Des camionnettes de police à Calais, le 12 janvier. Crédit : Utopia 56
Des camionnettes de police à Calais, le 12 janvier. Crédit : Utopia 56

À raison de "deux démantèlements par jour", les opérations de forces de l’ordre pour déloger les migrants à Calais se comptent en plusieurs centaines depuis le 1er janvier 2019. Selon les associations, le chiffre tourne autour de 300 évacuations. Les militants parlent désormais d’une "routine décourageante".

Les messages sur les réseaux sociaux sont quasi-quotidiens. Chaque jour ou presque, les bénévoles de Human Rights Observers, d'Utopia 56 ou encore de l’Auberge des migrants, trois collectifs d’aide aux sans-papiers dans le nord de la France, publient des images de démantèlements de campements de migrants. Chaque jour ou presque, les photos de tentes détruites, d’affaires éparses dans la boue, de bidons éventrés s'affichent sur les comptes Twitter et Facebook des militants.

Le rythme des démantèlements est si soutenu à Calais, que les évacuations des quatre principaux campements* de migrants sont vécues comme une "routine" par les occupants et les collectifs. Le mot revient souvent dans la bouche de Charlotte, bénévole au sein d’Utopia 56. "Les démantèlements ? C’est à la même fréquence, aux mêmes horaires depuis plusieurs mois", explique-t-elle. "C'est décourageant. Les migrants s’y préparent chaque jour. Vers 7h, quand les forces de l’ordre arrivent, les migrants sont déjà prêts. Ils se sont réveillés plus tôt pour ramasser et trier leurs affaires, ranger leurs sacs de couchage". Certains se volatilisent à l'aube, avant de revenir quelques heures plus tard.

>> À relire sur InfoMigrants : En trois ans, la situation s’est dégradée à Calais : "Aujourd'hui, ils vivent comme des bêtes sauvages" 

Depuis le début de l'année, à raison de "deux démantèlements par jour", les évacuations se comptent en plusieurs dizaines. Il y en a déjà eu au moins 300, selon le décompte d'Utopia 56 et de l'Auberge des Migrants. Plus de 340, selon le recensement de Human Rights Observers, un collectif souvent présent lors des opérations de police. 

Loin de ressembler à l'ancienne "jungle" de Calais, les campements de migrants sont désormais de petite taille dans le nord de la France. Le nombre de leurs occupants oscille entre 25 et 150 personnes. 

124 opérations de démantèlement en 4 mois, selon la préfecture

Contactée par InfoMigrants, la préfecture du Pas-de-Calais parle, elle, de 124 opérations du 1er janvier au 30 avril 2019 (soit un peu plus d'une par jour). Au mois de mars, le sous-préfet Michel Tournaire confirmait déjà la cadence élevée des démantèlements dans la ville, "un jour sur deux", affirmait-il alors.

"[Les opérations] pour mettre fin aux occupations illicites […] se déroulent dans le calme, et selon un protocole strict, avec en particulier la possibilité pour les populations concernées de récupérer leurs affaires personnelles**, y compris les couvertures et les tentes", précise la préfecture du Pas-de-Calais. "Lors de ces opérations, des propositions de mise à l'abri sont systématiquement formulées auprès des migrants présents."

"Il n'y a plus beaucoup d'espaces publics à occuper pour les migrants" 

Depuis quelques semaines, les militants se plaignent d’être mis à l’écart de ces démantèlements, le périmètre de sécurité imposé par la police à chaque évacuation ayant été élargi de plusieurs mètres. "Le périmètre autour des campements de migrants est tellement large qu’on ne voit pas ce qu’il se passe. Quand la police arrive, elle nous repousse toujours plus loin. Les forces de l'ordre garent leurs véhicules devant nous, donc on ne voit rien", précise encore Charlotte.

Cette banalisation des évacuations inquiète Utopia 56. En plus du froid et des conditions de vie plus que précaires, "les migrants sont épuisés. Ils ne dorment pas beaucoup, ils sont constamment réveillés vers 7h du matin. Ils sont très angoissés". Beaucoup refusent d’aller dans les CAES, ces centres d’hébergement d’urgence où leur situation administrative sera examinée. Ils préfèrent rester dans la nature, non loin des filières de passeurs, dans l'espoir de trouver un moyen de rejoindre l’Angleterre. 

Surtout, chercher de nouveaux emplacements à Calais pour se cacher des autorités est vain, selon Utopia 56. "Où pourraient-ils aller ? Il y a de plus en plus de contrôles de police dans le centre-ville. Quasiment plus personne ne va là-bas", explique Charlotte, d'Utopia 56.

Et en périphérie, "tout est grillagé", continue la militante. Des grilles ont été installées le mois derniers vers le camp des Verrotières, chemin du Pont Trouille, où s'étaient installés des dizaines de migrants. "Ils ont mis des barbelés, des grillages partout, aux abord des camps, le long des autoroutes. Il n'y a plus beaucoup d'espace public à occuper. Alors les gens reviennent s'installer aux mêmes endroits".

Même analyse de l'Auberge des Migrants. "Il y a de moins en moins d'espaces disponibles", précise à son tour François Guennoc, vice-président de l'association. "Ils pourraient aller beaucoup plus loin, mais le chemin serait alors très long pour rejoindre les points de distribution de nourriture et les sanitaires installés par la Ville". 

Selon les collectifs et la préfecture, entre 200 et 300 migrants se trouvent aujourd'hui à Calais.

Les grillages poss  Chemin Pont Trouille  Calais pour prvenir la rinstallation de campements Crdit  Utopia 56*Il existe plusieurs campements de migrants à Calais :

Camp de la rue des huttes : environ 200 personnes y résident

Camp Virval (près de l’hôpital) : environ 50 personnes y résident

Camp Marcel Doret (ou BMX) : environ 30 personnes y résident

Camp du Old Lidl : environ 20 personnes y résident

 ** La Ressourcerie est un magasin solidaire situé au 365 Avenue Saint-Exupéry, à Calais, où les forces de l’ordre déposent les affaires personnelles des migrants trouvées sur place lors des démantèlements.


 

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