La saison des assemblées générales est toujours mouvementée pour les compagnies pétrolières. Cette année, les investisseurs responsables se montrent particulièrement déterminés. Chez BP, une coalition représentant 10 % du capital a déposé une résolution climat, à laquelle le pétrolier s’est déclaré favorable. ExxonMobil, en revanche, fait figure de mauvais élève et voit planer sur lui la menace d’un vote contre le conseil d’administration.

L’engagement actionnarial franchit un pas supplémentaire. Les groupes pétroliers mondiaux font depuis quelques années l’objet de dépôts de résolutions relative à leur stratégie climat lors de leurs assemblées générales. La mobilisation des actionnaires est toutefois particulièrement active cette année auprès des pétroliers et elle parvient, dans certains cas, à faire bouger les lignes.
L’assemblée générale de BP, le 21 mai, sera ainsi marquée par une résolution regroupant un nombre record d’investisseurs. Quelque 58 investisseurs internationaux représentant près de 10 % du capital, sous la houlette de l’initiative Climate Action 100+, ont co-déposé une résolution pour demander au groupe pétrolier plus de transparence sur sa stratégie pour s’aligner sur les objectifs de l’Accord de Paris. BP devrait notamment expliquer en quoi ses nouveaux investissements respectent l’accord de Paris, et fournir des indications sur l’intensité carbone de ses investissements et de ses produits.
Une résolution de grande ampleur
"L’ampleur du soutien des investisseurs pour la résolution sur BP est vraiment sans précédent, s’enthousiasme Stephanie Pfeifer, la directrice générale d’Institutional Investors Group on Climate Change (IIGCC) et membre de Climate Action 100+. C’est la première fois que des actionnaires détenant une participation de 10 % dans une grande entreprise cotée déposent une résolution sur le changement climatique." Selon IIGCC, la précédente résolution sur le climat soutenue massivement par les investisseurs remonte à 2016, avec l’action d’investisseurs représentant 5 % du capital d’Anglo American. Le conseil d’administration de BP ne pouvait pas rester sourd à un plaidoyer regroupant autant d’acteurs. Il s’est prononcé en faveur de cette résolution et recommande aux actionnaires de voter pour.
BP semble toutefois préférer avancer à petit pas. Le groupe britannique écarte en effet une deuxième résolution plus contraignante, déposée par le groupe d’investisseurs Follow This. Elle demande au pétrolier de réduire ses émissions de gaz à effet de serre en prenant en compte les scopes 1, 2 et 3, à savoir des opérations du pétrolier jusqu’à l’utilisation de ses produits par les consommateurs.
Shell a fait l’objet d’une campagne similaire de la part de ses investisseurs. Mais Follow This a choisi de renoncer à sa résolution suite aux discussions avec l’entreprise, estimant que Shell avait déjà fait des avancées dans le bon sens. La compagnie anglo-néerlandaise s’est en effet engagée à se fixer des objectifs de réduction d’émission de gaz à effet de serre, en prenant en compte les émissions de ses clients. Les investisseurs ont donc décidé de lui laisser du temps.
ExxonMobil face à une nouvelle fronde
De l’autre côté de l’Atlantique, les investisseurs actifs ont un peu moins de chance. ExxonMobil, qui se tient le 29 mai, a réussi cette année à faire annuler une résolution d’actionnaires par la SEC (Security and Exchange Commission), le gendarme de la Bourse américaine. Menée par le fonds de pension de l’État de New York et l’Église d’Angleterre, également membres de l’initiative Climate Action 100+, la résolution demandait à ExxonMobil de se fixer des objectifs de réduction d’émissions.
Cette annulation par la SEC démontre cependant le poids de ces résolutions portées par des investisseurs engagés. ExxonMobil avait déjà fait l’objet d’une fronde d’actionnaires qui avaient voté une résolution sur le climat lors de son assemblée générale de 2017. Le pétrolier qui ne veut pas à nouveau risquer le désaveu sur sa stratégie climat, a préféré prendre les devants.
La bataille ne s’arrête toutefois pas là. "Le refus du conseil d’Exxon de répondre aux préoccupations d’actionnaires et de prendre en compte correctement le risque climatique dans ses activités, alors même que ses concurrents le font, créé une crise de gouvernance", explique Thomas DiNapoli, du fonds de pension de New York. L’Église d’Angleterre et le fonds de pension de New York ont prévenu qu’ils voteraient contre les membres du conseil d’administration de la major pétrolière américaine et veulent inciter d’autres actionnaires à en faire autant.
Arnaud Dumas @ADumas5

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