Directive, subsidiarité, trilogue... Les mots de l'Europe

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Directive, subsidiarité, trilogue... Les mots de l'Europe

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Pour comprendre le fonctionnement de l'UE, quelques mots importants sont à connaître
Pour comprendre le fonctionnement de l'UE, quelques mots importants sont à connaître
- nuagesdemots.fr

Repères. Quatre cents millions d'électeurs sont appelés aux urnes d'ici au 26 mai pour les élections européennes. Mais parmi eux, combien comprennent le sens des mots directive, subsidiarité, trilogue ou majorité qualifiée ? Ces mots qui font le quotidien de l'UE mais que le grand public connaît très peu.

Le fonctionnement de l’Union européenne fait appel à de nombreux termes utilisés par les responsables politiques, les journalistes et tous ceux qui suivent ces questions au quotidien. Mais au delà des initiés, qui connaît vraiment la signification de ces mot-clés : libre-circulation, Schengen, directive, subsidiarité, trilogue, majorité qualifiée ou encore Conseil (à ne pas confondre avec Conseil européen ou Conseil de l’Europe) ? Recueil choisi.

Libre-circulation

La libre-circulation des biens, des marchandises, des personnes et des capitaux est une liberté fondamentale reconnue par les traités fondant l’Union européenne. “La liberté d'aller et venir est à la base des libertés individuelles avec la liberté d'expression mais c'est aussi une liberté fondamentale”, explique Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert Schuman, “en France, cette liberté est protégée par la Constitution et par la jurisprudence des plus hautes juridictions. Avec ses quatre millions de km², le continent européen est un petit espace politique par rapport à la Russie (17 millions de km²), à la Chine ou aux Etats-Unis (9 millions pour les deux) “mais historiquement, c'était le plus cloisonné ! Avec des murs et des frontières partout”, poursuit Jean-Dominique Giuliani. “Pour pouvoir tirer partie de l'addition des richesses des nations européennes, il fallait organiser entre elles la libre-circulation des biens, des marchandises, des personnes et des capitaux”.

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La libre-circulation ne doit pas être confondue avec les accords de Schengen - signés par la France, l’Allemagne et le Benelux en 1985 - qui ont aboli les contrôles aux frontières et les taxes douanières entre pays membres. Le principe de libre-circulation existait déjà mais la police ou les douanes pouvaient encore demander aux personnes de présenter une carte d’identité ou un passeport à la frontière. Aujourd’hui, l’espace Schengen compte 26 membres dont quatre n’appartiennent pas à l’UE : Islande, Norvège, Liechtenstein et Suisse.

Par ailleurs, l’UE reconnaît d’autres valeurs fondamentales que la libre-circulation dans l’article 2 du Traité de l’Union européenne : dignité humaine, liberté, démocratie, égalité, État de droit, droits de l'homme dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre les femmes et les hommes.

Directive

Une directive est ce qui se rapproche le plus d’une loi même si ce terme n’est pas utilisé au niveau européen. Il s’agit d’un texte que les Etats-membres doivent appliquer dans un délai déterminé (quelques années le plus souvent). L’UE peut également émettre des “règlements” qui s’appliquent immédiatement. Le terme “directive” a acquis un sens péjoratif lors du référendum de 2005 sur la constitution européenne. Une partie de la gauche et la droite souverainiste s’en étaient pris à la fameuse directive Bolkestein, cristallisant le débat sur l’Europe libérale et sur l’allégorie du “plombier polonais”. Le texte prévoyait de faciliter la libre-circulation des travailleurs et avait été accusé de créer un dumping social imposé par Bruxelles.

“Mais rien n’est imposé par l’UE”, précise Jean-Dominique Giuliani. “Les textes sont discutés par les Etats au sein du Conseil de l'UE - où sont représentés tous les Etats membres - et au Parlement, où sont représentés les citoyens. L’UE n'impose rien, c’est une Union volontaire d'Etats qui décident ensemble, ils peuvent décider de s'appliquer des contraintes - comme les règles environnementales, agricoles, sur la pêche - mais ce sont des décisions prises ensemble”.

Pourquoi ne pas utiliser le mot "loi" ? “À l'origine, l'UE est une union volontaire d'États souverains et les relations relevaient plutôt de la diplomatie. Aujourd'hui, on ne devrait plus faire de diplomatie mais de la politique toute simple, puisque les sujets européens concernent la vie de tous les jours. Le terme évoluera peut-être”, ajoute Jean-Dominique Giuliani.

