PROSTITUTION - Les mineurs filles ou garçons victimes de la prostitution sont de plus en plus nombreux. Ils représentaient 15% des victimes en 2017. C’est ce qui ressort du dernier rapport de la Fondation Scelles, un observatoire mondial de la prostitution, rendu public mardi 4 juin.
Le rapport précise: “La même année, la Brigade de Protection des Mineurs (BPM) a enquêté sur 90 dossiers de “prostitution volontaire”, représentant 150 victimes mineures”. En comparaison, en 2014, les dossiers ne concernaient que 20 victimes mineures.
Une nouvelle forme d’exploitation
Cet observatoire international a noté l’émergence tout à fait récente en France d’une nouvelle forme d’exploitation: les “loverboys”, qui s’inscrit dans la traite des filles mineures.
Le phénomène a d’abord été repéré aux Pays-Bas, et s’est installé en Allemagne. Aujourd’hui, il s’ancre en France. Les “loverboys” sont des hommes jeunes, la vingtaine en général. Ils séduisent des filles encore plus jeunes, généralement mineures. Ils créent l’illusion d’une histoire d’amour. Ils fixent une situation de dépendance affective et financière. Et finissent par les prostituer. Cette phase s’accompagne souvent de violences physiques.
À la sortie du collège
“Plusieurs affaires de ce type ont été jugées en 2017 et 2018, rappelle le rapport. On peut citer le procès, particulièrement exemplaire, qui s’est tenu à Paris en mai 2018: 12 jeunes hommes, âgés d’à peine 20 ans, étaient accusés d’avoir prostitué 14 jeunes filles, dont 8 mineures. Les victimes étaient recrutées via les réseaux sociaux (Instagram en particulier) ou à la sortie du collège ou du lycée.”
“On leur promettait de gagner très vite beaucoup d’argent. Les jeunes filles étaient testées pour leurs “performances sexuelles”, photographiées en tenues légères pour des annonces en ligne, avant d’être prostituées dans des hôtels ou des appartements via Airbnb. Les proxénètes leur fournissaient un téléphone portable et des préservatifs et se tenaient aux abords de la chambre
pour récupérer le montant de la passe.”
Fort développement des proxénètes de cité
Le phénomène est connu en France, mais il s’accentue fortement. On est passé de 21 affaires en 2015 à 84 en 2017, d’après le rapport de la Fondation Scelles. Les méthodes de ces proxénètes sont assez identiques à celles des “loverboys”. Cette forme de prostitution concernerait 14% des victimes identifiées en France. “Victimes qui ont toutes le même profil : des jeunes filles souvent mineures, en fugue ou en rébellion contre leurs parents.”
Dans le rapport, Yves Charpenel, président de la Fondation Scelles et Premier Avocat général à la Cour de cassation, souligne: “La prostitution de cité est en pleine recrudescence, elle représente autour de 20% de la traite humaine en France. (...) Cela passe par Internet et se déroule à l’abri des regards. Les filles sont prostituées dans des appartements, des chambres d’hôtel. C’est aussi le règne de la terreur, de l’omerta, les victimes ne portent généralement pas plainte. Pas besoin de faire venir des “filles” d’Afrique ou d’Amérique du Sud, la matière première est sur place dans la cité, à portée de main. On est dans le franco-français.”
Deux tiers de la prostitution sur Internet
Whatsapp, Tinder, Facebook, Instagram, Snapchat, Airbnb...: rares sont les applications, réseaux sociaux ou messageries instantanées à ne pas avoir été “détournées de leur destination à des fins de prostitution”, analyse l’AFP à la lecture de l’étude.
La “prostitution 2.0” a depuis quelques années supplanté la prostitution classique, sur la voie publique. En France, elle représenterait “deux tiers de la prostitution”, selon le rapport.
La Fondation Scelles, qui mentionne une note du ministère français de l’Intérieur datée de mai 2018, souligne que “pour la première fois en 2017, le pourcentage de victimes identifiées exerçant sur la voie publique était inférieur à celui des victimes exerçant “en prostitution logée”, en appartements ou en hôtels.
Internet a “mangé la prostitution de rue” qui ne concerne plus qu’une frange marginale, abonde Yves Charpenel. Le magistrat dénonce le niveau “industriel et sans risque” de l’exploitation sexuelle en ligne, qui permet aux proxénètes d’”éviter les risques personnels” en se tenant ”à distance du trafic”.
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