Pourquoi il est très important de parler de pornographie à vos enfants

Les enfants sont tôt ou tard exposés à des images pornos. Il est important qu’un adulte leur explique pour qu’elles ne deviennent pas un vecteur de construction de leur sexualité.

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Axelle Truquet Publié le 02/06/2019 à 09:56, mis à jour le 02/06/2019 à 09:57
En moyenne, un enfant voit un contenu pornographique pour la première fois à... 11 ans. Il faut lui expliquer que ce n’est pas le reflet de la réalité. Image d’illustration Patrick James / BEP/La Voix du Nord

Le porno représente... 30% du trafic global sur Internet. Le mot le plus tapé dans les moteurs de recherche est "sex" / "sexe". Dans un monde ultra-connecté comme le nôtre, il ne faut pas se voiler la face : les enfants seront à un moment ou un autre exposés à la pornographie.

En moyenne, ils ont 11 ans la première fois qu’ils voient de telles images. Et à la fin du collège, les statistiques disent qu’ils ont tous déjà vu des vidéos parfois très crues voire ultra-violentes.

De quoi dérouter les parents qui s’interrogent légitimement sur la manière de protéger leurs chères têtes blondes. Car tout l’enjeu est d’éviter qu’ils ne soient traumatisés et que cela n’influence leurs comportements sexuels.

Sandra Guiadeur, sexologue toulonnaise, connaît bien cette problématique. D’emblée, elle se veut rassurante - et lucide -: "quoique fassent les parents, les jeunes finiront toujours par voir des contenus pornographiques. Les ados ont des smartphones, des tablettes... bref, des outils leur permettant de chercher ce qu’ils veulent sur Internet. Toutefois, s’il y a une bonne communication au sein de la famille, ça ne devrait pas poser de problème."

Elle développe: "si le dialogue entre les générations est facile, si on a l’habitude de parler d’amour, des rapports aux autres, l’enfant ou l’ado va garder cette habitude. Et le jour où il sera confronté au porno, qu’il sera probablement choqué, il saura qu’il peut en parler avec des adultes. Pour ceux qui vivent dans une atmosphère de bienveillance, le fait d’avoir vu des vidéos pornographiques ne va pas créer de comportement problématique car ils pourront en parler si besoin et sauront faire la part des choses."

Construire la sexualité

On l’a bien compris, le danger concerne surtout ceux chez qui il n’y a pas ou peu de dialogue, ceux chez qui le corps et la sexualité sont tabous, ceux chez qui les règles ne sont pas claires…

"S’il n’y a pas de discussion possible, l’ado n’aura que le recours à la pornographie pour construire son éducation sexuelle ; elle va devenir un vecteur d’images de construction de la sexualité. Or on le sait : ces films ne représentent pas ce qu’il se passe dans la réalité." 

Le jeune risque donc de se méprendre et d’adopter des comportements à risque (sans préservatif, sans contraception, avec des drogues...) ou encore d’accepter de faire des choses dont il n’a pas envie, parce que "c’est ce qu’ils font dans les films".

"Il est indispensable qu’il y ait un adulte de référence vers qui l’ado peut se tourner pour parler, poser des questions. Le porno représente une vision caricaturale, performative et masculine de la sexualité. Cela peut donc induire des troubles et des difficultés dans les relations sociales et amoureuses.

Il faut que quelqu’un lui explique tout cela."

Masturbation compulsive

Sandra Guiadeur reçoit régulièrement des jeunes complètement perdus. "Ils sont pour ainsi dire bloqués dans les clichés: ils pensent que le garçon doit avoir un gros pénis, maintenir une érection pendant trente minutes, faire crier sa partenaire, sans parler des étapes dites obligatoires: fellation, levrette, éjaculation… Ils pensent qu’ils doivent se comporter conformément à ce qu’ils voient dans ces vidéos. Certains tombent dans la masturbation compulsive, voire sont incapables de passer à l’acte dans la vraie vie. Ceux-là, devenus accros au porno, ont besoin en quelque sorte de se sevrer, de refaire marcher leur imaginaire ne serait-ce que pour réussir à se masturber sans pornographie."

Les filles, de leur côté, s’exposent au risque de la comparaison. Dans les vidéos, il y a une esthétique du corps, des positions. Certaines ne se sentent, de ce fait, pas à la hauteur. Se trouvent trop petites, trop grosses, trop poilues ou carrément complexent sur… leur vulve!

"L’adulte, que ce soit un parent, une infirmière scolaire, un professionnel…, va aider à l’adolescent à comprendre que le porno, ce n’est qu’une vision très déformée de la réalité, analyse Sandra Guiadeur. On peut engager la discussion simplement en disant 'j’ai vu des vidéos, que je trouve très violentes. Elles m’ont choqué. C’est vraiment too much! En as-tu déjà regardé? Qu’est-ce que tu en as pensé?' C’est une manière de dédramatiser - on ne condamne pas l’ado parce qu’il a vu du porno - et de l’accompagner dans sa réflexion. Ceci autant avec son fils que sa fille. Car on a tendance à protéger les filles et peut-être moins les garçons. Or eux aussi doivent faire attention!"

Quant à interdire à son ado de regarder des pornos, c’est peine perdue.

"D’une part ça ne fonctionne pas. D’autre part, l’interdit produit de la prise de risque." Et la sexologue de conclure: "les études montrent que c’est dans les familles où l’on parle de sexualité que les jeunes passent à l’acte le plus tardivement."

Pas de stress donc, simplement essayez d’engager le dialogue ou faites comprendre que la porte est ouverte.

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