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Sommeil

Rêves : les narcoleptiques seraient particulièrement créatifs

En proie à de soudains accès de sommeil paradoxal, pendant lequel se déroulent les rêves, les narcoleptiques seraient particulièrement créatifs, d'après une nouvelle étude.

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Rêves : les narcoleptiques seraient particulièrement créatifs

En neuroscience, la créativité peut être définie comme la capacité à produire quelque chose d’à la fois original et adapté à des contraintes.

FANATIC STUDIO / SCIENCE PHOTO L / FST / Science Photo Library / AFP

Créer viendrait-il en dormant ? Et plus précisément… En rêvant ? Les narcoleptiques, aux accès de sommeil soudains, seraient en effet particulièrement créatifs, rapporte une étude franco-italienne publiée dans la revue Brain. Ces travaux ont été réalisés par des médecins de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP et des chercheurs de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), du CNRS et de Sorbonne Université au sein de l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière, en collaboration avec une équipe de l’université de Bologne en Italie.

La créativité naitrait du sommeil paradoxal

Le lien entre sommeil et créativité a été évoqué dans plusieurs études, selon lesquelles une sieste incluant une phase de sommeil paradoxal – caractérisée par les rêves – est suivie d'une période de plus grande flexibilité mentale permettant une meilleure résolution de problèmes. En neuroscience, la créativité peut être définie comme la capacité à produire quelque chose d’à la fois original et adapté à des contraintes. Cette flexibilité mentale, c'est donc bien de la créativité ! Pour autant, "il est peu probable que la créativité en soi naisse instantanément lors d'une sieste. Au contraire, le développement de la créativité s'étend probablement sur plusieurs années, y compris de nombreuses périodes de sommeil", expliquent les chercheurs dans la publication. Mais dans ce cas, comment examiner le rôle du sommeil paradoxal sur une aussi longue période ?

Les narcoleptiques : ces experts du sommeil paradoxal

"Notre solution a été de faire appel à des experts en sommeil paradoxal et en rêves : les sujets atteints de narcolepsie", expliquent les auteurs. La narcolepsie est un trouble rare du sommeil qui touche environ 0.02% de la population générale, caractérisé par des phases de sommeil incontrôlables et, dans 70% des cas, une cataplexie (perte soudaine du tonus musculaire). Mais le sommeil narcoleptique a une particularité : même pendant les siestes, il débute souvent par une phase de sommeil paradoxal. Tandis que le reste de la population passe systématiquement par une phase de sommeil léger avant de rêver, et n'atteint souvent jamais le stade du sommeil paradoxal lors des siestes. De plus, "les sujets atteints de narcolepsie sont des rêveurs lucides plus puissants que les témoins", précisent les chercheurs, ce qui signifie qu'ils sont plus souvent conscients de rêver lorsqu'ils rêvent et peuvent même parfois influencer le scénario du rêve.

Ainsi, si la créativité peut naître du sommeil paradoxal, des personnes telles que les narcoleptiques, qui bénéficient d’un accès privilégié au sommeil paradoxal, en seraient les parfaits exemples. "En rencontrant régulièrement des patients narcoleptiques au sein de mon service, j’ai remarqué qu’ils semblaient plus évoluer dans des activités créatives que la moyenne ; pas uniquement dans leur vie professionnelle mais aussi dans leurs loisirs ou leur façon de penser", raconte dans un communiqué le Pr Isabelle Arnulf, cheffe du service des pathologies du Sommeil à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière-AP-HP, qui a participé à l'étude.

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Les narcoleptiques apparaissent plus créatifs que les sujets sains

Pour en avoir le cœur net, les scientifiques franco-italiens ont évalué les capacités créatives de 185 personnes narcoleptiques et de 126 individus contrôles en combinant deux méthodes. La première consiste en une mesure de la créativité de façon subjective, par des questionnaires évaluant le profil et les réalisations personnelles des sujets dans différents domaines des arts et des sciences, en passant par l’humour, la cuisine ou encore l’architecture. La seconde méthode, dite objective, évalue la performance créative à l'aide d'un test sur table de 2 heures appelé EPoC (Evaluation du Potentiel Créatif) chez 30 patients et 30 contrôles. Il évalue les deux grandes dimensions de la créativité : la pensée divergente (qui demande, à partir d’un stimulus, de générer le plus de réponses possibles) et la pensée convergente (qui requiert d’intégrer plusieurs objets dans une seule et même production, cohérente et originale).

Résultat, les sujets narcoleptiques obtenaient des scores plus élevés que les sujets contrôles ! Mais "seule une partie d’entre eux sortait vraiment du lot en matière d’accomplissement créatif", en particulier les narcoleptiques rêveurs lucides, qui obtenaient les scores les plus élevés au test de profils créatifs, "suggérant un rôle du rêve dans les capacités créatives", explique Delphine Oudiette, chercheuse Inserm à l’ICM, qui a dirigé l’étude. "Ceci nous suggère de vraiment encourager les personnes narcoleptiques à exploiter leur potentiel", ajoute-t-elle.

Créativité et rêves lucides : cause ou conséquence ?

Des études restent à mener pour comprendre si les rêves lucides sont la cause ou la conséquence de la créativité. Pour l'instant, les chercheurs pensent que cette créativité accrue pourrait s’expliquer par l’accès privilégié au sommeil paradoxal et aux rêves dont bénéficient les personnes narcoleptiques, fournissant un plus grand réservoir d’idées à partir desquelles puiser des inspirations créatives. "Il s’agit d’un argument fort pour dire que l’accès régulier au sommeil paradoxal et aux rêves favorise la créativité", conclut Célia Lacaux, premier auteur de l’étude. "C’est aussi la première fois que nous montrons que les sujets narcoleptiques sont meilleurs que la moyenne dans un domaine aussi important que la créativité, apportant par la même une note positive à cette maladie difficile à vivre".

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