CHINE - Le 15 avril 1989, la mort de l’ancien secrétaire général du Parti communiste chinois Hu Yaobang déclenchait des manifestations populaires dans les rues de Chine. Dans les semaines qui suivirent, la répression fit des milliers de morts, jusqu’au massacre de la place Tiananmen du 4 juin.
Trente ans plus tard, le dissident et poète Liao Yiwu a recueilli les témoignages d’une dizaine de ceux que le pouvoir qualifie de “contre-révolutionnaires”, qu’il publie dans son livre Des balles et de l’opium, comme il nous le raconte dans une interview vidéo à voir en tête d’article.
Tous ceux qu’il fait parler ont participé de près, mais le plus souvent de loin, aux événements survenus à Pékin et ailleurs au printemps 1989. Ils évoquent sans ambages les faits qui leur ont valu d’être arrêtés et condamnés, puis décrivent les mois ou les années d’emprisonnement qu’ils ont vécu au “laogai”, équivalent chinois du goulag russe.
Les témoins oubliés de Tiananmen
“Je les considère comme de véritables héros des manifestations de la place Tiananmen”, raconte Liao Yiwu, qui regrette que l’histoire n’ait retenu que l’image de Wang Wei Lin, cet étudiant chinois qui s’est tenu face aux chars. “Ceux que j’ai rencontrés ont essayé, eux aussi, de retenir les tanks pour qu’ils n’écrasent pas les étudiants de la place. Mais aujourd’hui ils sont oubliés. Et on ne sait toujours pas combien il y a eu de morts ou combien ont été emprisonnés.”
Comme ces témoins, Liao Yiwu a lui-même été condamné pour “crime contre-révolutionnaire” pour avoir raconté dans le poème “Le Grand massacre” les événements qui se sont déroulés sur la place Tiananmen il y a bientôt 30 ans. Après quatre ans en prison et des années de surveillance, le poète a fui la censure et s’est exilé en Allemagne. Depuis, il n’a de cesse de raconter cette page sombre de l’histoire chinoise.
“Au moment où j’ai fait ces interviews (au début des années 2000, ndlr) je ne savais même pas qui pourrait lire tout ça. Mais c’est mon destin de raconter ces trajectoires épouvantables”, poursuit-il pour Le HuffPost. “Je ne cherche pas les honneurs ou les prix littéraires, je cherche les témoins. Une fois que j’entends leurs histoires, ce qui me fait le plus peur, c’est qu’ils aient vécu tout ça et que personne ne soit jamais informé de leur rôle dans l’Histoire.”
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