Derniers mois de sursis pour l’ancien hôtel particulier du Dr Servier, à Neuilly-sur-Seine (92). Après avoir été incendié par les pompiers de Paris en juillet dernier pour y réaliser des exercices, cet ensemble de deux maisons mitoyennes sera démoli dans les mois qui viennent pour laisser place à 35 logements sociaux. Il est vrai que la commune de Neuilly-sur-Seine est régulièrement pointée du doigt parmi les mauvais élèves du logement social. La proportion de HLM y est ridiculement faible et pour cause: le terrain y est particulièrement rare et cher. L’opération qui doit être menée aux 90 et 92 rue Charles Laffitte, non loin de la Fondation LVMH, est à ce titre emblématique. Après le décès du fondateur des laboratoires Servier, en avril 2014, la préfecture des Hauts-de-Seine n’a pas tardé à signaler sa volonté d’exercer son droit de préemption lorsque les héritiers ont voulu céder cet ensemble immobilier situé dans un quartier cossu, à deux pas du bois de Boulogne.

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Crédit Photo : JB Litzler

L’hôtel particulier, situé au n° 92 abritait le domicile de Jacques Servier et un jardin tandis que la maison attenante avait une vocation professionnelle, abritant salles de réunion et de réception pour les laboratoires Servier. Aucun des deux bâtiments n’étant protégé, ils peuvent donc parfaitement être démolis pour laisser la place à un petit immeuble de 5 étages. Dans la mesure où cette préemption était inéluctable, avec un petit arrière-goût de trophée immobilier après les remous de l’affaire Mediator, la commune de Neuilly-sur-Seine a préféré intervenir elle-même pour le compte de la Préfecture.

177.000 euros de frais d’agence

C’est donc la commune qui a déboursé 3,325 millions d’euros pour le premier lot (domicile+jardin) et 2,495 millions pour le second lot, à usage professionnel. Soit un total rondelet de 5,82 millions d’euros pour une parcelle de 884 m² de terrain, ce qui ramène le mètre carré de terrain à 6583 euros. Des données qui sont dorénavant entièrement accessibles au public sans même renseigner son numéro fiscal, depuis la mise en ligne du site Demande de valeur foncière (voir notre capture d’écran ci-dessous). On y constate d’ailleurs qu’une villa voisine (au n°100), vendue elle aussi pour laisser place à un immeuble (privé cette fois mais avec 30% de logements sociaux comme il se doit), a été cédé sensiblement moins cher un an plus tard: 3,546 millions pour une parcelle de 599 m², soit 5920 €/m².

Le montant des transactions consultables en ligne, concerne la parcelle du 92 rue Laffitte et son jardin (en rose) et la parcelle mitoyenne du 90, rue Charles Laffitte (en bleu). Crédit Photo : Capture d'écran Demande de valeur foncière

«Pour tenter de rattraper son retard, la commune est volontariste, assure François Le Stang, adjoint au maire délégué à l’urbanisme. Chaque fois que c’est possible nous intégrons des logements sociaux qui représentent ainsi 70% des constructions récentes. Mais certains programmes sont vraiment coûteux. Avec le budget de cette opération, on aurait pu construire 4,5 fois plus de logements sociaux si on s’était éloigné un peu plus, du côté de Gennevilliers, par exemple.» Selon lui, ce seraient alors 150 logements qui seraient sortis de terre au lieu des 35 attendus à Neuilly. Et comme la préemption est intervenue une fois qu’un acheteur a été trouvé, la commune a dû régler les frais d’agence immobilière. Un chèque de 177.000 euros qui laisse encore un goût amer à François Le Stang.

Un bail à construire de 35 ans

Une fois le terrain acquis par la municipalité, elle s’est mise en quête d’un bailleur social et c’est Sogemac Habitat qui a décroché le marché. Mais cette filiale d’Action Logement ayant fusionné en novembre dernier avec cinq autres cousines pour former Seqens, le projet a pris du retard. L’opération devrait être relancée dès cet été, sur la base d’un bail à construire de 35 ans. Concrètement, la commune confie le terrain pendant 35 ans au bailleur et récupère l’immeuble en pleine propriété au bout de ce laps de temps. Avant cela, la commune devrait récupérer une indemnité de la part du bailleur, de l’ordre de 900.000 euros et va négocier des droits d’attribution pour une petite partie des logements.

Du côté de Seqens, on indique que la démolition qui se ferait au plus tôt vers la fin de l’été devrait coûter autour de 100.000 euros tandis que la construction à proprement parler des 1840 m² de plancher prévus sur le permis de construire devrait revenir à près de 3,3 millions d’euros. Montant sur lequel l’État doit accorder une subvention de 330.000 euros ainsi que 210.000 euros de prêt aidé. Avant de lancer la construction, en fin d’année, les riverains devraient être consultés et de derniers ajustements tranchés. Raison pour laquelle aucun document sur l’aspect du futur immeuble n’a encore été diffusé.