Trois clercs saoudiens devraient être exécutés mardi 4 juin, après le mois de Ramadan, a confié une source au site d’information Middle East Eye. Les trois clercs sont accusés de « terrorisme », d’avoir des liens avec la famille royale du Qatar et avec l’organisation des Frères musulmans.

Décrits comme « progressistes »

Très connus dans le pays et dans le monde arabe, ils ont été arrêtés en septembre 2017. Salman al-Odah était connu pour être favorable à une législation plus souple de la charia, la loi islamique qui régit le pays. Il est décrit par des experts de l’Organisation des Nations unies comme étant un « réformiste ». Il s’est prononcé en 2016 contre une criminalisation de l’homosexualité. Peu avant son arrestation, alors que Riyad était en pleine crise diplomatique avec le Qatar, il avait tweeté en faveur d’un rapprochement entre les deux pays.

Le deuxième, Ali al-Omari, est un journaliste de radio. Il avait notamment appelé à combattre l’islamisme radical et avait prôné une plus grande égalité entre hommes et femmes. Enfin Awad al-Qarni est un clerc et auteur, considéré dans le pays comme un modéré.

Influence en ligne

Les trois hommes étaient très influents sur les réseaux sociaux. Salman al-Odah était suivi par plus de 14 millions de personnes sur Twitter. Ali al-Omari était lui très suivi par les jeunes sur le réseau social Snapchat. C’était principalement sur ces canaux de communication qu’ils exprimaient leurs idées, jugées comme progressistes. Leur arrestation a d’ailleurs soulevé une forte mobilisation sur les réseaux. Ainsi, le hashtag « #Freesalmanalodah » a été utilisé à de multiples reprises depuis l’arrestation du clerc en septembre.

Pour François Zimeray, avocat de Salman al-Odah, « il ne s’agit pas d’une exécution mais bien d’un crime et les responsables et ceux qui auront prêté la main à cette entreprise criminelle seront poursuivis sans relâche ».

Arabie saoudite : MBS, le prince autocrate s’est fait de nombreux ennemis

« L’Arabie saoudite utilise la peine de mort pour faire taire toute contestation. C’est un outil de peur. Depuis la montée en puissance de Mohammed ben Salman, le prince héritier, en 2016, la peine de mort prend des proportions inquiétantes, on torture et exécute à tour de bras. Et on ne va pas dans un meilleur sens, 2019 est une année sanglante », juge Anne Denis, responsable de la commission peine de mort chez Amnesty International. Depuis le début de l’année, 104 personnes ont en effet été exécutées en Arabie saoudite, dont 37 en avril. La majorité était des chiites, minoritaires dans le pays, accusés de terrorisme.

« Situation catastrophique »

La position de l’Arabie saoudite sur les droits de l’homme est considérée par les observateurs comme très paradoxale, voir hypocrite. D’un côté, Riyad montre des signes d’ouverture sociétale en autorisant par exemple les femmes à conduire. De l’autre, Mohammed ben Salman se montre très brutal, le meilleur exemple étant la sombre exécution de Jamal Khashoggi, voix critique du régime.

« La soi-disant ouverture saoudienne, ce n’est que de la forme. Rien de plus. La situation dans le pays est catastrophique », s’inquiète Anne Denis.