Subsidiarité

C’est un principe selon lequel la dimension européenne doit apporter quelque chose de plus. “Par exemple, pour négocier les politiques commerciales face à la Chine ou aux Etats-Unis, nous sommes plus forts ensemble”, explique Jean-Dominique Giuliani. “En contrepartie, tout ce qui concerne la vie de tous les jours, et qui n'a pas besoin de la dimension européenne, doit être traité au plus près des citoyens”. La subsidiarité est un principe qui a été ajouté dans les traités pour rappeler que la dimension européenne ne s'occupe pas de tout, mais seulement de ce pourquoi elle apporte une plus-value. 

Conseil et Conseil européen

Le Conseil (appelé aussi Conseil de l’UE ou Conseil des ministres de l’UE) réunit les ministres des Etats-membres à Bruxelles autour de leur spécialité : affaires étrangères, transport, agriculture, etc. C’est l’organe institutionnel qui représente les Etats-membres et qui partage le pouvoir législatif avec le Parlement (représentant les citoyens). Chaque pays-membre préside le Conseil à tour de rôle pour une durée de six mois.

Le Conseil européen est un organe plus récent, qui n’était pas prévu dans les traités originaux : son existence est due à Valéry Giscard d’Estaing lorsqu’il était président de la République. Ce dernier souhaitait une instance qui réunisse les chefs d'États et de gouvernements. Le Conseil européen se réunit tous les trimestres pour donner les grandes orientations des politiques européennes. Ces sommets se déroulent à Bruxelles. Depuis 2010, le Conseil européen dispose d’un président, nommé par les Etats-membres : le Belge Herman Van Rompuy a exercé le premier mandat jusqu’en 2014. Le Polonais Donald Tusk lui a succédé et exerce toujours la fonction en 2019.

Le chancelier autrichien Sebastian Kurtz, le président du Conseil Donald Tusk, le négociateur du Brexit Michel Barnier et Emmanuel Macron lors d'un Conseil européen le 25 novembre 2018 à Bruxelles.
Le chancelier autrichien Sebastian Kurtz, le président du Conseil Donald Tusk, le négociateur du Brexit Michel Barnier et Emmanuel Macron lors d'un Conseil européen le 25 novembre 2018 à Bruxelles.
© AFP - John Thys

Trilogue

Le trilogue réunit les représentants de la Commission, du Conseil de l’UE et du Parlement lors de la phase finale d’élaboration législative. C’est un dialogue à trois informel (non prévu dans les traités) qui permet d’arriver à un texte final et commun aux trois institutions. “C’est le moment où chacun fait valoir ses amendements, ses propositions, ses oppositions pour essayer de trouver un consensus sur une loi européenne (directives ou règlements)”. Jean-Dominique Giuliani prend l’exemple du règlement sur les droits d’auteur adopté en 2019 : “Ce texte a consacré le principe européen du droit d'auteur. Quiconque écrit doit trouver dans l'exercice de sa création une juste rémunération. Ce règlement a été contesté par les géants du numérique américain et l’UE a fait l’objet d’un lobbying très important. L’examen a pris beaucoup de temps : proposition de la Commission, examen par le Conseil, plusieurs votes au Parlement et à la fin, un trilogue long et laborieux a permis de trouver un terrain d’entente pour que le texte soit adopté.”

Majorité qualifiée

Au sein du Conseil de l'UE, les États votent souvent : pour élaborer des règlements ou des directives, pour désigner des personnalités (comme le président de la Commission ou d'autres). "Au début de l'UE, il fallait l'accord de tous - l'unanimité - mais au fur et à mesure des élargissements, on s'est aperçu qu'il était problématique qu'un tout petit groupe d'États puisse s'opposer à une décision qui emportait une large majorité des États-membres, on a donc inventé la majorité qualifiée", explique Jean-Dominique Giuliani.

Pour qu'une décision soit adoptée à la majorité qualifiée, il faut réunir 55% des Etats (15 sur 27) représentant 65% de la population de l'Union. Une décision peut donc être prise contre l'avis d'un ou de plusieurs pays. En revanche, l'unanimité est toujours requise dans des domaines dans lesquels les États veulent conserver leur souveraineté, la fiscalité, la Défense ou les Affaires étrangères.