
Les écologistes ont refusé d'entrer dans le gouvernement malgré l'offre d'un grand ministère de l'écologie et de l'énergie proposée par le nouveau premier ministre. Manuel Valls, le plus libéral des socialistes, serait-il écolo-incompatible ?
Le nouveau premier ministre s'est peu exprimé sur l'environnement et certaines de ses positions ont évolué au fil du temps. Ainsi, le candidat à la primaire socialiste qui avançait des idées fort audacieuses sur le nucléaire – allant jusqu'à prôner une sortie de l'atome – s'était-il retrouvé à défendre cette énergie comme une « filière d'avenir » après son entrée au gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Sur deux autres dossiers hautement sensibles, Manuel Valls s'est déclaré totalement opposé à l'exploitation du gaz de schiste mais favorable aux OGM.
DE LA SORTIE DU NUCLÉAIRE AU SOUTIEN À L'ATOME
La place de l'atome dans le mix électrique français sera l'un des enjeux de la loi sur la transition énergétique, l'un des grands chantiers qui attend le nouveau gouvernement. Sur ce dossier, la posture de Manuel Valls tient du grand écart, tant le discours du ministre de l'intérieur de Jean-Marc Ayrault tranche avec celui du candidat à la primaire socialiste.
En 2011, dans l'ouvrage L'énergie du changement, l'abécédaire optimiste (Le Cherche-Midi) qui détaillait ses propositions pour la primaire socialiste, M. Valls se disait favorable à un « débat national » sur l'atome, précisant qu'il devrait « être tranché démocratiquement par référendum » au début du quinquennat. « Dans ce processus, indiquait-il, je défendrai, sans rien cacher des efforts importants que cela induira, une sortie progressive et maîtrisée du nucléaire, car c'est, à terme, l'assurance de ne plus connaître de nouvelle catastrophe, une réelle souveraineté énergétique et, aussi, de nouvelles perspectives de croissance et d'emplois. » Il justifiait cette position par la catastrophe de Fukushima qui « a sonné le glas de nombreuses croyances autour du nucléaire et exige l'avènement d'un nouveau monde énergétique ».
M. Valls fixait comme objectif « ambitieux et réaliste » de « réduire la part du nucléaire dans la production électrique à 50 % [contre 75 % aujourd'hui] en 2022 ». Soit plus vite que ne s'est engagé à le faire François Hollande, qui s'est donné le même but à l'horizon 2025 et qui n'a jamais évoqué une sortie du nucléaire. Surtout, à la différence de M. Hollande, qui n'a prévu l'arrêt de que de la seule centrale de Fessenheim au cours de son mandat (même si l'accord gouvernemental entre socialistes et écologistes faisait état de « la fermeture progressive de 24 réacteurs »), M. Valls se disait partisan de l'abandon des réacteurs « les plus anciens », précisant : « Il faudra s'en tenir à une règle claire : la durée de vie maximale des centrales nucléaires devra être limitée à trente-cinq ans. »
Ce couperet signifierait la mise à la retraite, d'ici à la fin de l'actuel mandat présidentiel, de 21 des 58 réacteurs français (ceux des centrales de Fessenheim, Bugey, Tricastin, Dampierre et Saint-Laurent, et une partie de ceux du Blayais et de Gravelines). A l'exception de l'EPR de Flamanville en construction, « il faudra stopper tous les nouveaux projets », ajoutait M. Valls : « L'Etat devra réorienter massivement l'effort de recherche et de développement dans l'énergie en le focalisant sur le renouvelable.»
Devenu ministre du gouvernement Ayrault, Manuel Valls a pour le moins infléchi sa doctrine. En août 2012, sur Europe 1, il s'inscrivait dans les pas du ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, qui avait qualifié de « filière d'avenir » le nucléaire. « Evidemment, le nucléaire est une filière d'avenir », déclarait-il. Tout en rappelant l'objectif de rééquilibrage du bouquet électrique, il affirmait : « Nous avons besoin de nucléaire, même si on réduit, dans la décennie qui vient, sa part. Nous avons besoin de renouveler nos centrales nucléaires, ses différentes filières. »
UNE OPPOSITION « TOTALE » AU GAZ DE SCHISTE
Le nouveau premier ministre est opposé à l'exploitation du gaz et du pétrole de schiste. Durant la primaire socialiste, à l'occasion d'un voyage dans les Cévennes le 21 septembre 2011, Manuel Valls jugeait que l'exploitation du gaz de schiste est « un problème majeur pour tous ceux qui aiment la nature et qui vivent de l'agriculture (…). J'ai fait part de mon opposition totale à ce type d'exploitation qui mettrait à mal nos cultures et l'eau, essentielle pour les agriculteurs mais aussi pour la vie, et qui défigurerait nos paysages. La mobilisation de tous contre l'exploitation du gaz de schiste est un beau combat que je soutiens. » C'était juste après le vote de la loi Jacob du 13 juillet 2011 interdisant la fracturation hydraulique, seule technique à ce jour pour explorer et exploiter les hydrocarbures non conventionnels.
Une position qu'il semble toujours tenir. Sur France 2 mercredi 2 avril, Barbara Pompili, coprésidente du groupe EELV à l'Assemblée nationale, a déclaré, en détaillant l'offre faite par le nouveau chef de gouvernement aux écologistes : « Il nous assurait que sur le gaz de schiste, on ne changerait pas de politique et surtout il nous proposait de nous donner les clés de la transition énergétique. En nous donnant la charge d'un ministère de l'écologie qui contiendrait aussi l'énergie et les transports. Ce que nous demandons depuis toujours. »
Manuel Valls devra de toute façon s'aligner avec la position ferme de François Hollande, qui a définitivement fermé la porte à l'exploitation des huiles et gaz de schiste, estimant que la fracturation hydraulique « n'est pas exempte de risques lourds pour la santé et l'environnement ». Mais reste à voir comment il composera avec Arnaud Montebourg, promu au ministère de l'économie et fervent avocat des hydrocarbures non conventionnels.
UN SOUTIEN CLAIR AUX OGM
Alors candidat à la primaire socialiste, Manuel Valls se montrait clairement favorable aux organismes génétiquement modifiés (OGM), affirmant sa foi dans le progrès scientifique. « Si les dangers supposés des cultures transgéniques attendent toujours d'être vérifiés, les bénéfices espérés sont, eux, largement reconnus », estimait-il dans son programme L'énergie du changement, allant jusqu'à préciser que « les OGM joueraient un rôle essentiel dans la protection de l'environnement ».
« Plutôt que d'interdire les OGM, il faut (…) augmenter les moyens en faveur de la recherche sur les biotechnologies », ce qui « passe, inéluctablement, par des expérimentations en plein champ ». Une position qui tranche dans le consensus politique existant en France pour refuser la culture des OGM, consensus qui a abouti au dépérissement de la recherche scientifique dans ce domaine.
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