Victor Hugo (d')après Victor Hugo

Portrait de Victor Hugo -
Portrait de Victor Hugo -
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Victor Hugo, personnage politique et littéraire, a imprégné toute l’histoire du XIXe siècle ; mais aussi, et c’est plus rare, son œuvre littéraire semble avoir été incorporée par l’Histoire. Avec Jean-Marc Hovasse, directeur de recherche au CNRS et biographe de Victor Hugo.

Avec
  • Jean-Louis Bourlanges Député Modem des Hauts de Seine, président de la commission des affaires étrangères et ancien député européen, essayiste
  • Jean-Marc Hovasse Professeur de littérature française à Sorbonne Université et directeur de recherches au CNRS
  • Thierry Pech Directeur général de Terra Nova
  • Marc-Olivier Padis Directeur des études de la fondation Terra Nova

VICTOR HUGO (D’)APRÈS VICTOR HUGO

Jean-Marc Hovasse, vous êtes ancien élève de l’Ecole normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud, agrégé et docteur ès lettres, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de Victor Hugo. Vous participez au "Groupugo" – une vaste entreprise de recherches collectives sur Victor Hugo rattachée à Paris VII –, vous lui dédiez votre biographie.

Cette biographie monumentale fait déjà référence dans les études hugoliennes ; elle est aussi un formidable outil de découverte pour les non-spécialistes. Les deux premiers tomes ont paru chez Fayard en 2001 et en 2008 : le premier s’intitule Victor Hugo : Avant l'exil (1802-1851). Le deuxième, Pendant l'exil I (1851-1864). Le dernier tome est en préparation. Avec vous, nous allons nous intéresser à la fabrication du personnage de Victor Hugo, et au rapport qu’il entretient avec l’Histoire et avec la légende.

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Pour un biographe, dont le travail consiste peut-être à mettre en regard une vie et une œuvre, Victor Hugo représente un summum, pour ne pas dire un sommet. Il paraît impossible d’échapper aux sens que le Victor Hugo historique a imprimés au Victor Hugo littéraire. Victor Hugo qui pense Victor Hugo semblent tout deux confondus et comme indissociables.

Le personnage, politique et littéraire, a imprégné toute l’histoire du XIXe siècle ; mais aussi, et c’est plus rare, son œuvre littéraire semble avoir été incorporée par l’Histoire. Les frontières qui confinent l’histoire, la politique et la littérature à des domaines particuliers se résorbent dans Victor Hugo. D’une part, comme le remarque Guy Rosa : « Toute l'histoire du siècle se résume dans sa biographie politique » : depuis la Restauration jusqu’à « la fondation de la République », en passant par la Monarchie de Juillet ». Il conclut que Victor Hugo est un « phare » qui, tout comme son siècle, est à « éclats tournants ».

C’est lui - avec d’autres – qui déclare « l’échafaud le plus insolent des outrages à la dignité ». C’est lui qui, en 1849 à l’Assemblée, parle des: « Etats-Unis d’Europe ». C’est lui qui interpelle les nations du continent : « vous toutes, sans perdre (…) votre glorieuse individualité, vous constituerez la fraternité européenne. » En 1855 c’est lui qui imagine pour l’Europe une assemblée unique, les libertés d’aller et venir, et une monnaie commune pour remplacer « toutes les absurdes variétés monétaires d’aujourd’hui ». En 1871, après le Traité de Versailles, c’est lui qui avertit que « c'en est fait du repos de l'Europe », qu’il « y aura désormais deux nations qui seront redoutables », l'une « victorieuse », l’autre « vaincue ».

Comme le montre votre livre, il y a aussi une entreprise hugolienne d’auto-mythification qui relève d’une conception de l’Histoire dont la cohérence se trouve dans le sujet Hugo lui-même. Celui qui déclare, dans la préface de 1859 à La Légende des Siècles, que « l’aspect légendaire du genre humain » n’est pas « moins vrai » que son « aspect historique », se présente aussi comme la « synthèse vivante » et définitive de tout un siècle : « toute époque est condensée en un homme. L’homme expiré, l’époque est close. » Dans William Shakespeare, il formule une téléologie dont il est l’aboutissement : après Dante qui est le moyen-âge, après Voltaire qui est le XVIIIe siècle, il y a Victor Hugo.

Jean-Marc Hovasse, selon-vous, Victor Hugo est-il un mythe que Victor Hugo a créé et dont la spécificité serait d’avoir pris ? Peut-on penser qu’à défaut d’ « écouter [les] poètes » – comme il le demande dans Les Rayons et les ombres –, les « peuples » ont écoutés Victor Hugo ? A quoi tient-il qu’un narcissisme qui serait intolérable de la part de tout autre que lui, nous rend admiratifs – et peut-être dévots – lorsque Victor Hugo en use ? Comment se déroule, dans le cadre de votre recherche, le tête-à-tête avec ce titan ? N’êtes-vous jamais tenté de vous exclamer, ainsi qu’Amédée Rolland cité dans votre livre : « Ah ! C’en est trop (…) Grâce ! un peu de répit ! » ?

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