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ÉTATS-UNIS

À la frontière mexicaine, des Américains jouent aux policiers avec leur milice "anti-migrants"

Images publiées sur le compte Facebook de Debbie Collins Farnsworth entre mars et avril 2019.
Images publiées sur le compte Facebook de Debbie Collins Farnsworth entre mars et avril 2019.
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Au moins 200 personnes ont été arrêtées par un groupe de miliciens armés – les "Patriotes constitutionnels unis" – à la mi-avril, à la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Elles ont ensuite été remises au service des frontières. Pas peu fiers de cette opération, les miliciens ont diffusé une vidéo en direct sur les réseaux sociaux, pour dénoncer "l’invasion" dont ils se disent être victimes. Ce groupe inquiète les défenseurs des droits de l’Homme, d'autant plus qu'il bénéficie de la complaisance du service des frontières.

ACTUALISATION (28 mai 2019) : depuis la publication de cet article le 23 mai 2019, plusieurs vidéos relayées sur Facebook par des membres des "Patriotes constitutionnel unis" ont été supprimées. Dans cet article, nous avons donc retiré les liens ne fonctionnant plus et inclus deux nouveaux liens à la place.

La vidéo diffusée à la mi-avril a été tournée dans la nuit près de Sunland Park, une ville située dans l’État du Nouveau-Mexique, à la frontière avec le Mexique. On y voit des personnes assises sur le sol – dont des enfants en bas âge – visiblement apeurées. La femme qui tourne la vidéo les éclaire avec une lampe, tout en commentant : "Ils sont sûrement 200 et ils continuent d’arriver !" (1’08), "c’est ça qui traverse notre frontière, avant qu’on ne construise le mur" (11’10), "c’est une invasion" (11’38).

Dès le début de la vidéo, elle fait également référence au Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis : "Quelqu’un a appelé le service des frontières ?" (0’28) Au bout de 5 minutes environ, on aperçoit plusieurs agents de ce service. Ces derniers demandent ensuite aux migrants de se lever et de les suivre.

Cette vidéo de 41 minutes a été publiée sur différentes pages à la mi-avril : sur YouTube, où elle comptabilise plus de 78 000 vues, ou encore sur le compte Facebook de Debbie Lennertz Collins, où elle comptabilisait plus de 114 000 vues lorsque cet article a été publié initialement, avant qu'elle ne soit supprimée.

 

Ce n’est pas la première fois que les "Patriotes constitutionnels unis" arrêtent des personnes à la frontière. Ce groupe avait déjà publié de nombreuses vidéos similaires sur les réseaux sociaux au cours des derniers mois, sauf qu’il n’avait jamais arrêté autant de personnes à la fois.

Vidéo publiée le 18 avril.

 

"Les personnes arrêtées semblent constituer une sorte de trophée de chasse pour les miliciens"

Peter Simonson est le directeur exécutif de l’Union américaine pour les libertés civiles dans l’État du Nouveau-Mexique.

Cela fait des années que des milices de citoyens patrouillent à la frontière, mais jusqu’à présent, elles se contentaient généralement d’observer et de rapporter ce qu’elles voyaient au service des frontières.

Là, c’est différent, car les "Patriotes constitutionnels unis" ont arrêté des gens, en les menaçant avec leurs armes. Au cours des derniers mois, ils ont arrêté au moins 500 personnes, d’après toutes les vidéos que nous avons pu voir sur les réseaux sociaux. Nous ne pensions pas qu’une milice pouvait aller aussi loin. En plus, dans la vidéo publiée à la mi-avril, on a l’impression que les personnes arrêtées constituent une sorte de trophée de chasse pour les miliciens.

