Archives. S’il est vrai, comme l’a dit Crébillon, que « le succès fut toujours un enfant de l’audace », alors l’initiative de cette poignée de suffragettes en crampons-aiguilles revendiquant le droit de botte peut ne pas être stérile. L’entreprise est en effet hardie de vouloir imiter d’abord, rejoindre ensuite, sous des formes entièrement féminisantes, l’homme dans ce qu’il a de plus virilement et populairement sportif : la pratique du football.
Elles étaient une soixantaine, samedi à Aoste et Novare, dimanche à Turin, à avoir troqué leurs bas de soie contre des bas de laine ; quatre équipes de jeunes filles ou de jeunes femmes, de quinze à vingt-cinq ans, représentant respectivement dans cette première Coupe d’Europe des nations de football féminin le Danemark, l’Angleterre, l’Italie et la France. Un bataillon de choc et de charme las sans doute de laver l’équipement du frère, du fiancé ou du mari, de les accompagner chaque semaine au stade ou de passer l’après-midi dominical devant la télévision, mais surtout désireux de démontrer que dans ce domaine également les femmes étaient capables de renvoyer là balle. Elles ont, à notre étonnement, nous l’avouons, réussi.
Il convient aussi de se garder des moqueries trop faciles, voire des réflexions plus ou moins scabreuses qui ne manquent pas de jaillir des tribunes.
Une parenthèse est tout de même nécessaire : il n’est pas question ici de débattre du sport féminin, sujet plus vaste et plus complexe ; il s’agit plus simplement, à la lumière d’une première expérience internationale, de voir dans quelle mesure les femmes, qui pratiquent déjà des sports d’équipe « masculins » comme le handball, le basket-ball ou le volley-ball, peuvent aussi s’adonner au football.
« La femme qui fait un métier d’homme, lit-on sévèrement dans un roman de l’entre-deux-guerres, appartient au troisième sexe. » Voyons donc ces anges-là. Il faut tout d’abord laisser de côté tout purisme : on tressaille déjà au nom de « footballeuse », mais on frémit à l’idée qu’un jour « la gardienne de but, bien protégée par ses arrières bétonneuses ou verrouilleuses », pourrait tenir en échec « les buteuses ou les shooteuses de l’équipe adverse » !
Il convient aussi de se garder des moqueries trop faciles, voire des réflexions plus ou moins scabreuses qui ne manquent pas de jaillir des tribunes et l’insistance de ce spectateur turinois à vanter le jeu de jambes du capitaine de l’équipe italienne devrait certainement être banni du manuel du parfait supporté.
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