Laurence Rossignol : «Quand on ferme une maternité, on stérilise un territoire»

Pour l’ancienne ministre des Droits des femmes, les fermetures de maternités et leurs regroupements sont vécus par les femmes comme « une violence ».

 « Arrêtons avec les usines à bébés », estime Laurence Rossignol.
« Arrêtons avec les usines à bébés », estime Laurence Rossignol. LP/Olivier Lejeune

    Laurence Rossignol, ancienne ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes (février 2016-mai 2017) appelle à en finir avec la logique comptable qui dicterait le sort des maternités. Elle alerte aussi sur la menace qui pèserait sur les centres d'orthogénie -où sont pratiquées les interruptions volontaires de grossesse (IVG)-, souvent adossés aux maternités.

    Les 35 maternités menacées de fermeture en France ont-elles raison de se battre pour leur survie ?

    LAURENCE ROSSIGNOL. Oui elles ont raison ! Même si toutes les fermetures ne sont pas évitables, beaucoup, comme celle de Creil (Oise), sont scandaleuses. Il faut arrêter de vouloir regrouper à tout prix, au risque de transformer les maternités en usines à bébés qui ne correspondent pas du tout aux attentes des femmes. Ce qu'elles veulent, ce sont des lieux sûrs et humains. Cela signifie des plafonds d'accouchement à ne pas dépasser (pas plus de 2000 par an), des distances raisonnables et un véritable plateau technique.

    Comment faire, alors qu'un des problèmes est la difficulté à recruter du personnel médical ?

    Et pour cause : on laisse les maternités se dégrader et après on s'étonne en disant : « les médecins ne viennent pas, donc on ferme ». Pour attirer du monde, il faut rendre le lieu attractif. La logique comptable ne peut pas être le fil conducteur de la politique d'accouchements en France. Cela est vécu par les femmes comme une violence.

    Une maternité marque-t-elle l'identité d'une ville ?

    Elle représente l'avenir, la vie. Le symbole pour une ville est extrêmement fort. Quand on ferme une maternité, on stérilise un territoire. Il faut aussi faire très attention car les centres d'orthogénie (NDLR : où sont pratiquées les IVG) sont souvent adossés aux maternités.

    Certains centres pratiquant les IVG pourraient donc disparaître ?

    La question de leur devenir est plus que préoccupante. Si la maternité n'est plus là, que deviendront-ils? J'aimerais obtenir de la ministre de la Santé ( NDLR : Agnès Buzyn ) des réponses claires là-dessus. Nous attendons le fameux rapport qu'elle a annoncé ( lors d'un face aux lecteurs du Parisien ) avoir commandé, afin de connaître les réelles conditions d'accès en France à l'IVG.