©Pagachey
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Gaspillage : un site de petites annonces alimentaires pour "Pagachey"

10 millions de tonnes de nourriture consommable sont jetées chaque année en France. Chaque Français mettrait en moyenne à la poubelle environ 30 kg d'aliments par an dont, le comble, sept kg de produits encore emballés. Face à ce gâchis, des solutions émergent. 

Parmi celles-ci, une application qui fait beaucoup parler d'elle ces derniers mois : Too Good To Go, qui met en contact des clients et des commerçants partenaires écoulant leurs invendus du jour à prix réduits. Également, entre autres, "Nous, anti-gaspi", en Bretagne, qui achète à ses fournisseurs les produits qui ne peuvent pas être vendus dans une enseigne traditionnelle à cause de quelques défauts. Mais au-delà des commerçants, que faire en tant que particulier lorsque l'on sait que l'on ne va pas avoir le temps de consommer tel ou tel produit avant qu'il ne périme, ou que l'on a de la nourriture en trop ? Il y a notamment les frigos partagés, qui fleurissent dans l'Hexagone, mais aussi désormais une initiative en ligne, baptisée "Pagachey". Il s'agit tout simplement d'un site de petites annonces alimentaires. ID s'est entretenu avec son fondateur, Laurent Coste.

ID : Qu'est-ce qui vous a poussé à lancer ce site, et quand l'avez-vous mis en ligne ?

Laurent Coste (L.C.) : L'idée date de 2016, une première version de la plateforme a vu le jour en 2017, mais étant pris par le travail à côté, je manquais de temps pour la faire vivre. J'ai fait une refonte du site début 2019 et aujourd'hui je travaille à développer le nombre de ses utilisateurs - on approche le millier actuellement - et à créer des noyaux d'activité au sein de villes et de quartiers. La plateforme est solide, elle fonctionne parfaitement. J'ai un background professionnel dans le marketing et l'informatique et j'ai travaillé à plusieurs reprises dans la création de sites Internet. Je voulais mettre cette expérience à profit d'un projet fédérateur et qui serve. Touché comme énormément de monde par le problème du gaspillage, je me suis rendu compte que dans le domaine de l'alimentaire, au niveau des acteurs B to C (ndlr : professionnels vers des consommateurs finaux) une présence commençait à avoir lieu. Mais au niveau du particulier à particulier, il y avait vraiment quelque chose à faire. "Pagachey" se positionne sur ces deux segments. Ça s'adresse aux particuliers entre eux, mais aussi aux professionnels qui voudraient proposer leurs invendus. 

ID : Comment ça fonctionne, concrètement ?

L.C. : C'est tout simplement une plateforme de mise en relation. Un utilisateur qui a besoin de proposer des produits va se créer un compte, ça se peut faire rapidement via Facebook. Il crée ensuite une annonce avec le titre, la description, les éventuels allergènes, et tout ce qui peut être éventuellement religieux, casher ou halal. Il y a une durée de validité de l'annonce selon son caractère frais ou non. Ça peut aller jusqu'à un an. N'importe qui peut proposer ses produits partout en France, et l'on peut géolocaliser les produits proposés autour de chez soi. L'esprit du site, c'est de proposer un prix mini, et l'on peut aussi donner son produit. C'est un des piliers de ce projet, qui en dehors de son côté anti-gaspi a un côté social. 

ID : Vous autorisez les produits frais. Comment s'assurer qu'il n'y aura aucun problème sanitaire, ou d'hygiène, si on achète un de ces produits ?

L.C. : Rien n'empêche ce genre de pratiques et la plateforme est basée sur une charte, que chaque utilisateur doit respecter. Lorsqu'il propose un produit, il s'engage à ce qu'il soit sanitairement "clean". On peut aussi proposer de la cuisine maison. Par exemple, si on en fait trop pour une célébration entre amis et en famille, qu'il y a des restes, on peut les proposer. 

©Capture écran "Pagachey"

ID : Lorsque l'on a réalisé un achat, comment s'organise-t-on pour récupérer le produit ?

L.C. : On envoie un message et on est mis en relation avec l'annonceur qui reçoit un mail ou un SMS. À partir de là, les deux personnes, qui sont a priori voisines, c'est le principe du site, s'arrangent entre elles. 

ID : Quel est votre modèle économique ?

L.C. : Je vous parlais tout à l'heure des différentes durées de publication possibles : une petite participation va être demandée pour des durées longues. Ça va intéresser les personnes qui ont beaucoup de stock se conservant sur une longue durée, et notamment les commerçants. 

ID : À quoi sert l'onglet "classement" sur votre site ?

L.C. : C'est encore expérimental, cet outil permettra à des villes d'organiser des concours pour récompenser les utilisateurs qui feront le plus d'opérations "anti-gâchis". 

ID : Pourquoi les Français ont-ils tendance à gaspiller autant, selon vous ?

L.C. : C'est complètement lié à cette maladie de l'hyperconsommation. Les distributeurs ont leur part à jouer là-dedans, ils devraient peut-être proposer moins ou différemment. Tout doit se jouer en amont : les circuits courts sont la solution la plus efficace pour éviter ce gaspillage alimentaire. 

Le gaspillage alimentaire a un coût environnemental, éthique, mais également pour le porte-monnaie : entre 12 et 20 milliards d’euros par an en France, et 159 euros par personne pour les seuls ménages.