Impôt sur les sociétés : 2,4 Mds€ passés à la trappe

C’est un trou qui n’était pas prévu dans les comptes de 2018. À cause de contentieux perdus, l’Etat a dû creuser encore un peu plus son déficit.

 Pourquoi l’Etat perd-il tous ses contentieux avec les sociétés ? À Bercy, on pointe « une baisse des moyens synonyme de désorganisation ».
Pourquoi l’Etat perd-il tous ses contentieux avec les sociétés ? À Bercy, on pointe « une baisse des moyens synonyme de désorganisation ». LP/Olivier Boitet

    À l'heure où Edouard Philippe s'arrache les cheveux pour financer les 5 milliards d'euros (Mds€) de baisses d'impôts promises, les calculs des députés concernant le budget 2018 de l'Etat risquent de lui donner des sueurs froides… Au mois de juin, les parlementaires font en effet les comptes en votant la loi de règlement, qui arrête le montant des dépenses et des recettes de l'Etat.

    Le hic ? Les résultats définitifs 2018 comportent une sérieuse ombre au tableau : 2,4 Mds€ d'impôts sur les sociétés (IS) non perçus ou remboursés, qui viennent plomber le budget de la nation. C'est le résultat de bras de fer fiscaux perdus avec des entreprises. Une grosse tache sur la copie rendue. Pire : la punition pourrait être la même en 2019, voire plus sévère encore…

    Christine Pires Beaune, députée PS et membre de la commission des Finances, s'est plongée dans les chiffres. « C'est la deuxième année que d'importantes annulations exceptionnelles d'IS sont enregistrées. » Le Trésor public n'a d'autre solution que de payer, même lorsqu'il n'a pas les sous. Ces 2,4 milliards passés à la trappe ont donc creusé un peu plus le déficit de l'Etat en 2018.

    À défaut d'avoir toutes les réponses, Christine Pires Beaune pose des questions : « Pourquoi l'Etat perd-il ses contentieux ? Les effectifs du service juridique de la fiscalité sont-ils suffisamment dimensionnés ? » Vincent Drezet, secrétaire national du syndicat Solidaires-Finances ­publiques, pointe du doigt « une baisse des moyens synonyme de désorganisation ». « Entre 2013 et 2018, les pôles spécialisés dans l'IS des entreprises ont perdu 400 emplois », déplore-t-il.

    D'autres épées de Damoclès au-dessus de la tête

    Et une chose est sûre : l'administration a enregistré, ces dernières années, des revers significatifs dans ses contentieux avec les entreprises. Par exemple, le fisc tricolore souhaitait imposer à Google un redressement fiscal de 1,115 Md€. Mais, le 25 avril, la justice française a confirmé en appel l'annulation de cette mesure.

    Et il y a plus inquiétant ! D'autres épées de Damoclès restent au-dessus des caisses publiques, comme les contentieux dits Accor ou Messer, du nom d'une entreprise qui réclame le remboursement de taxes entre 2005 et 2009 et qui a entraîné le dépôt de milliers de recours. « La justice européenne a récemment donné raison aux requérants, détaille le député Romain Grau (LREM), de la commission des Finances. Le volume maximal que ceux-ci pourraient obtenir fait peur : plusieurs milliards d'euros ! »

    Cette nouvelle facture que l'Etat va devoir régler est une mauvaise nouvelle à l'heure où Matignon s'apprête à envoyer les lettres de cadrage, qui marquent le coup d'envoi des discussions budgétaires. « C'est sûr, certains vont devoir faire des efforts, martèle un proche d'Edouard Philippe. Les priorités sont la sécurité (NDLR : ministères de l'Intérieur et de la Défense), l'enseignement et l'écologie. » Dit autrement, seuls ces ministères devraient parvenir à desserrer (un peu) l'étau des économies.