Burkina Faso : les chrétiens, nouvelles cibles privilégiées des djihadistes

Après les conflits interethniques, les djihadistes visent les conflits interreligieux. En un mois, ils ont perpétré quatre attaques visant délibérément des chrétiens.

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Les attaques d'églises par les djihadistes se concentrent sur les zones rurales et mettent à rude épreuve la coexistence religieuse dans un pays fragile économiquement.
 
 

Les attaques d'églises par les djihadistes se concentrent sur les zones rurales et mettent à rude épreuve la coexistence religieuse dans un pays fragile économiquement.

 

 

© Godong / Robert Harding Premium

Temps de lecture : 4 min

Les assassinats pendant la messe du dimanche 26 mai de quatre chrétiens dans l'église du village de Toulfé, au nord du Burkina Faso, constituent incontestablement une illustration de plus de la nouvelle stratégie des groupes armés terroristes qui ont désormais la main mise sur près d'un quart du pays. Quatre attaques en un mois contre des catholiques, dont un curé, et des protestants montrent que désormais les chrétiens sont un nouvel objectif dans le combat par la terreur que mènent les djihadistes. Après les Dogons contre les Peuls, les islamistes enfoncent un coin dans la cohabitation entre chrétiens et musulmans, majoritaires au Sahel.

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Une coexistence ethnique et religieuse...

Alors qu'au Mali, la présence des chrétiens est plutôt homogène au sud du pays, elle l'est moins au Burkina Faso où alternent les villages de l'une ou de l'autre communauté, quand elles ne sont pas mélangées dans le même lieu. Quatre-vingts pour cent des églises sont implantées en brousse, où vivent la plupart des chrétiens, soit 23 % de la population. Avec toutefois un accroissement spectaculaire des églises évangéliques qui sont désormais présentes non seulement à l'est, mais presque partout dans le pays. Pour elles, l'Afrique est une terre de mission grâce aux nombreux pasteurs locaux qui rejoignent leurs rangs, contrairement aux prêtres pourtant davantage intégrés à la population, quelle que soit la religion. Au Burkina Faso, écoles et œuvres caritatives catholiques accueillent comme souvent sur le continent les plus démunis, dans un pays où régnait la coexistence entre les religions, même si l'accroissement des églises et l'arrivée d'un islam importé de la péninsule arabique commençaient à aviver les tensions.

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... désormais mise à mal par les djihadistes...

Une situation que les groupes armés se réclamant du djihad essaient désormais d'aggraver en massacrant les chrétiens, dans l'espoir qu'ils seront suivis par une partie de la population. Après les militaires, les fonctionnaires, les imams jugés à leurs yeux trop proches du pouvoir, ils désignent une nouvelle partie de la population à abattre pour déstabiliser encore davantage l'État et ses dirigeants, considérés comme des impies par ces fanatiques. Un « coup double » au Burkina Faso, qui accueille encore des touristes et où les expatriés sont nombreux. En tuant des chrétiens africains, les islamistes menacent en fait les Européens encore sur place qu'ils veulent voir partir afin d'isoler le pays et ses dirigeants, désarmés face à ce péril. N'ayant pas d'autres choix pour se défendre que le soutien de l'opération française Barkhane et du dispositif Sabre du Commandement des opérations spéciales déployé à Ouagadougou, les dirigeants burkinabè sont honnis par les islamistes. Au Burkina Faso, les chefs des groupes terroristes venus du Mali, qui revendiquent leur allégeance à Al-Qaïda ou à l'État islamique, poursuivent la stratégie de la terreur commencée par leurs aînés au Levant. Pour eux, l'élimination des chrétiens est une partie de la guerre qu'ils mènent au Sahel pour conquérir le pouvoir. Les chrétiens sont désormais des cibles à abattre, comme les soldats de Barkhane et ceux des armées africaines qui n'ont pas les moyens de les protéger.

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... sur le modèle d'autres théâtres d'opérations menacés par le terrorisme

Une tactique développée en Algérie pendant la décennie des années 90 par le GIA, qui qualifiait l'État et ses agents de Taghout, de diable en français, pour le pouvoir tyrannique qu'ils exerçaient sur terre. Au nom de ce principe, les massacres se sont succédé dans les villages où les habitants et la majorité de la population n'appliquaient pas la charia. Les chrétiens, essentiellement des étrangers, étaient enlevés et tués, comme les moines de Tibhirine qui ont été décapités. Le même phénomène s'est reproduit en Irak où la présence des chrétiens remonte à l'époque de Jésus-Christ. À Bagdad d'abord, le quartier chrétien a été le théâtre de tueries et d'enlèvements par des extrémistes sunnites de pères de famille afin d'obtenir une rançon contre une hypothétique libération. La « raison » : la présence des troupes américaines qui avaient capturé Saddam Hussein. Même au sud, à Bassorah, les chiites majoritaires se sont mis à tuer des chrétiens, pour eux, alliés des Américains qui les avaient pourtant délivrés du dictateur. Puis le calvaire des chrétiens s'est poursuivi à Mossoul et dans le nord de l'Irak du fait des combattants de Daech. Les soldats et les agents de l'État, même sunnites, n'ont pas été épargnés. Ils ont été eux aussi exécutés.

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