Nous considérons que ce n’est pas à des citoyens armés de jouer le rôle de la police, en retenant des personnes contre leur gré : ils les séquestrent, c’est illégal. Même si ce sont des migrants en situation irrégulière, ils ont des droits garantis par notre Constitution…

De plus, il nous semble problématique qu’ils portent des uniformes ressemblant à des tenues militaires et des insignes semblables à des insignes officiels, car ils peuvent être confondus avec de vrais agents du maintien de l'ordre. En plus, ils sont fortement armés – certains ont même des armes semi-automatiques – donc un accident pourrait se produire... Enfin, il nous semble anormal qu'ils portent des cagoules noires pour cacher leur identité...

Photo publiée sur le compte Facebook de Debbie Collins Farnsworth.

 

À la suite de cette vidéo, le procureur général de l’État du Nouveau-Mexique, Hector Balderas, a déclaré que les miliciens "ne devraient pas essayer d’exercer un pouvoir réservé à la police". Le groupe des "Patriotes constitutionnels unis" a également été sommé de quitter le petit terrain qu’il occupait près de la frontière.

En outre, son leader, Larry Mitchell Hopkins, a été arrêté par le FBI, mais uniquement pour possession illégale d’armes à feu, en lien avec une affaire précédente.

Notre rédaction a contacté les "Patriotes constitutionnels unis" sur Facebook, mais nous n’avons pas obtenu de réponses à nos questions. Nous avons également contacté le Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis, qui a simplement indiqué qu’il "ne souten[ait] pas les groupes privés ou les organisations qui font appliquer la loi eux-mêmes".

 

"Il y a une vraie complaisance des autorités à l’égard de ces milices"

Mais les déclarations du Service des douanes et de la protection des frontières ne convainquent pas Peter Simonson.

Quand on voit l’attitude de ces agents, on a plutôt l’impression qu’ils ont des affinités avec les "Patriotes constitutionnels unis", voire qu’ils les soutiennent et collaborent avec eux activement.

Par exemple, les "Patriotes constitutionnels unis" ont publié des photos montrant leurs membres entourés de deux agents du service des frontières, à cheval. Et ces derniers n’ont pas du tout l’air gênés de poser à côté d’individus cagoulés, portant des insignes ressemblant à des badges officiels…

Des miliciens posent avec des agents du service des frontières. Photos publiées sur le compte Facebook de Debbie Collins Farnsworth (ici et ).

 

De plus, dans plusieurs vidéos, on voit des agents du service des frontières qui arrivent pour récupérer les personnes ayant été arrêtées par les miliciens.

Dans cette vidéo publiée le 17 avril, un véhicule du service des frontières arrive pour récupérer les migrants arrêtés par les "Patriotes constitutionnels unis" (vers 11'35).

 

Ce qui est problématique avec ce service, c’est qu’il ne rend de comptes quasiment à personne. De plus, il a toujours été hostile envers les migrants, une tendance qui s’est renforcée depuis l’élection de Donald Trump.

Depuis cette élection, le nombre de milices de ce type a d’ailleurs augmenté. Ce n’est pas vraiment étonnant puisqu’il les soutient, au moins implicitement… D’une manière générale, il y a une vraie complaisance des autorités à l’égard de ces milices.

À l’inverse, actuellement, un citoyen américain risque 20 ans de prison pour avoir donné de l’eau et de la nourriture à des migrants [ainsi qu’un toit, durant trois jours, NDLR]. Cela en dit long sur les priorités des autorités fédérales…

Depuis un mois, les "Patriotes constitutionnels unis" se sont faits plus discrets, même s’ils continuent de publier des vidéos de leurs patrouilles à intervalles réguliers. Début mai, l’un d’eux a encore défrayé la chronique, après avoir suggéré de "tuer tous les migrants", comme "du temps d’Hitler". Il aurait toutefois été écarté du groupe à la suite de cela.

D’après des documents du ministère de la Défense obtenus par le magazine Newsweek, il y aurait environ 200 personnes appartenant à des groupes armés similaires à la frontière sud du pays.

Cet article a été écrit par Chloé Lauvergnier (@clauvergnier).

 

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