C'est une sérieuse prise de risque politique pour Manuel Valls : Arnaud Montebourg devient ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique. Il devra cohabiter avec Michel Sapin, à qui échoient les finances et les comptes publics.
Bercy s'est illustré depuis vingt-deux mois, par des dissonances en série et des divergences de ligne entre Arnaud Montebourg et le précédent titulaire du poste, Pierre Moscovici. Au point de devenir emblématique des couacs d'une machine gouvernementale structurellement dysfonctionnelle.
A la veille de la mise en route du pacte de responsabilité, que les observateurs ont présenté comme le grand tournant social-libéral du gouvernement, le choix de M.Montebourg, qui le portera au premier chef, étonne. Le ministre du redressement productif s'était illustré par un bras de fer, sur le dossier de Florange, avec le premier ministre d'alors Jean-Marc Ayrault, avec qui il entretenait depuis d'exécrables relations.
Mais M. Montebourg n'en avait cure. L'ex-troisième homme des primaires socialistes, récoltant 17 % des suffrages après avoir vanté les mérites de la « démondialisation », incarnait au gouvernement une ligne différente, bien plus à gauche que celle du président et de l'ex-premier ministre.
HABILE OPÉRATION POUR MANUEL VALLS
Sa nomination à un portefeuille très élargi constitue une habile opération pour Manuel Valls, qui permet de contrebalancer son image droitière et d'envoyer un message à ces électeurs de gauche qui se sont massivement abstenus dimanche.
Elle présente néanmoins une part de danger. Alors que la France et ses déficits sont placés sous observation par les responsables de la commission de Bruxelles et les marchés, pas sûr que ceux-ci se montrent rassurés par la montée en puissance de M.Montebourg, qui avait à l'été 2013 traité les premiers de « connards ».
Il a pourtant su s'attirer les faveurs des chefs d'entreprise. Les patrons n'avaient pas de mots assez durs pour qualifier son attitude lors de ses premiers mois au gouvernement.
Ils ont aujourd'hui les yeux de Chimène pour lui. Tour à tour, Antoine Frérot (Veolia), Denis Ranque (Airbus), Chris Viehbacher (Sanofi) ou encore Vincent Bolloré ont dernièrement pris sa défense, saluant son discours volontariste et sa défense de l'industrie tricolore. Le magazine L'Usine nouvelle a publié le 18 mars un éditorial ainsi titré : « Remaniement : il faut garder le soldat Montebourg ».
APÔTRE DE LA DÉMONDIALISATION
L'apôtre de la démondialisation a certes mis de l'eau dans son vin. Alors qu'il s'était focalisé sur les plans sociaux en 2012, il s'est mué au 2013 en architecte. Les 34 plans industriels lancés à l'automne dernier, qui doivent stimuler l'activité tricolore dans les domaines des biocarburants, des voitures sans chauffeurs ou de la nanoélectrique, ont positivement impressionné.
Ses discours sur l'euro trop fort et les contrôles tatillons de Bruxelles font un tabac auprès des entreprises. Sa propension à dénigrer les banques ou la direction du Trésor, lui vaut également de nombreux soutiens parmi les patrons de PME.
L'ex-président du conseil général de Saône-et-Loire, qui a successivement embrassé avec passion la lutte contre les paradis fiscaux, contre le cumul des mandats, pour la VIe République, et récemment pour un colbertisme forcené, se donne à la cause du vallsisme.
Pour autant, son rapport au nouveau premier ministre relève plus de l'alliance que de l'allégeance. Les deux anciens concurrents des primaires, aux lignes opposées, partagent un objectif commun : être candidat à la présidentielle. Entre eux, le sujet sera tranché plus tard.
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu