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Tribune

Européennes : la triple imposture des partis nationalistes

LE CERCLE - Dans une tribune, Cyrille Bret, maître de conférences à Sciences Po, montre que les partis nationaux-populistes de Matteo Salvini et de Marine Le Pen poursuivent des intérêts qui ne sont pas ceux des Européens.

Matteo Salvini et Marine Le Pen au rassemblement des partis nationaux-populistes, samedi 18 mai à Milan.
Matteo Salvini et Marine Le Pen au rassemblement des partis nationaux-populistes, samedi 18 mai à Milan. (Miguel Medina/AFP)

Par Cyrille Bret (géopoliticien)

Publié le 21 mai 2019 à 13:25

Les partis nationalistes n'ont pas pour priorité les intérêts des Européens. Ils poursuivent avant tout leurs propres intérêts financiers et des objectifs de mouvements extra-européens. Le rassemblement autour de Matteo Salvini, samedi 18 mai à Milan, ne doit pas faire illusion. L'affaire Strache révèle à ce sujet la conception que ces partis se font de la politique.

La démission du vice-chancelier autrichien Heinz-Christian Strache (FPÖ) n'est ni une affaire purement autrichienne ni un scandale lié à des pratiques personnelles. C'est le symptôme d'une tendance à l'oeuvre partout sur notre continent. Dans une vidéo publiée il y a peu, le vice-chancelier d'Autriche promettait de truquer l'attribution de marchés publics en échange de financement pour son parti d'extrême droite par un oligarque russe...

Mensonge politique

Depuis plus de vingt, ans, le FPÖ et ses alliés nationalistes se font élire sur la promesse de rénover la vie politique. En Autriche, le FPÖ prétend offrir une alternative aux sociaux-démocrates et aux chrétiens-démocrates au nom d'un nationalisme anti-islam volontiers proche du Fidesz de Viktor Orban. De même, la Ligue italienne et le Rassemblent national (RN) français promettent de changer le personnel, les modes de pensée et les pratiques politiques. Combien de fois n'avons-nous pas entendu critiqués « le système » en France ou la « caste » en Italie ?

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Malgré leurs efforts de marketing, ces partis promeuvent des pratiques obsolètes.

En réalité, ces partis ne font que prolonger indéfiniment des pratiques révolues. Affaire judiciaire après scandale financier, ces « chevaliers blancs » autoproclamés se font régulièrement condamner pour utilisation irrégulière des fonds publics, qu'il s'agisse des moyens mis à leur disposition par les Parlements ou des conditions d'attribution des marchés publics. Voilà la première imposture que manifeste l'affaire Strache : malgré leurs efforts de marketing, ces partis promeuvent des pratiques obsolètes.

Tromperie nationale

Le bloc nationaliste en Europe prétend défendre la souveraineté des nations européennes contre les influences extérieures et les impérialismes. En réalité, depuis des années, ils relaient sur notre continent les priorités du Kremlin et la nouvelle révolution conservatrice américaine.

Depuis le début du conflit en Ukraine, la Ligue, le RN, le PVV ou encore le FPÖ épousent la ligne de la Russie : ils militent contre les sanctions de l'Union européenne contre la Russie, propagent les thèses du Kremlin sur la légalité de l'annexion de la Crimée et réclament une alliance russe pour lutter contre l'islamisme international. Que la Russie défende ses intérêts, on peut l'admettre. Mais que ces hérauts autoproclamés des peuples d'Europe servent les intérêts étrangers, voilà le véritable scandale.

De même, ils convergent avec les conservateurs radicaux américains, dont Steve Bannon prétend être l'avocat sur le Vieux Continent. Voilà une deuxième imposture. Ces partis font passer bien d'autres intérêts nationaux avant ceux des Européens.

Une illusion programmatique

Depuis des mois, Matteo Salvini essaie de faire croire qu'il peut déclencher un « Printemps des peuples » avec l'aide de Marine Le Pen, du PVV et du FPÖ. Son « grand dessein » vient de culminer dans un rassemblement à Milan, samedi dernier. Salvini et ses alliés tentent de faire croire qu'ils constituent un bloc soudé autour d'un programme commun. Là encore, il s'agit d'un effet de manche qui masque la fragilité de l'offre politique. Ces partis sont unis par un rejet de l'islam, de l'immigration et une fascination pour les leaders conservateurs extra-européens. Mais ils n'ont pas de capacité d'attraction.

Comme le début de la précédente mandature européenne l'avait montré, les querelles d'ego, les désaccords sur l'euro, les dissensions sur la place du christianisme dans la vie publique, la tentation de quitter l'Union, les déclarations antisémites, etc. toutes ces pierres d'achoppement font durablement échouer la constitution d'une offre politique et d'une force parlementaire. Ce n'est pas un hasard : comme l'affaire Strache le rappelle, ces partis n'ont en réalité pas de ligne politique à proposer aux Européens autre que la promotion de leurs leaders.

Cyrille Bret est maître de conférences à Sciences Po Paris.

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