La Turquie est sur le point de rayer des centaines de villages kurdes historiques de la carte
Hasankeyf

Depuis des décennies, l’Etat turc s’est montré impitoyable dans ses plans d’erradication de la culture kurde. Au cours de l’une de ses dernières actions s’inscrivant dans cette logique, la Turquie a exprimé sa volonté de débuter le remplissage du barrage controversé d’Ilısu le 10 juin. Cela entrainera la submersion sous les eaux de centaines de villages à majorité kurde, les effaçant ainsi littérallement de la carte.

Les activistes protestent contre le barrage d’Ilisu depuis une vingtaine d’année, argant que la Turquie inondera le “berceau de la civilisation”. Parmi les villages concernés se trouve Hasankeyf, site vieux de 12 000 ans qui concentre des centaines de monuments historiques et des milliers de grottes néolithiques.

L’eau comme une arme

Alors que la Turquie manque de gaz et de pétrole, elle est riche en eau. Elle est l’un des pays les plus actifs dans la construction de barrages au monde avec 635 d’entre eux répartis sur son territoire où s’écoule le Tigre et l’Euphrate. La plupart des barrages les plus important se trouve dans les bassins versants de ces deux formidables voies fluviales.

L’approvisionnement en eau de la Syrie et de l’Irak dépend en grande partie du Tigre. Le barrage d’Ilısu pourrait couper l’approvisionnement en eau, vital pour les zones urbaines ainsi que pour l’agriculture. 

Ce barrage est seulement l’un des ouvrages de l’important Projet d’Anatolie du Sud-Est (GAP), constitué entre autres de 22 barrages. Selon le journaliste Joris Leverink, “une fois le GAP mené à son terme, le débit fluvial vers la Syrie sera réduit de 40% tandis que celui vers l’Irak diminuera de 80%.” 

Par ailleurs, l’ONG Initiative to Keep Hasankeyf Alive affirme que la Turquie utilisera très certainement la question de l’eau comme une arme politique : “parce que la Turquie est hostile à l’égard du Nord-Est de la Syrie (Fédération démocratique du Nord et de l’Est de la Syrie / Rojava), elle coupe régulièrement depuis 2016 le débit de l’Euphrate, ce qui affecte de manière significative centrales hydroélectriques, systèmes d’irrigation et approvisionnement en eau potable.”

Comme le font remarquer le Réseau de Solidarité du Kurdistan et l’Union des Etudiants du Kurdistan (Kurdistan Solidarity Network et Kurdistan Students Union, basés au Royaume-Uni), “les ressources en eau sont utilisées comme une arme permettant d’aller encore plus loin dans les politiques d’assimilation de l’Etat turc en détruisant histoires et cultures, que ce soit celles des Kurdes mais aussi celles des populations assyriennes et arméniennes de la région.”

Une catastrophe environnementale

Le barrage inondera plus de 400 kilomètres d’habitat fluvial, écosystème de la tortue à carapace molle de l’Euphrate (Rafetus Euphraticus), une espèce menacée d’extinction. Pour l’Initiative to Keep Hasankeyf Alive, “la qualité de l’eau du réservoir sera sans doute extrêmement faible, elle conduira à une extermination massive des poissons et constituera une menace pour la santé de la population. En aval, la diminution du débit du Tigre aura un effet négatif sur les marais irakiens de Mésopotamie, zone humide la plus importante du Moyen-Orient et classée au Patrimoine Mondiale de l’UNESCO.”

C’est notre dernière chance

Au fil des ans, les actions conduites par les activistes et la guerilla a réussi à stopper à plusieurs reprises la construction puis la mise en eau du barrage d’Ilısu. Mais aujourd’hui, il semble que le temps presse. 

Les 7 et 8 juin, militant.es et activistes tiennent leur troisième journée d’action mondiale contre le barrage. Elles et ils appellent à ce que chacun.e autour de la planète agisse en fonction de ses moyens pour protester contre la mise en eau à venir d’Ilısu. Le vendredi 7 juin par exemple, le Réseau de Solidarité du Kurdistan et l’Union des Etudiants du Kurdistan a lancé un appel à manifester devant l’ambassade turque de Londres. Leur message est clair : “Ne noyez pas notre histoire !”

L’Initiative to Keep Hasankeyf Alive souligne dans le même temps que “c’est notre devoir de combattre jusqu’au bout ce projet de destruction, d’exploitation et de conflit.”

En effet, toute personne qui s’oppose à l’occupation coloniale se doit de supporter les populations locales du Kurdistan, engager des actions où qu’elle se trouve afin d’enrayer ce projet éhonté de barrage une bonne fois pour toute.

Traduction d’un article publié par le média britannique indépendant The Canary et écrit par Eliza Egret.

1 COMMENTAIRE

Laisser un commentaire