Enfants maltraités : « Occupons-nous de ce qui ne nous regarde pas »

Un médecin ausculte un bébé à l’hôpital. Image d’illustration.

Un médecin ausculte un bébé à l’hôpital. Image d’illustration. FRED DUFOUR / AFP

Entretien  Martine Brousse, présidente de la Voix de l’Enfant, appelle à une prise de conscience sur les violences faites aux enfants. Et préconise la création d’un référentiel national.

« L’Obs » raconte cette semaine dans sa chronique « Un jour au Palais » une nouvelle affaire de bébé secoué. Plusieurs dizaines de cas mortels sont jugées chaque année. Avez-vous une estimation chiffrée du phénomène ?

Chaque semaine en France, en moyenne, un ou deux enfants sont tués, souvent par un membre de leur famille. Il est toujours compliqué d’obtenir des chiffres sur le sujet de la maltraitance. Cette difficulté s’accentue sur les bébés secoués : de plus en plus d’affaires sont effectivement jugées, des affaires aboutissant à des condamnations ou à des acquittements, mais une réflexion doit être menée. Il y a lieu de s’interroger sur les cas dans lesquels sont notés des mauvais traitements récurrents et les cas où un parent, exténué, stressé, secoue l’enfant. Cela peut se produire très vite. Pour nous, encore une fois, cela confirme le fait qu’il faut informer, informer et informer. Secouer un bébé n’est jamais la solution. Il faut le répèter, le faire savoir, dire aux jeunes parents que dès qu’ils sentent qu’ils s’énervent, il est mieux de quitter la pièce et de laisser pleurer l’enfant. Ce que nous voulons dire, c’est que nous manquons de prévention. Il faudrait une semaine de prévention pour les bébés secoués, une autre sur les violences sexuelles…

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Outre cette prévention à destination du grand public à laquelle s’attache votre porte-parole, la comédienne Carole Bouquet, comment peut-on améliorer les dispositifs ?

Un à deux enfants tués chaque semaine, c’est autant que les femmes battues. Il faut se mobiliser pour cette population particulièrement vulnérable. Il faut insister sur la prévention, le repérage et l’évaluation. Nous réclamons notamment l’instauration d’un référentiel national de repérage qui soit à la disposition de tous et soit approuvé par tous. Aujourd’hui, le même référentiel n’est pas le même d’un département à l’autre. L’appréciation de la dangerosité n’est pas la même d’un département à l’autre. [Ce cadre de référence unique pour l’évaluation, déjà proposé par le conseil national de la protection de l’enfance en 2017, consiste à proposer une démarche nationale pour harmoniser l’évaluation des situations des enfants et des jeunes majeurs. Ce cadre de référence d’évaluation devrait être utilisé par les différents conseils départementaux de la même façon, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Concrètement, il s’agit d’utiliser les mêmes critères d’évaluation d’un enfant : son état médical, son cadre éducatif, la possibilité ou non de s’appuyer sur le cadre familial, évaluer les dangers… NDLR] Cela induit que, dans certains cas, on maintienne encore l’enfant en danger dans sa famille tout en assurant un suivi de cette famille et que dans d’autres cas, on prenne en charge l’enfant, suivant la loi de mars 2016, et qu’on suive ensuite la famille. Il faut encore beaucoup travailler pour instaurer une véritable politique de prévention des mauvais traitements et des négligences.

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Pourquoi le secret demeure t-il si fort, sur cette question, dans les familles et dans la société ? Est-ce culturel ?

La tradition voudrait que l’on lave son linge sale en famille. Mais ce dicton est cruel par rapport aux situations que nous constatons. Nous devons tous porter assistance aux enfants qui sont des êtres vulnérables qu’il convient de protéger. Nos politiques sont encore liées au droit du sang. Trop de magistrats veulent maintenir les liens de sang, y compris lorsque l’enfant est en danger. Cela a comme conséquence que les liens de sang et les droits de la famille priment sur la mise à l’abri et la protection d’un enfant en danger. Nous intervenons dès que nous avons la conviction que l’intérêt de l’enfant est en jeu.

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« Enfants maltraités, occupons-nous de ce qui ne nous regarde pas », Carole Bouquet et Martine Brousse, Cherche Midi

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