Printemps 1968, dans un petit village des Ardennes, loin du vent de révolution qui flotte sur les grandes villes. A tout juste 20 ans, Michèle Monier est factrice. « En attendant le début de ma tournée, j’ai ouvert L’Union et j’ai vu une annonce qui cherchait des footballeuses pour une kermesse. Le premier entraînement était le soir même. »
Pierre Geoffroy, journaliste pour le quotidien local et organisateur de la fête annuelle, mise sur un match féminin pour divertir les foules et attirer du monde – après un combat de catch opposant « des nains » l’année précédente.
« Quand je suis rentrée chez moi après le travail, j’ai dit à ma mère que j’allais jouer au foot à Reims. Elle m’a dit que j’étais folle, mais m’a laissée faire. » Michèle est alors loin d’imaginer qu’elle deviendra plus tard capitaine de la première équipe de France féminine de football. Bien avant que le pays n’accueille, ce vendredi 7 juin, la huitième édition de la Coupe du monde féminine de la FIFA.
Ce même jour de 1968, Ghislaine Royer-Souef, 15 ans, répond, elle aussi, à l’appel. Comme beaucoup de candidates, « Gigi » jouait au foot « avec les garçons » jusqu’au moment où la différence des sexes a fait son œuvre. Au final, c’est plus d’une quinzaine de filles qui enfileront les crampons pour l’essai. Des sportives, tous âges confondus, « qui ont juste envie de jouer au foot ».
Un stade comble
Après quelques semaines d’entraînement, les footballeuses se retrouvent à faire le lever de rideau de Reims-Lens, juste avant le match de la kermesse. Un bon moyen pour le club d’attirer les spectateurs dans une période de creux. Le stade est comble. Elles remportent la rencontre face à une équipe venue d’Alsace, composée pour beaucoup d’Allemandes, le football féminin étant plus populaire outre-Rhin.
Ni Pierre Geoffroy, l’organisateur, ni Richard Gaud, l’entraîneur, ne pensaient donner une suite à l’aventure. Mais les filles la réclament. « On s’est laissé entraîner, sourit Richard Gaud. Pierre se démenait pour leur trouver des adversaires. » A l’époque, les Rémoises ont vite fait le tour des rares autres équipes françaises. Rapidement, elles se mettent à jouer des matchs d’exhibition – parfois « de propagande », comme elles les appellent – à travers le monde.
Tchécoslovaquie, Italie, Angleterre, d’abord. « On se faisait appeler “équipe de Paris”, dans ces compétitions, où on représentait la France », se souvient Ghislaine Royer-Souef.
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