Chine. Une surveillance de tous les instants

Les chars ont laissé la place à un système plus discret mais aussi efficace pour le régime chinois : des milliers de caméras. L’arsenal de surveillance compte aussi des logiciels de reconnaissance faciale et vocale.

Chine. Une surveillance de tous les instants
(Photo EPA)

Braquées sur l’immense esplanade du cœur de Pékin, des caméras surveillent les touristes venus des quatre coins de la Chine et du monde pour admirer le portrait géant de Mao Tsé-toung, le fondateur de la République populaire. Ces caméras (*) accrochées aux réverbères sont la face visible de l’arsenal technologique à la disposition du Parti communiste chinois pour empêcher une répétition du mouvement de 1989. En effet, du nord au sud du pays, de petits postes de police destinés à prévenir la criminalité… et le moindre trouble à l’ordre public, ont poussé comme des champignons ces dix dernières années.

L’obsession du régime pour l’intelligence artificielle et la reconnaissance faciale a ajouté une couche de sophistication à ce réseau de surveillance complexe. Il permet à la police de frapper à la porte de tout fauteur de trouble présumé, confient plusieurs dissidents. Le nouvel arsenal de l’État policier comprend des logiciels de reconnaissance vocale, pour identifier les personnes au téléphone, et un vaste programme de collecte d’échantillons d’ADN.

D’autres estiment que l’omniprésence du Parti dans les universités et la réduction des rares « espaces de liberté », comme les librairies indépendantes, compliquent la moindre ébauche de discussion sur d’hypothétiques réformes politiques.


Les étudiants marxistes eux aussi surveillés


« Grâce à l’amélioration des technologies de surveillance, il serait beaucoup plus difficile aujourd’hui d’assister à des manifestations comme celles de Tiananmen en 1989 », observe Patrick Poon, d’Amnesty International.

Il y a bien eu ponctuellement ces dernières années des petites « manifestations spontanées » à travers le pays, lancées par des militants syndicaux, des étudiants ou des familles touchées par des scandales alimentaires ou des vaccins défectueux. Mais même ce type de contestations sporadiques se raréfient, car Pékin s’efforce de les « tuer dans l’œuf » et censure rapidement toute référence sur les réseaux sociaux, explique Patrick Poon.

« Chaque fois que je quitte la ville, je dois en informer la police », témoigne Yi Wenlong, un homme d’affaires originaire de la province du Shanxi (nord) dont la fille souffre d’épilepsie après l’administration d’un vaccin frelaté. « Si nous ne pouvons même pas parler de problèmes concrets comme les vaccins, comment pourrions-nous brandir des banderoles appelant à de plus grands changements ? », remarque-t-il.

Depuis l’arrivée au pouvoir du président Xi Jinping, en 2012, Pékin a fortement réduit l’espace des libertés civiles, s’en prenant à des avocats, des dissidents et même aux étudiants « marxistes » défenseurs des droits des travailleurs.


Bercés par l’enrichissement


Les censeurs du régime ont renforcé leur contrôle des réseaux sociaux, surveillant les échanges de millions d’individus et bloquant tout contenu sensible politiquement - notamment la répression de 1989. À l’approche de la date sensible de ce 4 juin, l’encyclopédie Wikipédia a été bloquée dans toutes les langues !

Avec l’enrichissement phénoménal du pays et une propagande de chaque instant, le régime est surtout parvenu à éradiquer l’envie même de contester, se désole Li Datong, ancien rédacteur en chef du Quotidien de la jeunesse de Pékin, placé sous surveillance l’an dernier après avoir critiqué Xi Jinping.

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« La génération actuelle est égoïste parce qu’elle a été bercée par l’enrichissement de la Chine », juge-t-il. « On ne peut pas (la) comparer aux étudiants des années 80 qui avaient des idéaux ».

* La Chine comptait en 2016 environ 176 millions de caméras de surveillance (contre 50 millions aux États-Unis). D’ici à 2022, ce chiffre devrait atteindre 2,76 milliards de caméras, dans un pays de 1,4 milliard d’habitants soit deux par personne.

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