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Vie de bureau

Reconversion : ces quadras en quête de sens qui recommencent à zéro

Les quadras connaissent toutes les formes de la "crise de milieu de vie": burn-out, bore-out et brown-out. Autant de raisons de se remettre en question et de concrétiser son envie d’ailleurs.

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Des passants dans le quartier de La Défense. Photo d'illustration Cadre / salarié / Rémunération / Paris

La crise de milieu de vie, qui dans la sphère intime fait souvent exploser les couples, provoque aussi du désamour professionnel.

LIONEL BONAVENTURE / AFP

Puis soudain, son visage s’est figé. Paralysée faciale, Anne a passé une semaine en soins intensifs. Au fil des examens médicaux, les pires pathologies sont évacuées, ni AVC, ni sclérose en plaques. Rien de clairement identifié jusqu’à ce qu’un dentiste pose le bon diagnostic: "Vous avez tellement serré les dents que votre mâchoire a bloqué votre visage." Quelques mois auparavant, cette cadre dirigeante d’un groupe de grande consommation avait accepté un nouveau poste. "Je savais que ce n’était pas fait pour moi, je l’ai même dit à ma cheffe, je n’y croyais plus, se souvient Anne. Mais voilà: cela ne se refusait pas!" Cas typique de quadra en "brown-out", ce nouveau mal-être au travail qui s’ajoute au fameux "burn-out" de ceux qui s’épuisent à la tâche, et au plus récent "bore-out" de ceux qui s’y ennuient mortellement. Cette fois, c’est l’inanité du travail à accomplir qui dévitalise.

La finance, l’informatique sont particulièrement propices. La crise de milieu de vie, qui dans la sphère intime fait souvent exploser les couples, provoque aussi du désamour professionnel. Un récent sondage Gallup est effarant: 94% des salariés français ne se sentent pas engagés dans leur travail. Ce n’est pas le petit mal-être de quelques-uns! Nathalie Meunier, consultante en développement personnel à l’Apec, résume: "A 40 ans, le curseur des valeurs au travail n’est plus au même endroit." Recherche d’utilité collective ou quête de sens agrémentent la poursuite, plus classique, d’un meilleur équilibre vie privée-vie professionnelle. "Ce qui est nouveau, c’est qu’on a désormais des enseignants-chercheurs ou des médecins qui traversent cette crise et souhaitent se reconvertir." Autrement dit, des gens dont le métier d’origine répondait à une vocation. "Dans ces cas-là, ce sont les conditions de travail dégradées qui déclenchent la réflexion."

"Nul besoin d’être radical"

Anne-Pascale Pagezy en charge des programmes à Switch Collective, agence spécialisée dans l'accompagnement des transitions professionnelles, raconte: "Quand ils arrivent chez nous, souvent ils sont au bout du rouleau et veulent tout quitter. Notre premier conseil absolument essentiel est donc: surtout ne faites rien!" A 40 ans, on a encore des responsabilités familiales, des emprunts sur le dos, des contraintes à ne pas négliger. "Il ne faut surtout pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Nul besoin d’être radical pour changer sa vie." Elle se souvient de cette jeune femme qui dépérissait chez LVMH et a ressuscité en passant chez Kering pour y faire, pourtant, exactement le même job!

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Rien ne sert de fantasmer un ailleurs aux antipodes, idéalisé. Nathalie Meunier le dit cash: "Attention aux modes. Permaculture, métiers de bouche, chambres d’hôte ou ONG… Il faut absolument confronter le rêve à la réalité." Car ce n’est pas parce que vous bossez chez WWF que les collègues y sont tous de gentils pandas! Quand Ludovic a quitté sa grosse boîte de conseil pour le monde merveilleux de la start-up, il a déchanté. Et craqué pour de bon. "Il est impératif de rencontrer des gens qui exercent le métier rêvé ou travaillent dans l’entreprise ciblée", ajoute l’experte de l’Apec. "Et d'élargir son entourage, car les plus proches ne sont pas forcément les meilleurs conseillers", raconte encore Anne qui, désormais alignée avec ses valeurs, s’est aperçue qu’elle avait mené sa carrière d’abord pour faire plaisir à ses parents.

Sortir de l’image excessivement négative du poste occupé, aveuglément positive du job espéré et, enfin, arrêter de se mentir. Pendant cinq ans, Alexandra a travaillé au marketing de British American Tobacco. Cinq ans à se persuader que cela ne lui posait aucun problème éthique et puis, soudain, elle a basculé. Importatrice de bijoux fabriqués au Burkina Faso, elle a créé sa marque, Kerra. Depuis, elle respire beaucoup mieux.

Le professorat attire de plus en plus de cadres

Ils sont de plus en plus nombreux à se reconvertir en tentant les concours de l’Education nationale. Surtout: 730 candidats ont été admis au troisième concours (réservé aux salariés du privé justifiant de huit ans d’expérience) pour devenir professeur des écoles, au primaire, en 2018, soit près de 7% de l’ensemble des admis, contre 5% en 2016. Moitié moins dans le second degré, mais le flux augmente aussi. Comme ces ex-financiers qui, fortune faite, se muent en prof de maths, dont collèges et lycées manquent cruellement. La reconversion est exigeante, et pour se faire accepter dans la salle des profs, le mieux est encore de passer l’agrégation. Les bons points: sécurité de l’emploi, vacances scolaires et une mission bourrée de sens, la transmission des savoirs. Les désillusions? Le salaire très bas, malgré les promesses de Jean-Michel Blanquer d’une bonification au titre de l’ancienneté des reconvertis. Et un métier bien plus solitaire qu’il n’y paraît.

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