Raymond Depardon : "Du jour au lendemain, je suis devenu celui qui avait photographié Brigitte Bardot"

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Raymond Depardon : "Du jour au lendemain, je suis devenu celui qui avait photographié Brigitte Bardot"

Raymond Depardon en mai 2019 dans l'exposition au Musée de la marine
Raymond Depardon en mai 2019 dans l'exposition au Musée de la marine
© Maxppp - Dominique Leriche

Le photographe était l’invité de Laure Adler dans l’émission L’Heure bleue à l’occasion de l’exposition : « Depardon, photographe militaire » à Toulon. Il est revenu sur ses débuts dans la photo et sur son célèbre cliché de Brigitte Bardot.

Laure Adler : Raymond Depardon, je lis ce que vous dîtes de vos début : 

C’était une belle journée de juillet 1962, j’arrivais de Strasbourg où je venais de passer quatre mois à faire mes classes dans une caserne d’infanterie, la Gare de l’Est était pour moi la plus merveilleuse du monde, mon paquetage sur le dos, je pris le métro qui me parut super moderne. Tout le monde était souriant, de bonne humeur à moins que ce ne fut moi l’heureux provincial, ravi de revenir dans la capitale. 

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Un veau.... pour démarrer dans la photo

Laure Adler : Pourquoi avoir voulu échanger le petit veau que votre père vous avait offert pour vous acheter un scooter ?

Raymond Depardon : "Pour me déplacer plus vite dans Paris pour faire ces petits reportages que personne ne voulait faire. Je suis arrivé de Villefranche-sur-Saône à 16 ans. Je n’avais pas fait d’études et j’étais jeune pigiste. Mes parents m’avaient offert un petit veau. J’ai pensé à le vendre pour m’acheter un scooter. D’ailleurs, je ne suis pas payé n’importe lequel, j’ai pris un scooter italien Rumi. Comme ça je pouvais faire deux ou trois petits reportages par jour. Je me suis aperçu que pour battre la concurrence, il fallait aller vite. Je me disais que j’aurais peut-être une chance de percer. 

J’ai toujours fait ça : les vases communicants. Avec une photo que je vends, j’achète autre chose. Peut-être une méthode qui me vient de mes parents agriculteurs : avec la vente de la récolte de blé, on achète un tracteur etc." 

A ses débuts, le métier de photographe était très différent

Raymond Depardon : "A cette époque-là, on pouvait rentrer dans la cour de l’Elysée. On était libres. Je faisais de petites choses dans les salons agricoles, les Prix littéraires, les premières de cinéma… Ça m’a permis de me familiariser avec cet appareil : le rollerflex. J’ai appris le métier de photographe, et à me placer.

La situation était un peu différente de maintenant : les gens posaient beaucoup devant l’objectif. Auparavant, s’il y avait une première sur les Champs-Elysées, les gens descendaient de voiture pour poser devant les photographes. C’était peut-être une survivance de la plaque, du speed graphique. A mon retour de mon service en 1963 – 1964, déjà, j’ai vu que c’était fini."

La célèbre photo de Brigitte Bardot 

Laure Adler : Pourquoi vous-êtes vous rendu avec votre beau scooter dans une clinique de Meudon ?

Raymond Depardon : "En fils de paysan pas trop informé à l’époque, pour moi il y avait deux personnes qui dominaient tout à cette époque-là (1959/1960) : le Général De Gaulle et Brigitte Bardot. Mais bien sûr, ils étaient difficiles à photographier. Pour le Général De Gaulle, c’étaient des photographes très expérimentés qui s’y collaient. 

Mais j’avais déjà appris plusieurs choses : il fallait aller souvent aux Drugstore des Champs-Elysées pour regarder la presse étrangère pour s’en nourrir, se gaver des grands journaux, et des photos ». Un jour, je suis tombé sur un article : Jacques Charrier était hospitalisé dans une clinique de Meudon. C’était un jour férié, j’y suis allé seul. Brigitte Bardot est arrivée en voiture décapotable. Elle portait son fameux foulard à carreaux. J’ai pris quatre photos qui ont marché, même si l’une est un peu floue. Je l’ai eu de dos. On ne s’était même pas parlé. Je regrette un peu qu’on ne se soit pas dit bonjour. Elle n’était pas surprise de me voir d’ailleurs.

J’ai foncé à l’agence Dalmas. D’ailleurs ils étaient fou de rage car comme je n’étais pas encore intégré, que j’étais juste pigiste, il devait me donner 50% des ventes. Le cliché a été publié dans France Soir. Ça m’a valu d’être repéré. Je n’étais plus anonyme, j’étais celui qui avait photographié Brigitte Bardot."

L'Heure bleue
52 min

Laure Adler : Donc, ce n’était pas une photo volée ?

Raymond Depardon : "Oh, si ! Mais on faisait tous ça. S’il y avait Liz Taylor au Lancaster rue de Berry, c’était son hôtel préféré, ou La Callas… On se mettait sur le trottoir entre la porte de l’hôtel et la Rolls, et on prenait une photo."

Laure Adler : Sans jamais demander ? Sans jamais parler ?

Raymond Depardon : "Sans jamais parler. J’avais l’impression qu’il s’agissait des us habituels. Parfois mon scooter gênait : La Callas et Onasis allaient souvent manger chez Maxim’s. Les photographes, on faisait ce qu’on appelait « une courette ». On les suivait en grillant un peu les feux rouges, mais la Rolls n’allait pas très vite. Et quand ils descendaient de voiture et entraient chez Maxim’s, et on les prenait en photos. C’était assez classique. C’étaient des personnalités d’un certain niveau : ils s’attendaient à voir des photographes."

🎧 ECOUTER | Raymond Depardon dans L’Heure bleue 

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