La réalité virtuelle et augmentée dans les musées : quel enjeu économique ?

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Par Pauline Werth Modifié le 7 février 2019 à 8h06
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85 000 EUROSLe projet de réalité virtuelle Javols, qui a nécessité un coût de 85 000 euros

Impensable il y a encore dix ans, les offres de réalité augmentée et de réalité se multiplient au sein des musées et autres lieux culturels. Au fur et à mesure que ces dispositifs innovants se démocratisent, les projets deviennent de plus en plus ambitieux.

À l’heure du numérique triomphant et de l’expérience « phygitale » montée en credo par les discours marketing, les musées et les lieux culturels sont confrontés à un triple défi : renouveler l’expérience utilisateur, se saisir des opportunités offertes par la technologie et développer des nouveaux relais de croissance. Les technologies de réalité virtuelle et de réalité augmentée répondent toutes les deux à ce défi.

La réalité virtuelle s’incarne dans les musées

La réalité virtuelle est, selon Futura Tech, « une technologie qui permet de plonger une personne dans un monde artificiel créé numériquement ». Le British Museum à Londres a été l’un des premiers musées à intégrer cette technique en proposant en 2017, l’application Two Million Years Of History and Humanity, permettant l’exploration d’une partie de ses collections grâce au casque de réalité virtuelle Oculus Rift.

En France, depuis décembre 2017, le Museum d’Histoire Naturelle a franchi le pas et propose un cabinet de réalité virtuelle au sein même de la Grande Galerie de l’Évolution. Équipé d’un casque HTC Vive, le visiteur peut explorer, pendant une quinzaine de minutes, la généalogie de plus de 450 espèces. Chacune d’entre elles a été modélisée en trois dimensions à taille réelle, ce qui renforce le sentiment d’immersion.

Proposer ce type de technologie n’est financièrement pas indolore pour les musées.

D’une part, la réalité virtuelle nécessite l’acquisition de plusieurs types de matériels (casque, manette, capteurs, etc.) et ces outils sont encore coûteux (entre 189 et 1000 euros pièce). D’autre part, la réalisation même d’expériences virtuelles constitue une part conséquente du budget. On peut citer, par exemple, le projet de réalité virtuelle Javols, qui a nécessité un coût de 85 000 euros. Il s’agissait d’une application 3D proposant une visite virtuelle du site archéologique de Javols / Anderitum.

La réalité augmentée, plus accessible

La réalité augmentée n’est pas à confondre avec la réalité virtuelle : elle désigne «  une interface virtuelle, en 2D ou en 3D, qui vient enrichir la réalité en y superposant des informations complémentaires ». Elle est souvent perçue comme plus accessible car elle est moins coûteuse, notamment au niveau du matériel et du développement des applications intégrant la technologie.

En France, le musée d’Orsay a notamment adopté à l’occasion de la restauration de l’œuvre « L’Atelier du peintre. Allégorie réelle déterminant une phrase de sept années de ma vie artistique » de Gustave Courbet, une application de réalité augmentée. Les visiteurs étaient invités à vivre une expérience immersive à l’aide de tablettes tactiles. Il leur était ainsi possible d’entrer dans l’œuvre et de découvrir le processus créatif du tableau, tout en saisissant les enjeux de sa restauration. Ce projet, proposé par Orange est d’ailleurs encore disponible en ligne. Dans un autre registre, nous pouvons citer Phoenix, une expérience de réalité augmentée au Théâtre de l’Odéon. Également muni d’une tablette, le visiteur suit un parcours à la fois explicatif et temporel au cœur du théâtre de 1782 à nos jours. Six grandes périodes historiques peuvent être parcourues en suivant le phœnix, guide virtuel de l’exposition augmentée. Atlas V, société développant des expériences immersives, a accompagné ce projet. Elle fait partie des pépites repérées par Audiens, le groupe de protection sociale des professionnels de la culture bien connu du monde des start-ups culturelles pour son rôle « d’incubateur ».

Retour sur investissement

Mais les technologies de réalité virtuelle ou augmentée ne sont pas que coûteuses. Elles sont aussi rentables. Tout d’abord parce qu’elles répondent à une demande toujours croissante du public pour ce type d’expériences. « La réalité virtuelle et augmentée semble apporter un supplément de fréquentation » d’après l’article des Echos. Par exemple, selon Histovery, entreprise développant l’Histopad, une tablette permettant la visite augmentée de lieux culturels, « la fréquentation du château de Falaise est passée de 40 000 à 80 000 visiteurs en deux ans ».

Ce qui est apprécié au sein de ces expériences immersives, c’est qu’elles ne se substituent pas à la visite réelle, mais l’enrichissent. La Tate Modern à Londres en est un exemple puisqu’elle avait agrémenté son exposition sur Modigliani d’un espace de réalité virtuelle où il était possible de visiter l’atelier de l’artiste. « La VR a une valeur en tant qu’outil d’interprétation. C’est une façon de transmettre un sentiment, d’aider les gens à ressentir un lien avec un artiste. C’est une façon différente d’absorber ces informations et cela fait de l’artiste une personne vivante. » explique Hilary Knight, responsable du contenu numérique à la Tate Modern.

Révolutionnaires tant sur le plan culturel qu’économique, les offres de réalité virtuelle comme augmentée devraient donc être amenées à se poursuivre. Pour peu que la culture s’en empare ?

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Pauline Werth est une entrepreneuse spécialisée dans la culture et les nouvelles technologies. Après des études en communication et en web, elle s'est orientée vers l'usage de dispositifs numériques dans le secteur culturel avec notamment la création d'un blog d'actualités sur ce sujet : cultunum.com.

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