forts sur l’agriculture et le tourisme

Hausse du niveau de la mer, hausse des températures moyennes depuis 30 ans, vagues de chaleur de plus en plus fréquentes, fonte des glaciers, évolution du régime des précipitations : le rapport fait d’abord un état des lieux des manifestations du réchauffement climatique déjà visibles (schématisé ci-dessus). Puis se projette à l’horizon 2050.

En listant quatre principaux domaines d’impact : une aggravation des risques naturels (événements de submersion côtière, risque d’incendie extrême, vagues de chaleur plus longues, plus fréquentes et plus sévères), des effets sanitaires du réchauffement (surmortalité significative comme la France en a fait l’expérience pendant les canicules de 2003, 2015 et 2018, hausse des risques liés à la pollution de l’air, risques de contamination de l’eau, propagation des maladies vectorielles ), des « projections inquiétantes concernant les ressources en eau  » (baisse de la recharge des nappes phréatiques, débits estivaux des cours d’eau réduits de 30 à 60 %, détérioration des milieux aquatiques, contraintes accrues sur l’approvisionnement en eau potable, perturbations sévères de secteurs comme l’agriculture, le tourisme ou l’énergie, risque de conflits), et enfin des activités économiques perturbées.

Le rapport insiste sur l’impact sur l’agriculture – stagnation des rendements, baisse de la qualité nutritive, altération de la qualité des semences, etc – et sur le tourisme, notamment dans les territoires d’outre-mer, et en métropole sur les littoraux (menacés de submersion) et en montagne (fonte des neiges).

18 propositions

Il faut, face à ces défis, « changer d’échelle et d’ambition dans les politiques d’adaptation au changement climatique », affirme le rapport, qui formule 18 propositions.

Les premières visent à ce que l’adaptation au changement climatique soit plus présente dans le débat public : en ne « l’opposant plus aux politiques d’atténuation  » (celles de réduction des émissions de gaz à effet de serre, visant à limiter le réchauffement) ou en mettant l’accent sur les enjeux climatiques dans l’éducation et la formation. Ceux-ci sont encore très peu enseignés dans le supérieur

Il s’agit ensuite de mieux accompagner les collectivités et les acteurs économiques, et l’une des mesures est la mise en open source des données de Météo-France. « Cela me semble extrêmement important : Météo France travaille beaucoup sur le dérèglement climatique mais beaucoup d’acteurs n’ont pas accès à ces données  », explique Ronan Dantec, sénateur de Loire-Atlantique, l’un des deux rapporteurs.

Le rapport appelle à décliner les politiques d’adaptation pour qu’elles soient cohérentes pour chaque territoire, et insiste enfin sur l’effort à apporter sur quatre points sensibles : mettre en place un plan national d’adaptation de l’agriculture, des politiques de l’eau adaptées au changement climatique, une politique ambitieuse d’adaptation du bâti (des normes de construction pour mieux adapter les logements en cas d’inondations ou vagues de chaleur) et un soutien aux territoires les plus vulnérables.

Les recommandations seront envoyées au ministère de la Transition écologique, qui, lui aussi, se projetait, il y a peu, dans 30 ans. En mars, le ministère présentait un scénario de référence de transition énergétique pour 2050, appelé « scénario AMS » (supposant l’adoption de mesures supplémentaires à l’avenir), décrivant la façon dont la France pourrait atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Un scénario qui table sur une forte diminution de la consommation énergétique tous secteurs confondus (mais sans remettre en cause la logique actuelle de la « croissance verte  »).

Le rapport du Sénat permet de souligner l’ampleur du défi qu’il faudra relever, puisqu’il s’agira à la fois de réduire les émissions – une réduction qui implique une transformation complète de notre façon de produire, consommer, se déplacer, etc… – et de savoir répondre aux défis supplémentaires, sanitaires, économiques, écologiques posés par la crise climatique.  

 

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Image à la Une : Shutterstock 

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