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La Suisse s’attaque aux «terroristes potentiels», dès l’âge de 12 ans

Plusieurs mesures pourraient bientôt permettre à la police d’encadrer la vie de personnes jugées suspectes sans passer par la case justice. Les ONG tirent la sonnette d’alarme

Les «terroristes potentiels» de toute obédience pourraient être davantage encadrés dans le futur. — © Sebastian Willnow/AFP
Les «terroristes potentiels» de toute obédience pourraient être davantage encadrés dans le futur. — © Sebastian Willnow/AFP

Le Conseil fédéral a proposé mercredi de nouveaux instruments policiers pour encadrer le risque terroriste. Ces derniers visent à mieux encadrer les individus «qui représentent une menace» sans pour autant que celle-ci soit assez claire pour déclencher l’ouverture d’une procédure pénale. Les partis bourgeois applaudissent, les organisations de défense des droits de l’homme mettent en garde contre un dérapage de l’Etat de droit.

«Les enfants sont radicalisés tôt»

«Nous comblons une lacune», a expliqué ce mercredi Karin Keller-Sutter en conférence de presse. Après la constitution d’un groupe d’experts «retour du djihad», l’annonce que la Suisse ne rapatrierait personne de Syrie (à part peut-être des enfants) et le vœu pieux exprimé par le gouvernement de voir les terroristes jugés «là où ils sont» (tout en respectant si possible les normes internationales), les services de la ministre de la Justice ont présenté de nouvelles mesures en lien avec le terrorisme. Leur but? Encadrer de manière plus coercitive les personnes «dont on présume sur la base d’indices concrets qu’elles pourraient mener des activités terroristes»: les terroristes potentiels. Trois axes sont évoqués.

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Tout d’abord: obliger ces derniers à se présenter régulièrement auprès d’un commissariat pour s’y entretenir avec des professionnels. Ceci dès l’âge de 12 ans. «Les enfants sont parfois radicalisés très tôt», souligne Nicoletta della Valle, la directrice de Fedpol. Ensuite: assigner la personne à résidence, dans un périmètre donné, ou au territoire suisse – ce qui peut entraîner la confiscation du passeport. Enfin: circonscrire les contacts entre la personne suspectée et d’autres individus. Ces mesures seraient ordonnées par la Confédération, sur demande des autorités cantonales. Pour s’assurer de leur bon respect, une surveillance électronique est également envisageable sur ordre de Fedpol (bracelet, téléphone).

«Les droits de l’homme profitent aux criminels»

Radicales et controversées, les mesures contenues dans cette nouvelle loi ne concerneraient que «quelques dizaines de personnes et seraient limitée à six mois, reconductibles une seule fois pour la même période de temps», a souligné Nicoletta della Valle. Décidées directement par Fedpol, elles pourraient être contestées auprès du Tribunal administratif fédéral. Elles ne passeraient toutefois pas initialement par la case justice (à part pour une assignation à domicile, où l’aval d’un juge est nécessaire), ce qui inquiète au plus haut point les organisations de défense des droits de l’homme. «Les mesures de police préventive proposées représenteraient de graves atteintes aux droits fondamentaux, ne résisteraient pas à un examen de la proportionnalité et stigmatiseraient certains groupes de personnes», argumente Amnesty International.

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Le Conseil fédéral a cependant renoncé à une mouture encore plus restrictive. Proposée par la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police, elle suggérait un «placement sécurisé» pour les terroristes potentiels – en d’autres mots, une détention préventive. Sur la base d’un avis de droit, cet instrument a toutefois été abandonné: Il aurait contrevenu à la Convention européenne des droits de l’homme. Pas de quoi effrayer l’UDC, qui s’est déclarée «consternée» par l’abandon de cette idée: «Il semble qu’en Suisse les droits de l’homme et le droit à la protection profitent en priorité aux criminels», a déploré le parti. Le projet de loi a été remis au parlement.

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