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Le pape « demande pardon » aux Roms pour les « discriminations » commises par l’Eglise

Pour la dernière étape de son voyage de trois jours en Roumanie, il a tenu à rencontrer des membres de la minorité rom.

Par  (Blaj, Sumuleu Ciuc (Roumanie) - envoyée spéciale)

Publié le 02 juin 2019 à 16h21, modifié le 03 juin 2019 à 11h21

Temps de Lecture 4 min.

Le pape en Roumanie le 2 juin avec des membres de la communauté rom.

Avant de quitter la Roumanie, où il venait de passer trois jours, le pape François s’est rendu dans une petite paroisse gréco-catholique fraîchement inaugurée à Blaj, en Transylvanie, dimanche 2 juin. Plusieurs centaines de personnes du quartier rom se sont pressées pour le saluer. Aux abords de l’église, une plaque encore provisoire évoque un « acte de réparation en mémoire de l’extermination ». « Dans chaque pays, il y a du racisme. Quand nous sortons, tout le monde dit : “Ce sont des Roms !” Tout le monde vous regarde. Je n’aime pas ça. Je suis fier d’être rom », explique Razaila Vasile Dorin, un jeune garçon pratiquant de 16 ans

Devant eux, François a procédé à une reconnaissance sans précédent de la responsabilité de catholiques dans les « discriminations » dont ont été et sont encore victimes les Roms. « L’histoire nous dit que même les chrétiens, même les catholiques, ne sont pas étrangers à tant de mal. Je voudrais demander pardon pour cela. Je demande pardon – au nom de l’Eglise, au Seigneur et à vous – pour les fois où, au cours de l’histoire, nous vous avons discriminés, maltraités ou regardés de travers, avec le regard de Caïn et non pas celui d’Abel, et où nous n’avons pas été capables de vous reconnaître, de vous valoriser, et de vous défendre dans votre singularité. »

Pédagogie

La défense du droit à la « singularité » exprimée lors de cet ultime rendez-vous résume assez bien le cœur du message que le pontife argentin était venu transmettre en Roumanie, et qui s’adressait à tous les Européens. Dans l’avion qui le ramenait à Rome, dimanche soir, il a pressé les Européens de se ressaisir.

« L’Europe a perdu le plaisir de travailler ensemble. On peut se poser la question : ne serait-ce pas là la fin d’une aventure de soixante ans ? », a-t-il interrogé, en conjurant de retrouver « la mystique des pères fondateurs » : « S’il vous plaît, que l’Europe ne se laisse pas vaincre par le pessimisme ou par les idéologies ! L’Europe est attaquée non pas par des canons ou des bombes en ce moment, mais par des idéologies, des idéologies qui ne sont pas européennes, qui viennent d’ailleurs, ou qui naissent dans de petits groupes. Pensez à l’Europe divisée de 1914, de 1932-33 à 1939… Ne revenons pas à cela, s’il vous plaît ! »

Sur place, pendant trois jours, le pape François a fait de la pédagogie auprès de communautés religieuses chrétiennes présentes en Roumanie mais aussi dans des pays voisins et dont les relations ne sont pas toujours simples : aux orthodoxes à Bucarest vendredi, aux catholiques samedi et plus spécialement aux gréco-catholiques à Blaj dimanche. Il a exhorté les uns et les autres à ne pas se recroqueviller sur eux-mêmes mais, au contraire, en dépit des rancœurs nées d’une histoire souvent conflictuelle, à faire communauté, tout singuliers qu’ils soient. La communauté politique doit aussi intégrer cette diversité, a plaidé le pape. Et la religion ne doit pas se laisser instrumentaliser par des courants prônant la fermeture, l’entre-soi et la rivalité.

Dimanche matin, il a pris pour contre-exemple absolu le traitement infligé par le régime communiste à l’Eglise gréco-catholique, une Eglise issue de l’orthodoxie au XVIIe siècle pour se rattacher à Rome. Sept évêques gréco-catholiques morts en prison pour avoir refusé de retourner dans le giron de l’orthodoxie, comme l’exigeait le régime communiste, ont été béatifiés à Blaj. « Ces terres connaissent bien la souffrance des gens lorsque le poids de l’idéologie ou d’un régime est plus fort que la vie et supplante même la vie et la foi des personnes comme norme ; lorsque la capacité de décision, la liberté et l’espace de créativité se voient réduits, voire éliminés », a dit François dans son homélie. En contrepoint, il a valorisé « l’unité de votre peuple qui s’est réalisée dans la diversité des expressions religieuses ».

Vicissitudes

La veille, il avait tenu le même discours aux catholiques qui avaient convergé au sanctuaire marial de Sumuleu Ciuc, en Transylvanie, édifié sur un lieu qui rappelle à la fois une victoire contre les Ottomans et le refus des habitants de la région de se convertir à la Réforme. Dans ce sanctuaire à forte charge identitaire, fréquenté et chéri par la minorité hongroise de Roumanie (1,2 million de personnes) et par des catholiques de Hongrie, le pape François a appelé à la « coexistence fraternelle » des religions et des cultures nationales.

Devant ces pèlerins dont certains nourrissent le sentiment d’être une minorité (6,5 % de la population) brimée en Roumanie, le pontife a vanté « un peuple dont les mille visages, cultures, langues et traditions sont la richesse ». « Les vicissitudes complexes et tristes du passé (…) ne peuvent pas constituer un obstacle ou un argument pour empêcher une coexistence fraternelle », a-t-il dit.

Après avoir envisagé de venir, le premier ministre hongrois, Viktor Orban, n’avait finalement pas fait le déplacement. Le Vatican avait prévenu qu’il ne pourrait pas compter sur une rencontre avec le pape.Le pape a été accueilli par des milliers de personnes dans le quartier de Barbu Lautaru, construit autour d’une rue étroite aux petites maisons serrées les unes contre les autres.

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