Héros au quotidien : défenseurs des droits humains en RD Congo
Après plus d’une décennie de conflit où le viol constituait une véritable arme de guerre, la violence sexuelle et l’impunité des coupables continuent de déstabiliser l’est de la République démocratique du Congo.
Des hommes et des femmes travaillent sans relâche à éradiquer ce fléau. Voici quelques-uns d’entre eux.

Roselyne est parajuriste à Kamanyola, au Sud-Kivu. Son travail consiste à aider les victimes de violence sexuelle, à les écouter, les accompagner à l’hôpital et à rédiger les dossiers pour la police. Mais son engagement va bien au-delà:
« Parfois, je dois marcher jusqu’à 25 km pour rencontrer une survivante, ou bien payer son transport. Aujourd’hui, j’accompagne 5 victimes qui viennent témoigner au tribunal itinérant de Walungu [appuyé par le PNUD]. Nous sommes tous heureux que justice soit faite et que les auteurs soient punis. Je souhaiterais juste qu’ils soient incarcérés loin d’ici, car je me sens parfois en danger quand j’entends qu’il y a eu des évasions. Tout le monde dans ma communauté sait que j’aide les survivantes et les héberge en attendant le procès des coupables ou parce que leur famille les rejette.”
Le Barreau du Sud Kivu est.
L’appui du PNUD porte sur le renforcement des capacités des avocats en termes de formations, de dotation en équipement mobiliers et informatiques ainsi qu’en documentations utiles pour le travail des avocats.
Norbert est Bâtonnier au Barreau du Sud Kivu, partenaire du PNUD pour l’assistance judiciaire aux indigents via son Bureau de Consultations Gratuites. Norbert travaille actuellement sur le procès de Kavumu, où les inculpés sont accusés de crimes contre l’humanité pour le viol de 46 mineurs et la possession d’armes de guerre.

Au travers de votre travail, comment contribuez-vous à la lutte contre la violence domestique et la violence sexuelle ?
Le barreau du Sud-Kivu joue un rôle important dans la garantie d’un procès équitable. Il est intervenu en faveur des victimes en leur confiant des avocats pro bono et a également fourni des avocats aux accusés.
Notre bureau de consultations gratuites est ouvert trois fois par semaine pour accueillir les plus démunis ayant besoin d’une aide juridique et judiciaire. Nous travaillons également en partenariat avec le PNUD sur le projet Tupinge Ubakaji. Une audience publique a été organisée à Luvungi et une autre à Walungu sur les questions de violence sexuelle et sexiste. Plusieurs avocats se sont engagés à aider les victimes.

Que faites-vous pour changer les perceptions et les attitudes face à la violence contre les femmes?
Ma motivation est avant tout personnelle : je suis père de neuf enfants, dont sept filles. Je ne pourrais pas supporter qu’une de mes filles soit victime de violence sexuelle.
L’analphabétisme et l’extrême pauvreté rendent les femmes plus vulnérables à ce type de violence. C’est intolérable. Il est de notre devoir, en tant qu’avocats, de sensibiliser au code de la famille et aux lois existantes sur le viol et la violence sexuelle. Nous devons faire comprendre et respecter les lois qui mettent un terme aux traditions et coutumes arriérées, comme les mariages de mineurs par exemple.
Ce qui doit aussi changer, c’est le manque de considération pour les femmes qui font tout le travail au niveau de la famille.
Joseph Nganiza est expert pour la justice transitionnelle au PNUD. Il travaille à Bukavu et participe sur divers projets d’accès à la justice, notamment ceux liés à la violence sexuelle.

La contribution des femmes est considérable dans la société congolaise. Si violence est faite aux femmes, elle est faite aux hommes, à la société, à la nation et au développement en général.
Dans votre travail de juriste, comment aidez-vous à lutter contre la violence domestique et la violence sexuelle ?
J’ai embrassé la carrière d’avocat parce que je pense que seule la justice élève une nation. La justice intervient dans tous les aspects de la vie. La justice n’a pas de sexe. Si nous restaurons la justice, nous restaurons le développement, nous restaurons la dignité de l’homme.
Que faites-vous pour changer les perceptions et les attitudes face à la violence contre les femmes?
Je suis un leader dans ma communauté religieuse et j’essaie de parler en faveur de l’égalité des chances pour les hommes et les femmes. J’essaie d’inculquer ce principe dans ma propre famille et au travail.
D’ailleurs, il y a peu de femmes dans les juridictions en RDC. Lorsque nous donnons une formation à 60 magistrats, il n’y a que 2 ou 3 femmes et nous devons beaucoup négocier pour qu’elles soient là. Nos actions doivent être beaucoup plus orientées pour renforcer les institutions et les lois et mieux intégrer les femmes dans le domaine de la justice.
Comment restaurer la confiance des victimes dans les communautés?
Mettre en œuvre et appliquer les décisions de justice. Actuellement, c’est seulement la servitude pénale qui est exécutée, il n’y a pas encore de compensation financière accordée aux victimes. Si cela devient une réalité, cela restaurera la confiance dans nos efforts et permettra aux victimes de retrouver une image positive.

Interviews et photos: Aude Rossignol / PNUD RDC
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