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MATHILDE AUBIER

« Je ne connaissais rien, c’était humiliant » : le grand malaise de la culture générale

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Publié le 22 mai 2019 à 01h37, modifié le 22 mai 2019 à 16h23

Temps de Lecture 7 min.

A l’occasion du lancement de Mémorable, « Le Monde » publie une série d’articles sur la mémoire et la culture générale.

Premier cours de littérature dans sa prépa toulousaine. Julie (le prénom a été modifié) reste muette. Elle observe ébahie ses camarades prendre la parole et s’exprimer sur l’œuvre étudiée. « Ils m’impressionnaient par leurs connaissances. Devant leurs phrases si bien construites, je me suis dit : “Des gens savent vraiment parler comme ça ?” Les mots qu’ils employaient voulaient dire tout ce que je ressentais et que je n’arrivais pas à nommer. » Julie a grandi dans un petit village, à deux heures de la capitale occitane. Ses parents ont connu, enfants, la grande précarité, et Julie est la première de la famille à arriver jusqu’au bac.

Porté par la dynamique des « trente glorieuses », son père a monté son imprimerie et connu une ascension sociale. Aujourd’hui, la famille vit confortablement mais, à table, on ne parle ni littérature, ni cinéma, ni histoire.

Quand Julie, bonne élève au lycée, choisit d’aller en prépa littéraire, elle est loin d’imaginer le choc qui sera le sien au contact de ses nouveaux camarades. « Je me suis vite sentie en décalage. Beaucoup venaient de familles de professeurs, ils avaient grandi en écoutant France Inter, étaient allés plusieurs fois au musée et avaient beaucoup de connaissances politiques ou historiques qui m’étaient inconnues. »

« Une très discriminante logique du mimétisme »

De nombreux étudiants ressentent un tel malaise en entrant dans l’enseignement supérieur, lorsqu’ils se confrontent à des jeunes ayant bénéficié, par le biais de leur famille et de leur entourage, d’un important capital social et culturel. Ce sentiment de « manquer de culture générale » culmine lorsque celle-ci fait l’objet d’une épreuve écrite ou orale pour intégrer une grande école, un institut d’études politiques ou un concours administratif.

C’est seulement au début du XXsiècle que la culture ­générale devient une épreuve de concours – d’abord pour les écoles militaires. Elle ­départage les candidats sur leur « hauteur de vue et la sûreté de leur jugement », décrivent les chercheurs Charles Coustille et Denis ­Ramond, dans un article de la revue Le Débat. Les compositions de culture générale se multiplient au milieu du siècle, notamment dans les concours menant à la haute administration, ou dans les écoles de commerce.

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« Ces épreuves évaluent le “capital culturel incorporé” : il s’agit de maîtriser tout un ensemble disparate de connaissances et, surtout, de savoir les mettre en scène, explique Annabelle Allouch, maîtresse de conférences en sociologie à l’université de Picardie-Jules-Verne, auteure de La Société du concours (Seuil, 2017). L’effet est d’identifier le milieu social du candidat, et ce qui pourrait faciliter son adhésion au corps de l’école, de l’administration. Les jurys se demandent : ce candidat pourra-t-il parler des mêmes choses que moi à midi ? Cette logique du mimétisme est très discriminante, et c’est en cela que la sociologie considère la culture générale comme l’épreuve par essence des héritiers. »

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