Les calanques de Marseille, les lagons de Nouvelle Calédonie, l'île de Ré, sont-ils en périls ? Plusieurs associations dénoncent un projet de décret qui pourrait ouvrir la voie à la bétonisation des sites classés. Alors que les experts de l'ONU viennent de tirer la sonnette d'alarme sur le déclin de la biodiversité, ce projet passe mal. Le ministère de la Transition écologique se défend, lui, de toute régression. 

La biodiversité est "un sujet aussi important que le changement climatique". C’est ce qu’avait déclaré le Président de la République, Emmanuel Macron, après l’alerte choc des experts de l’ONU lancé début mai. Parmi les mesures prises pour répondre à la sixième extinction de masse, celle de la lutte contre l’artificialisation des sols faisait partie des priorités. Or un projet de décret pourrait bien aller à contresens des annonces du Président.
Selon des associations de protection des sites ce décret pourrait faciliter les constructions dans les sites classés comme l’île de Ré ou les calanques de Marseille, aujourd’hui protégés. Les 2 700 sites classés, qui recouvrent 2 % de la surface du territoire, le sont au nom de leur "caractère exceptionnel" depuis 1906. Actuellement, les travaux susceptibles de modifier l’aspect des sites classés (démolitions, travaux soumis à permis de construire, abattage d’arbres, ouvrages d’infrastructures des voies de communication…) nécessitent une autorisation spéciale du ministre de la Transition écologique.
Une remise en cause "d’un siècle de politique de préservation des sites classés"
Selon le projet de décret révélé par Reporterre et daté du 12 avril, le texte "introduit une simplification dans le processus de délivrance des autorisations de travaux en déconcentrant l’ensemble des autorisations de travaux au préfet". "Il maintient toutefois le pouvoir d’évocation ministérielle", selon le site.
"Avec ce projet, nous perdons la politique nationale de protection des sites. Il suffira d’un préfet davantage tourné vers le développement économique que la protection du patrimoine pour dégrader irrémédiablement un site", s’indigne dans les colonnes d’Actu Environnement Julien Lacaze, vice-président de la Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France (SPPEF).
Selon un inspecteur local, plusieurs "dossiers de projets d’aménagement vont être débloqués dès la publication du décret". Et de citer un hôtel cinq étoiles avec héliport sur un secteur viticole ou un champ de panneaux photovoltaïques sur l’île d’Yeu.
"Aucune régression", selon François De Rugy
Le réseau des grands sites de France parle de "paysages exceptionnels en péril" et France Nature Environnement (FNE) de projet "inadmissible". Le ministère de la Transition écologique fait valoir que ce changement "ne porte absolument aucune régression dans la réglementation applicable et dans la politique de préservation des sites classés" et qu’il permettrait une "réduction des délais d’instruction de ces autorisations" de six à quatre mois. Avec le pouvoir d’évocation, le ministre "pourra (…) s’autosaisir ou être saisi par un tiers sur tous les projets".
Le projet de décret sera soumis à consultation du public courant mai. Un autre projet de décret visant à "transférer les compétences du CNPN aux conseils scientifiques régionaux du patrimoine naturel" fait aussi craindre un affaiblissement de la protection de l’environnement.
Marina Fabre, @fabre_marina avec AFP

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