Violences conjugales : "Il faut attendre quoi, que l'on soit morte ?"

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Violences conjugales : "Il faut attendre quoi, que l'on soit morte ?"

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En France, tous les trois jours, une femme meurt sous les coups portés par son conjoint.
En France, tous les trois jours, une femme meurt sous les coups portés par son conjoint.
© AFP - FRANK PERRY

En France, une femme meurt sous les coups de son mari tous les trois jours. Les femmes victimes de violences ne sont pas systématiquement protégées, même lorsqu'elles portent plainte. Une difficulté à laquelle est souvent confrontée maître Dao, avocate à Pontoise.

L’État a-t-il failli dans la prévention de certains meurtres conjugaux ? Question en toile de fond d’un procès qui s’est ouvert mercredi devant les assises du Lot, à Cahors : celui d’un exploitant agricole à la retraite de 68 ans qui comparaît pour avoir tué son épouse, Malienne de 37 ans, de trois coups de fusil de chasse, en mars 2017. Les proches de la victime estiment avoir prévenu les autorités compétentes, et que sa mort aurait pu être évitée.

"Il est capable de me tuer" : encore trop souvent, lorsque des femmes prononcent cette phrase, on ne les prend pas au sérieux et finalement leur conjoint ou ex-conjoint, après les menaces, passe à l'acte.

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Parfois ces victimes n'ont pas osé porter plainte, mais malheureusement le fait de porter plainte ne les met pas non plus forcément à l'abri.

Pourtant une loi existe en France. Selon ce texte, mis en application le 17 août 2015, les femmes victimes de violences sexuelles et intrafamiliales, qui présentent une exposition particulière à des risques de représailles ou d’intimidation de la part de l’auteur des faits, doivent être protégées.

Le premier maillon de la chaîne c'est la police ou la gendarmerie, le lieu où la victime doit déposer une plainte afin que la procédure s'enclenche, ce qui n'est malheureusement pas toujours le cas. Comme l'explique Maître Dao, avocate au barreau de Pontoise :

"Les premiers à intervenir c'est la police, les gendarmes, parce que c'est auprès d'eux qu'on envoie les victimes pour déposer plainte. C'est la prise en charge, ce premier pas là qui est compliqué et difficile pour les victimes."

Maître Dao a remarqué, dans des affaires de violences conjugales concernant ses clientes ou celles de confrères, que ces agents qui devraient pourtant être formés ne le sont pas toujours. Parfois, malgré leur formation, elle ne peut que constater qu'ils n’accueillent pas les victimes de violences conjugales correctement.

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"Je me suis déjà vu aller voir le procureur pour expliquer qu'il y a quelque chose que je ne comprends pas. La police est sous votre autorité, la charte est dans la salle d'accueil, derrière leur dos : les policiers doivent prendre le dépôt de plainte, point. Ce n'est pas à eux de juger de l'opportunité de la plainte. Ce n'est pas à eux de dire 'vous devez déposer une main courante'."

Ce manque de formation, et parfois de bonne volonté, empêche malheureusement certaines femmes d'engager une procédure qui les mettrait ensuite à l'abri. Une difficulté supplémentaire dans un parcours déjà bien difficile, et un constat dramatique pour l'avocate : "Souvent, elles me disent : 'Ils attendent quoi  ? Qu'on soit morte ?'"

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