Dandy à l’allure de yankee (comme le décrivaient ses amis), Félix Fénéon (1861–1944) est une figure incontournable du journalisme fin-de-siècle, du symbolisme littéraire et de la critique d’art. Sa plume particulièrement aiguisée et son vocabulaire très recherché l’ont mené à contribuer à d’importantes revues. À travers son activité de galeriste et de collectionneur, il est un grand défenseur des avant-gardes mais aussi des arts non-occidentaux. Ayant conçu une véritable passion pour l’œuvre de Georges Seurat, Félix Fénéon est l’inventeur du terme « néo-impressionnisme ». Il fut également un militant anarchiste.
« Personne n’est moins banal que lui. » Octave Mirbeau
Né à Turin, Félix Fénéon a cependant passé sa vie en France, et a commencé son parcours par des études à Mâcon. En 1881, il entre au ministère de la Guerre comme rédacteur, un poste qu’il occupe avec professionnalisme jusqu’en 1894.
Son intérêt pour l’art et la littérature le conduit à développer une activité de journaliste en collaborant à de nombreuses revues symbolistes. Précurseur, il reconnaît avant d’autres le talent d’Arthur Rimbaud, Marcel Proust, André Gide ou James Joyce.
Félix Fénéon a laissé sa trace dans l’histoire de la critique d’art en soutenant Georges Seurat et Paul Signac, dont il découvre la peinture en 1884. Deux ans plus tard, il invente le terme de « néo-impressionnisme » pour qualifier leur art et écrit un livret manifeste (son unique publication), intitulé Les Impressionnistes, où il déclare que l’impressionnisme historique est mort, et qu’une nouvelle génération doit s’imposer. Stéphane Mallarmé présente à cette époque Félix Fénéon comme « un des critiques les plus subtils et les plus aigus que nous ayons ».
À partir de 1886, Félix Fénéon entre dans la mouvance anarchiste, et prend part à des complots politiques. Le 26 avril 1894, il est suspecté d’avoir commis un attentat, ce qui le conduit au tribunal : Félix Fénéon est impliqué dans le « procès des Trente » (trente inculpés dont le peintre Maximilien Luce) mais, soutenu par de nombreux intellectuels, il est finalement acquitté.
À la suite de ce procès, Félix Fénéon est embauché par les frères Natanson pour prendre les rênes de la Revue blanche. Il côtoie Guillaume Apollinaire, Alfred Jarry, Paul Valery… Le critique apporte notamment son soutien au capitaine Dreyfus. Sa carrière journalistique se poursuit (Le Figaro, Le Matin). Il excelle dans la rédaction de « brèves » consacrées à des faits divers, qu’il appelle ses « nouvelles en trois lignes ».
En 1906, Félix Fénéon abandonne définitivement le journalisme et prend la direction de la galerie Bernheim-Jeune. Elle soutient activement les Nabis et les néo-impressionnistes, les Fauves puis les futuristes en 1912. Félix Fénéon s’occupe particulièrement de l’art vivant, et occupe ce poste important jusqu’en 1920.
Il porte aussi un grand intérêt aux arts non-occidentaux, qu’il collectionne. Il publie en 1920 une enquête sur les « arts lointains » avec cette question : « Seront-ils admis au Louvre ? ». À sa mort, en 1944, son importante collection de tableaux modernes, d’objets africains et océaniens est mise aux enchères. La plupart des pièces partiront aux États-Unis…
Henri de Toulouse-Lautrec, La Danse mauresque ou les Almées, 1895
Le profil de Félix Fénéon, identifiable à sa barbiche, apparait en bas à droite de ce panneau destiné à la baraque de la Goulue, qui souhaitait se produire à la foire du Trône. Lautrec évoque ici le climat festif du Moulin-Rouge, cabaret où s’était illustré la célèbre danseuse de cancan. Elle exécute ici un pas de quadrille, la jambe haut levée, à côté d’une danseuse orientale. Oscar Wilde et Lautrec font également partie du public. Cette image témoigne de la l’intérêt de Fénéon pour les divertissements de son temps (cabarets et cafés-concerts).
Paul Signac, Opus 217. Sur l’émail d’un fond rythmique de mesures et d’angles, de tons et de teintes, Portrait de M. Félix Fénéon en 1890, 1890
Dans ce tableau singulier, Paul Signac représente Fénéon comme un prestidigitateur, sur un fond fantaisiste et kaléidoscopique qui évoque des principes du néo-impressionnisme (notamment les théories de Charles Henry, qui intéressaient Fénéon, sur la dynamogénie des couleurs). On reconnait une nouvelle fois la barbichette caractéristique du critique d’art, qui fut l’un des premiers soutiens à Seurat et Signac. Fénéon conserva ce tableau audacieux, chez lui, jusqu’à sa mort en 1944.
Félix Vallotton, Félix Fénéon à la Revue blanche, vers 1896
Dans ce portrait intimiste, Vallotton représente Fénéon au travail dans son bureau à la Revue Blanche, dont il fut le secrétaire de rédaction de 1896 à 1903. L’ambiance est au calme et à la concentration. La seule source de lumière est la lampe posée sur le meuble, donnant l’impression d’une séance de travail nocturne.
Félix Fénéon. Les arts lointains
Du 28 mai 2019 au 29 septembre 2019
Musée du quai Branly - Jacques Chirac • 37, quai Branly • 75007 Paris
www.quaibranly.fr
Félix Fénéon. Les temps nouveaux, de Seurat à Matisse
Du 16 octobre 2019 au 27 janvier 2020
Musée de l'Orangerie • Jardin des Tuileries - Place de la Concorde • 75001 Paris
www.musee-orangerie.fr
Vous aimerez aussi
Carnets d’exposition, hors-série, catalogues, albums, encyclopédies, anthologies, monographies d’artistes, beaux livres...
Visiter la boutiqueÀ lire aussi