Le droit à l'avortement est en danger aux États-Unis. Plusieurs États ont promulgué des lois anti-IVG. Parmi eux l'Alabama qui assimile cet acte à un homicide. Étonnamment, les grandes entreprises sont restées muettes sur ce sujet. Elles qui ont dénoncé les lois anti-climat, anti-LGBT ou anti-immigration depuis l'élection de Donald Trump. L'avortement est un sujet encore trop clivant aux États-Unis pour qu'elles prennent ouvertement position. 

Aux États-Unis, les anti-choix sont passés à l’offensive. Et ils ont gagné du terrain. Après le Texas, le Missouri ou encore le Kentucky, l’Alabama a promulgué une loi pénalisant l’avortement. Encore plus restrictive que les autres, elle assimile l’IVG à un homicide et prévoit des peines allant jusqu’à 99 ans d’emprisonnement pour les médecins la pratiquant. En Géorgie, l’État a interdit aux femmes d’avorter dès que les battements du cœur sont détectables, soit dès la sixième semaine. Au total, ce sont plus de 300 mesures limitant l’interruption volontaire de grossesse qui ont été prises ces derniers mois dans 28 États américains.
Or, habituellement, certaines grandes entreprises réagissent lorsqu’un coup de canif aussi important est porté aux droits humains. Lors du décret anti-immigration porté par Donald Trump à l’été dernier, les géants de la Tech, associés à la Chambre du commerce des États-Unis, un des plus gros groupes de pression à Washington, avaient dénoncé publiquement la politique du Président sur la séparation des enfants immigrés de leurs parents à la frontière mexicaine. Lors de la sortie des États-Unis de l’Accord de Paris, c’est une coalition de plus de 1 300 entreprises qui s’était engagée à respecter les objectifs de l’Accord. Sur le recul du droit à l’avortement, les entreprises restent étonnamment muettes.
L’avortement, un sujet trop clivant pour les entreprises
L’AFP a ainsi tenté de contacter une dizaine de grandes entreprises, de plusieurs secteurs différents, sans récolter une seule réaction. Même Apple, IBM, Amazon, qui sont "pourtant à la pointe sur les questions de libertés individuelles", n’ont pas réagi. "L’avortement est un de ces sujets" qui ont "le potentiel de cliver une audience", explique à l’Agence Melissa Dodd, professeure en relations publiques à l’université de Central Florida. 
Face à ce mutisme, des appels au boycott se sont élevés. L’actrice Alyssa Milano a interpellé plusieurs studios de production pour qu’ils quittent la Géorgie, surnommée le "Hollywood du sud". En plein tournage de la série Insatiable pour Netflix, elle a affirmé que si la série "ne se passe pas dans un autre État, je ne pourrais pas tourner la troisième saison". Le géant du streaming a sous-entendu qu’il pourrait arrêter de tourner en Géorgie si la loi entrait en vigueur. En attendant, il a décidé de continuer à tourner sur place.
Le syndicat des scénaristes américains le Writers Guild of America a publié un communiqué dans lequel il dénonce une loi qui "fait de la Georgie un lieu inhospitalier pour les personnes travaillant dans l’industrie du cinéma et de la télévision, y compris pour nos membres".
Un appel au boycott 
Plusieurs activistes ont également lancé le hashtag #BoycottAlabama ou #BoycottGeorgie qui visent les entreprises de la région. Le but est de faire pression sur les autorités. Mercedes-Benz dont la plus grande usine de fabrication est implantée en Alabama a été pris pour cible. Tout comme Coca-Cola, basé à Atlanta, en Géorgie. Les militants espèrent reproduire l’issue du boycott du projet de loi restreignant l’accès des personnes trans aux toilettes publiques en Caroline du Nord en 2016. L’État avait été menacé de boycott par PayPal, la Deutsche Bank et plusieurs grosses associations sportives. Il avait finalement fait marche arrière. 
La pression pourrait également venir des investisseurs. Une nouvelle startup appelée Openinvest a lancé un outil pour aider les investisseurs à repérer les entreprises dont le siège est situé dans des États promouvant des lois anti-avortement. C’est "une nouvelle proposition excitante" qui envoie "un signal fort aux entreprises qui ont des politiques obsolètes", a réagi auprès de Reuters Vaidehee Sachdev de l’association pour l’investissement responsable ShareAction. "Mais pour que ces changements opèrent réellement, les investisseurs institutionnels, qui ne risquent pas de désinvestir uniquement en raison de politiques relatives aux droits en matière de procréation, doivent soulever ce problème avec les entreprises lors de leurs engagements", souligne le responsable de recherche.
Marina Fabre, @fabre_marina

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