Sur la plaquette de grès qui mesure 25 cm sur 18,  figure un cheval et quatre autres herbivores.

Sur la plaquette de grès qui mesure 25 cm sur 18, figure un cheval et quatre autres herbivores.

© 2008 Denis Gliksman

Angoulême se présentait comme la capitale mondiale de la Bande dessinée, elle peut se targuer désormais d'en être la capitale historique ! Une équipe d'archéologues de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) qui fouillait sur le chantier du quartier de la gare a annoncé avoir fait une découverte inédite : une plaquette en pierre préhistorique vieille de près de 12 000 ans sur laquelle figure une superposition de quatre herbivores. "Nous avons travaillé sur ce site d'environ 6 000 mètres carrés entre avril et fin novembre 2018. Trois jours avant la fin du chantier, nous sommes tombés par hasard sur ce bloc de grès de 25 centimètres sur 18, raconte Miguel Biard, le responsable scientifique. Après l'avoir nettoyé, nous avons vu une magnifique silhouette gravée d'un cheval, puis celle plus gracile encore d'un cerf, puis une troisième vraisemblablement d'un aurochs et une dernière d'un autre équidé."

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Une parfaite maîtrise de l'art figuratif

Au-delà de l'esthétique qui montre que les hommes préhistoriques d'Angoulême avaient une parfaite maîtrise de l'anatomie et du dessin, cette découverte est exceptionnelle parce qu'emblématique d'un art figuratif que les spécialistes croyaient disparu en cette fin de Paléolithique. Le site était une sorte de halte de chasse qui a été utilisée sans discontinuité durant quatre millénaires - de l'Azilien il y a 12 000 ans au Mésolithique il y a 8 000 ans. "La fin du Paléolithique correspond à un passage d'un climat froid à un climat plus tempéré avec un changement de flore et de faune (le renne, par exemple, cède la place au cerf), une évolution des sociétés de chasseurs-cueilleurs et donc des pratiques artistiques", poursuit le chercheur de l'Inrap. Alors que le dessin évolue vers un art symbolique, la plaquette d'Angoulême montre que le figuratif n'est pas abandonné.

les dessins sur la face principale

La finesse du trait révèle l'incroyable talent des artistes de la fin du Paléolithique

© / © 2008 Denis Gliksman

"Cela nous amène à réviser nos canons de l'art préhistorique" résume Valérie Feruglio, du laboratoire PACEA (De la Préhistoire à l'actuel : culture, environnement et anthropologie), une unité mixte CNRS-Université de Bordeaux-ministère de la Culture. Cette spécialiste a scruté les images numériques de la pierre et l'a comparée avec ce que l'on connaissait de l'Azilien. Avant de constater : "Elle n'a pas d'équivalent. La finesse de la gravure est remarquable notamment sur la plus belle représentation de cheval et il y a une surprenante tentative de mise en perspective en 2D où les quatre jambes sont vues de trois-quarts et le corps de profil."

Un chantier de fouilles très riche

Au terme de la campagne de fouilles, le site de la gare s'est révélé incroyablement riche. Il a livré quelque 200 000 artefacts, témoignages bien conservés d'un outillage domestique (grattoirs, couteaux) pour débiter et exploiter la peau et la viande, d'armes (pointes de projectiles), de restes osseux et un poste de taille de silex. "La Charente est un véritable magasin pour les hommes préhistoriques, conclut avec passion Miguel Biard. Nous avons encore des mois de travail avant de publier le résultat exhaustif de nos recherches." Angoulême n'a pas fini de faire parler d'elle.

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